Le principe du contradictoire et le droit de la défense ont pour objectif de garantir la justice. Ils sont essentiels pour garantir un procès équitable. Le principe du contradictoire permet à la personne visée par une sanction d’être d’abord avertie et d’être entendue et de connaître les arguments avancés à son encontre, d’exercer son droit à la défense et de pouvoir exercer si possible un recours.
Le droit de la défense implique que l’intéressé est informé tôt, dans un délai raisonnable, qu’une procédure est engagée contre lui et de la sanction qu’in encourt. Le non-respect de ces principes peut entraîner la nullité de la sanction. Ils sont essentiels dans tout Etat de droit afin d’éviter l’arbitraire. Ils s’appliquent aussi bien en matière civile, administrative que pénale. En France ce sont des principes constitutionnels, consacrés par la Cour Constitutionnelles et rappelés par la Cour de Cassation ou le Conseil d’Etat.
A titre d’exemple, ils s’appliquent dans le droit du travail dans les procédures disciplinaires ou les licenciements. Ils doivent également être respectés dans les procédures d’exclusion que ce soit d’association ou de partis politiques.
En droit de travail
En France, la sanction disciplinaire en matière de droit du travail est une mesure prise par l’employeur suite à des agissements qu’il juge fautifs commis par son salarié. La sanction varie en fonction de la gravité de la faute commise. Si la faute est légère, la sanction est également légère (observation écrite, blâme sans inscription au dossier, avertissement), l’employeur doit juste notifier la sanction au salarié en indiquant les motifs.
Mais pour une sanction plus lourde, comme le licenciement, l’employeur doit convoquer le salarié, en indiquant sur la convocation l’objet, la date de convocation, l’heure et le lieu de l’entretien et préciser que l’employé peut se faire assister par une personne de son choix membre du personnel (art L. 332-2 du Code du travail).
La convocation doit être transmise au salarié soit à main propre contre une signature de décharge, soit par lettre recommandée avec accusé de réception (art R.1332-1 du Code du travail).
Le délai doit être suffisamment long entre la convocation et l’entretien préalable à la sanction. C’est ce qu’a considéré la Cour de Cassation dans un arrêt du 2 juillet 2015 où pour le cas de l’espèce il a fixé ce délai à sept jours. Cependant, lorsque les faits fautifs rendent impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, l’employeur peut prendre une mesure de mise à pied conservatoire avec effet immédiat. Le salarié est alors dispensé d’exécuter son travail avant la sanction.
Lors de l’entretien, l’employeur indique les motifs de la mesure et le salarié peut donner des explications. La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien.
L’employeur dispose d’un délai de 2 mois, à partir du moment où il a pris connaissance de la faute, pour prononcer une sanction. Passé ce délai il ne peut plus sanctionner le salarié pour cette faute. Aucune sanction de plus de trois ans ne peut non plus être invoquée à l’appui de la nouvelle sanction.
Si le salarié veut contester sa sanction, il saisit le Conseil de prud’hommes. Celui-ci peut annuler la sanction.
Le code du travail guinéen est fortement inspiré du modèle français mais avec des différences au niveau des délais. L’article 212.1 du Code du travail guinéen dispose que :
« Une sanction disciplinaire ne peut être infligée à un salarié que lorsque celui-ci a commis une faute dans l’exercice de son activité professionnelle. Les actes ou omissions, même fautifs, commis en dehors du temps et des lieux de travail, ne peuvent justifier une sanction disciplinaire en dehors du cas où un salarié révèle à des tiers des informations confidentielles concernant l’entreprise, ou cherche, par un abus caractérisé, à nuire à son employeur ».
Selon la gravité de la faute, l’employeur peut prononcer un avertissement, un blâme, une mise à pied inférieure ou égale à six jours, un licenciement avec ou sans préavis.
La sanction disciplinaire doit faire l’objet d’une notification écrite et motivée transmise au salarié en main propre ou par lettre recommandée avec accusé de réception. En Guinée, l’employeur ne peut pas prononcer de sanction disciplinaire passé le délai d’un mois depuis qu’il a eu connaissance de la faute commise. En dehors de ce délai de prescription, les dispositions du Code sur les sanctions disciplinaires ne donnent pas de délais précis. Cependant ces délais peuvent figurer dans le règlement intérieur des entreprises concernées. Le règlement intérieur est le document écrit par lequel l’employeur fixe obligatoirement les règles générales et permanentes relatives à la discipline, en déterminant la nature et l’échelle des sanctions susceptibles d’être prononcées ainsi que les dispositions procédurales garantissant les droits de la défense, l’hygiène et la sécurité applicables dans l’établissement ou l’entreprise (art 211.3 du Code du travail). L’interprétation a contrario de l’article 211.4 permet de dire que le règlement intérieur peut prévoir les mises à pied, les mutations ou les licenciements disciplinaire.
