L'épidémie à virus Ebola, qui a fait des centaines de victimes en Guinée, pendant deux ans, a été déclarée finie par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), ramenant la joie et le sourire dans les ménages, sauf dans ceux qui ont perdu les siens.
La réinsertion, prônée, et acclamée sans arrêt, n'a pas atteint les espoirs escomptés. Les veuves vivent avec difficulté une nouvelle vie, ponctuée par des difficultés de toutes sortes. Non seulement elles sont stigmatisées, mais aussi leurs activités, génératrices de revenus, ont du plomb dans l'aile.
Réunies au sein d'une ONG de réinsertion des survivants d'Ebola, chacune des veuves a une histoire aussi singulière que pathétique à l'image de toutes celles que nous avons entendues sur le vécu des survivants. M'Mah Cissé fait partie du lot de ces personnes inconsolables. Elle a perdu son mari, son fils, son beau-frère. Seule adulte rescapée de sa famille, elle est devenue la tutrice de tous ces orphelins à sa charge.
Délaissée par son voisinage et le reste de la communauté, elle peine encore à reprendre ses activités d'antan. La cinquantaine en bandoulière, elle est membre d'une association des personnes guéries d'Ebola où elle perçoit un pécule qui lui permet, tant bien que mal, d'assurer le quotidien de ses orphelins.
« Depuis le décès de mon mari et de son frère, tous les enfants issus de ces familles sont à ma charge. Je n'ai personne pour m'aider, je me débrouille avec le pécule de 600.000 de nos francs (moins de 100 Euros) un sac de riz qu'on nous verse à la fin de chaque mois. Mais cela est insuffisant pour supporter toutes les charges de la famille, le loyer et les frais scolaires des enfants pour une famille comme la nôtre où il faut 5 kilos de riz par jour pour que chacun puisse avoir une poignée de riz », explique la veuve.
Le pécule dont elle fait cas, est la prime que les guéris d'Ebola reçoivent depuis avril dernier de la part de l'OMS dans le cadre de la mise en œuvre du premier volet du programme d'appui aux survivants qui s'étendait sur cinq mois et qui a pris fin en d'août dernier. A en croire les veuves, elles ne le recevaient pas à temps. Pis, la démarche administrative imposée pour accéder à l'argent semble être un parcours de combattant.
«Avec toutes ces exigences, nous recevons notre dû avec beaucoup de retard. Le mois d'août marque la fin de ce projet, après la réunion d'aujourd'hui, on nous demande de revenir la semaine prochaine et Dieu seul sait si nous allons recevoir notre pécule à cette nouvelle date.», s’inquiète Mariama Kaba, elle aussi veuve et membre de la dite ONG. Son inquiétude s'avère encore plus grande au lendemain de la fin du projet de prise en charge médicale qui coïncide avec l'annonce de la fin de l'épidémie.
Cette inquiétude, elle le partage avec Achille Guémou, président du Réseau des organisations de défense des survivants d'Ebola, qui reste lui aussi sceptique et inquiet quant à l'achèvement des trois autres volets du programme d'appui, notamment le programme de réinsertion sociale et économique.
Il fait remarquer par ailleurs, que les réunions hebdomadaires avec les survivants qui devaient se tenir pour essayer de briser le mur de la stigmatisation, face au rejet de l'initiative de la part des survivants, ces rencontrent se tiennent dans certaines directions communales de la santé de Conakry.
De l'avis de ces femmes, elles sont systématiquement stigmatisées. Bien que nombre d'entre elles soient jeunes, ces veuves laissent entendre qu'elles en ont encore un beau moment dans le célibat, car la maladie a laissé sur elles une tâche, psychologiquement indélébile aux yeux des autres. La mise en œuvre du programme de réinsertion sociale et économique reste aujourd'hui leur unique espoir pour reprendre leurs activités économiques, affectées par l'épidémie.
L'air hagard, Mariama Kaba, ressasse les années glorieuses de son commerce, où selon ses dires, elle faisait le tour de tous les marchés hebdomadaires de la Basse-Côte pour ravitailler les marchés de Conakry en agrumes. Aujourd'hui, cette belle période n'est que souvenir pour elle et ses collègues. Elles se demandent si elles pourraient un jour reprendre normalement leurs activités initiales.
Aliou Diallo pour www.guinee58.com