Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
Monsieur le Ministre Conseiller Représentant du Chef de l’Etat,
Honorables Députés,
Mesdames et Messieurs les Membres du Gouvernement,
Mesdames et Messieurs du personnel de l’Administration Parlementaire,
Distingués Invités, tout protocole confondu,
Mesdames et Messieurs,
Nous voici réunis cet après-midi pour le vote du projet de loi de finances de l’année 2017, soumis par le Gouvernement à l’Assemblée Nationale. Au cours des travaux en Commissions et en Plénières concernant ce projet de Loi, les honorables députés ont eu l’occasion de débattre des différentes politiques sectorielles présentées par les Ministres, de prendre connaissance de l’exécution du budget de l’Etat pour l’exercice 2016 et d’examiner les prévisions budgétaires pour l’exercice 2017.
Monsieur le Président,
Honorables Députés,
Le Groupe Libéral-Démocrate a déjà, par ma voix, partagé avec vous, nos principales critiques sur les volets recettes et dépenses. Aujourd’hui nous voulons surtout nous appesantir sur certains aspects très sensibles de la gouvernance financière de notre Pays.
Il faut, en tout premier lieu, relever l’incohérence criarde entre la déclaration de politique générale du Premier Ministre Chef du Gouvernement, les différentes politiques sectorielles déclinées et la répartition des crédits du projet de budget 2017.
Aussi les définitions des politiques sectorielles ne prennent pas entièrement en compte les Objectifs du Développement Durable (ODD) ; les secteurs les plus concernés par ces objectifs étant ceux de l’éducation, de la santé, du développement rural et des infrastructures.
Par ailleurs, nous avons tous été témoins de la présentation faite devant la représentation nationale par le Ministre en charge de la Communication dont le contenu se limitait aux médias publics, occultant totalement les médias privés. De ce fait, ce Chef de Département exclue de son domaine de compétence les organes de presse privée qui jouent, cependant, un rôle important et apprécié dans la circulation des idées et des opinions dans le Pays.
Est-il besoin de souligner cette attitude nous renvoie aux vieilles pratiques du Parti-Etat, traduisant ainsi l’absence d’une politique publique en phase avec les tendances modernes actuelles. Disons-le, une politique publique doit traduire les orientations, les objectifs ainsi que les résultats que poursuit un gouvernement ou une collectivité publique dans un domaine de son action.
Monsieur le Président,
Honorables Députés,
En ce qui concerne l’exécution du budget et plus précisément de la commande publique, vous me permettrez d’aborder le sujet qui fâche pour certains, mais qui mérite d’être évoqué pour éclairer nos mandants sur la mauvaise gestion de nos ressources publiques et les pratiques peu orthodoxes de nos dirigeants. Il s’agit de la violation systématique du code des marchés publics, de la loi organique relative aux lois de finances et du règlement général sur la gestion budgétaire et de la comptabilité publique.
Chers collègues, c’est l’occasion de rappeler sommairement les conclusions du rapport d’audit sur les contrats de marchés publics commandité par le Gouvernement avec l’appui financier de la Banque Mondiale.
Ce rapport bien que non exhaustif porte sur 68 contrats d’une valeur totale de 12 171, 40 milliards de GNF laisse apparaître notamment :
• le recours systématique aux procédures de gré à gré, pour quatre-vingt-douze pour cent (92%) des marchés audités ;
• la mise en place d’un système de paiement à travers les lettres de garanties qui n’a pas de base légale au regard des textes régissant les marchés publics. Lesquels prévoient que les paiements devraient se faire sur la base de décomptes certifiés par une mission de contrôle ;
• le non-respect des délais d’exécution de certains marchés sans application de pénalités de retards prévues par le code des marchés publics. AP
Pour clore ce sujet, retenons que la mission est arrivée à la conclusion suivante :
- seulement 13% des marchés passés sont conformes ;
- 63% des marchés sont passés selon des procédures non conformes ; et le comble
- 24% desdits marchés n’ont pu être audités pour carence documentaire.
Il est à signaler que cette étude n’a pas abordé un point important qui porte sur l’évaluation de la surfacturation des travaux et des prestations de services des différents contrats de marchés audités.
C’est le lieu de s’interroger sur la situation de certains contrats de construction et de travaux publics attribués au même groupe d’entreprises privilégiées, évoqués dans le rapport d’audit. Il s’agit :
- de la rénovation du Palais des Nations qui est inachevée alors que le marché a été entièrement payé. Pire, le même projet figure sur les prévisions budgétaires de 2017.
- Les routes Kankan-Kissidougou, et Dabola-Kouroussa sont inachevées en dépit des montants colossaux qui ont été décaissés. Les usagers de ces routes et les populations riveraines s’interrogent sur la volonté et la capacité du gouvernement à faire exécuter ces travaux ; tout comme ceux des autres routes nationales complètement dégradées.