Le Code du travail est plus précis sur les délais en ce qui concerne les procédures de licenciement, notamment le licenciement pour motif personnel prévu aux articles 172.11 et suivants. Il indique qu’il doit y avoir un délai de 5 (cinq) jours au moins entre la convocation du salarié et l’entretien. La convocation doit préciser date, l’heure, le lieu de l’entretien, les motifs qui font envisager le licenciement, la possibilité qu’a le travailleur de se faire assister, et éventuellement représenter, par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, soit au syndicat auquel il est affilié (art 172.11 du Code du travail).
Au cours de l’entretien, l’employeur expose les motifs du licenciement et le salarié donne ses explications. Un procès -verbal de l’entretien est dressé. Après l’entretien, l’employeur doit observer un délai de réflexion de deux jours ouvrables avant de prononcer le licenciement. Le licenciement doit être notifié au salarié par lettre recommandée. Lorsque la faute commise rend impossible la poursuite du travail du salarié dans l’entreprise, l’employeur qui envisage le licenciement peut prononcer une mise à pied conservatoire immédiate en attendant la décision (art 172.15 du Code du travail). Toutefois, la mise à pied conservatoire ne peut en aucun cas entraîner une suspension de rémunération supérieure à 10 jours ouvrables.
Le salarié peut contester la sanction prise à son encontre devant le juge du travail. Ce dernier contrôle la proportionnalité de la sanction par rapport à la gravité de la faute. Il peut annuler la sanction (art 212.4 du Code du travail).
L’exclusion d’un membre d’une association
Le membre d’une association qui enfreint les statuts et le règlement intérieur d’une association peut être sanctionné par l’association concernée. L’exclusion peut être une des sanctions possibles. La procédure d’exclusion et les motifs peuvent être envisagés dans les statuts ou le RI. Ils peuvent indiquer l’organe compétent pour prononcer l’exclusion. De nombreuses associations ont mis en place des commissions de discipline. Par exemple, à l’Association des Jeunes Guinéens de France (AJGF), c’est le Conseil d’administration, qui prononce les sanctions (avertissement, suspension, exclusion (art 8-3 des Statuts et VI du RI)). Le CA est également chargé de la résolution des conflits entre les membres du bureau et entre le bureau et tout autre membre de l’association.
A défaut d’organe prévu pour les sanctions, c’est l’Assemblée générale qui est habilitée en respectant les procédures de vote et les quorums requis. La personne contre qui l’exclusion est envisagée doit être informée suffisamment à l’avance des motifs et l’exclusion envisagée afin de pouvoir se défendre. Si certaines associations fixent des délais précis, nombreuses sont celles qui laissent cette question vague. L’AJGF, bien que n’indiquant pas de délai précis, stipule que la radiation pour motif grave est prononcée par le CA, qui avant de prononcer cette décision est tenu d’entendre les explications de l’intéressé convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception. L’AJGF prévoit une procédure d’appel interne. Ainsi un membre exclu peut contester son exclusion devant l’Assemblée générale. De nombreuses associations prévoient une procédure similaire.
En France, le membre de l’association peut contester son exclusion au Tribunal de Grande Instance (TGI) ou d’Instance.
En Guinée, si la loi L/005/013 AN fixant le régime des associations est largement inspirée de celle de 1901 en France, les statuts et le RI des associations guinéennes insistent cependant très peu sur le respect des droits de la défense et le principe du contradictoire. Les juges de 1ère instance et de paix sont indiqués en cas de contestation judiciaire de l’exclusion d’un membre.
Les procédures de sanction d’un parti politique
Tout comme les exemples précédents, l’exclusion d’un membre de parti politique doit obéir au droit de la défense au principe du contradictoire. Les procédures à suivre sont inscrits dans les statuts et les règlements intérieurs des partis.
Au parti socialiste (PS) français, l’article 80 des statuts stipule que la sanction est prise en cas de non-respect des statuts, des règles de déontologie prises par le Bureau, des décisions du Parti et des décisions d’une Commission de Vigilance. La sanction peut frapper un membre, un groupe ou une instance. Par exemple, en mai 2015, le parti avait exclu deux élus municipaux membres de sa fédération du Val de Marne et cinq militants des sections l’Hay -Les Roses, tous pour soutien à candidature dissidente. Selon sa gravité, la sanction consiste :
-à un rappel à l’ordre motivé
-un blâme
-la suspension du mandat ou de la fonction en cause;
-la révocation du mandat ou de la fonction en cause;
-la suspension de l’ensemble des mandats dans les instances du Parti ;
-la révocation de l’ensemble des mandats internes et externes ;
-l’interdiction de présenter sa candidature à un mandat ou une fonction interne ;
-l’interdiction de figurer sur une liste électorale du Parti ou d’être investi par le Parti d’un mandat non électif ;
-la suspension de la qualité de membre ;
-l’exclusion de la qualité de membre.