Vous conviendrez avec nous que le non-respect des règles et procédures budgétaires
à travers le versement de recettes aux mauvais guichets et les dépenses extrabudgétaires a eu pour conséquences l’institutionnalisation de la corruption et le détournement à grande échelle des deniers publics.
L’absence d’une loi contre la corruption et les pratiques assimilées ainsi que les récentes informations sur le phénomène de corruption dans le secteur minier incriminant certaines hautes autorités ternissent la gouvernance économique et financière du pays et constituent des facteurs de découragement des investisseurs potentiels.
Du côté des citoyens et la représentation nationale que nous sommes, la préoccupation à cet égard est d’autant justifiée que l’impunité est garantie pour tous les dirigeants coupables de détournement de deniers publics.
C’est le moment de déplorer l’absence de volonté d’assurer une mission essentielle de l’Assemblée Nationale de contrôle l’action gouvernementale. C’est pourquoi le Groupe Parlementaire Libéral Démocrate propose la mise en place au cours de cette session des commissions d’enquêtes parlementaires autour des certains contrats de marché.
De ce qui précède, les populations attendent de l’Etat que les personnes coupables de ses malversations soient traduites devant la justice et que des sanctions adéquates soient prises.
Monsieur le Président,
Honorables Députés,
Cette fois encore, en violation des dispositions de l’article 60 de la loi Organique relative à la loi des finances nous avons examiné le projet de loi de finances 2017 sans avoir eu un débat sur le projet de loi de règlement et de compte rendu budgétaire. Or, comme vous le savez, le contrôle parlementaire de l’exécution des lois de finances s’exerce à travers l’examen et le vote des lois de règlements.
C’est l’occasion pour nous, de mettre en doute la crédibilité des organes de contrôle y compris l’Assemblée Nationale pour son inertie et la Cour des Comptes de par sa composition au regard de loi organique qui définit clairement ses missions et les personnes pouvant faire l’objet de contrôle. A notre avis, la première action de la cour des comptes devrait être de récuser tous les anciens ordonnateurs principaux ou délégués du budget de l’Etat qui sont membres actuels de ladite Cour pour éviter un conflit d’intérêt. Car, l’on ne saurait contrôler et certifier valablement les comptes de sa propre gestion. Aussi, elle devrait mettre en cause les contrats de location en faveur de certains Ministères et Institutions dont les coûts sont exorbitants.
Monsieur le Président,
Honorables Députés,
Il est grand temps de rappeler au Gouvernement les dispositions de la loi organique relative aux lois de finances en ses articles 15 et 77 fixant respectivement les conditions dans lesquelles sont organisés les débats d’orientation budgétaires et le contrôle de l’exécution des lois de finances par l’Assemblée Nationale. L’application des dispositions de ces articles précités requiert la mise en place d’un cadre de concertation et un calendrier de travail entre l’Exécutif et le Parlement. C’est à ce prix que nous pourrons contribuer à l’amélioration de la gestion économique et financière de notre pays.
Monsieur le Président,
Honorables Députés,
Le projet de budget pour l’année 2017 reste très fragile, malgré l’augmentation des recettes intervenue au cours de nos travaux. Nous restons convaincus qu’il y a encore des poches de recettes qui ne sont pas encore budgétisés surtout dans le domaine de la pêche et de l’économie maritime, des Télécoms, des mines. Egalement, les recettes administratives en particulier, avec le patrimoine bâti public, les jeux, le domaine de l’Etat.
L’examen approfondi des prévisions de dépenses du projet de budget indique clairement la déficience dans l’allocation des ressources de l’Etat. En effet, on note une part élevée des dépenses courantes par rapport aux dépenses en capital. Mieux, nous avions déjà indiqué que les lignes budgétaires ‘’carburant et lubrifiants’’ et ‘’matériels et mobiliers de bureaux’’ ont des crédits qui augmentent d’année en année. Notre recommandation est de dire que le gouvernement devrait réduire ces crédits pour relever le niveau des dépenses d’investissement qui reste très faible sans compter l’existence des dépenses liées aux fêtes tournantes de notre indépendance nationale non budgétisées qui se chiffrent à 456,61 milliards de GNF. A cela s’ajoute l’épineux dossier de la dette intérieure qui a été largement évoqué au cours de l’explication de vote sur le volet dépenses.
Monsieur le Président,
Honorables Députés,
De ce qui précède, je demande aux députés du groupe Libéral-Démocrate de s’abstenir de voter ce projet de loi de finances 2017 soumis par le gouvernement.
Je vous remercie
Hon dr Fode Oussou FOFANA
President du groupe LD UFDG