Les instances habilitées à prononcer les sanctions sont en 1ère instance :
-le Comité de la section ou le Comité fédéral qui ne peuvent adopter comme sanction que le rappel à l’ordre, le blâme ou la suspension
-les autres sanctions sont prononcées à la majorité des deux tiers par l’Assemblée générale de la section ou du groupe, l’Assemblée fédérale ou le Bureau du Parti ;
-et à défaut, aux assemblées et aux instances directement concernées par les faits et leurs conséquences.
-Il existe aussi des Commissions de Vigilance des fédérations qui ont pour mission de constater et de sanctionner tout manquement des statuts et des règles de déontologie
Toute instance qui envisage une sanction, doit en informer le Secrétaire général du Parti, actuellement, Jean Philippe Cambadélis.
Pour les garanties, toute sanction envisagée doit figurer à l’ordre du jour de l’assemblée ou de l’instance concernée et la personne, le groupe ou les représentants de l’instance concernée doivent en être informées auparavant par notification. Ils doivent être entendus et peuvent se faire assister de défenseurs membres du parti.
Ils disposent également du droit de faire appel. Le délai d’appel est d’un mois et il n’y a pas de moyen précis indiqué les statuts stipulent juste que « L’appel peut se faire sous toute forme qui prouve l’envoi de celui-ci ».
L’appel des manquements déontologiques et de la violation des statuts est de la compétence exclusive de la Commission de Vigilance du PS.
-le Comité fédéral s’il s’agit d’une sanction prononcée par une instance communale ;
-le Bureau du Parti s’il s’agit d’une sanction prononcée par une instance fédérale ;
-le Congrès s’il s’agit d’une sanction prononcée par le Bureau du Parti.
La décision de l’instance d’appel est définitive.
Le non-paiement des cotisations peut entrainer la radiation d’office (art 3.3 du RI). L’adhérant concerné est informée par lettre recommandée et accusé de réception qui doit mentionner qu’il dispose d’un délai de six mois à compter de la notification, pour se mettre à jour de ses cotisations.
Il sied également d’ajouter la motion de méfiance prévue dans les Statuts (art 35). Une telle motion peut être demandée par la majorité absolue des membres du bureau contre son président. Si la motion recueille la majorité absolue au bulletin secret, un Congrès est convoqué dans le délai d’un mois où la motion de méfiance sera inscrite à l’ordre du jour. Si le Congrès adopte la motion, le Président et le Bureau démissionne et une nouvelle élection doit être organisée dans le délai d’un mois.
Il existe également des Commissions des Conflits (au niveau des fédérations ou nationales) qui sont saisies par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au Premier Secrétaire du Parti, au Bureau fédéral ou au Bureau national. La Commission désigne un rapporteur qui va instruire l’affaire et qui va auditionner les parties. Ces dernières doivent être convoquées au moins quinze jours avant la réunion de la Commission par LR avec AR.
Les saisines de la Commission (fédérale ou nationale) des conflits doivent être adressées par lettre recommandée avec accusé de réception aux Premiers Secrétaires fédéraux ou selon le cas (article 11-4 des statuts nationaux) au (à la) Premier(e) Secrétaire du Parti, qui la porte, selon le cas, devant le Bureau fédéral ou le Bureau national. La saisine est transmise, selon le cas à la Commission fédérale, ou à la Commission nationale des conflits dans un délai maximum de quinze jours. Sous peine de nullité, les parties sont entendues contradictoirement et peuvent citer des témoins membres du Parti. Les décisions des Commissions doivent être motivées et préciser les conditions d’appel. Le non-respect de ces modalités peut entraîner la nullité des décisions. Les décisions transmises au Secrétariat fédéral ou national, doivent l’être aux parties sous huitaine aux parties par LR avec AR.
Il convient de conclure avec cette formation politique sur le droit d’évocation qui permet à tout membre d’un Comité fédéral qui s’il estime qu’un comportement d’une section ou d’un groupe de section ou d’un membre peut porter atteinte à l’intérêt du parti, de saisir l’instance exécutive fédérale. Une procédure de conciliation est alors engagée avant l’éventuelle application de sanctions.
Quelques exemples de personnes exclues par le PS :
Michel Charasse, ancien ministre et bras droit du Président François Mitterrand et ancien sénateur suspendu par le bureau politique en avril 2008 pour avoir soutenu une candidature dissidente. Après avoir refusé un compromis, il a été exclu le 28 mai 2008. Il sera nommé membre du Conseil constitutionnel en 2010 par le Président (de droite) Nicolas Sarkozy.
En 2013, le bureau PS a exclu, à l’unanimité l’ancien Ministre du budget du Président François Hollande, Jérôme Cahuzac pour avoir dissimulé des comptes bancaires à l’étranger pour frauder le fisc et pour ses mensonges au Président de la République, à la représentation nationale et aux Français ce qui porte gravement préjudice au PS.
Chez Les Républicains (LR), parti qui a succédé à l’Union pour un Mouvement Populaire (UMP) qui lui-même a succédé au Rassemblement pour la République (RPR), l’article 4 du Règlement intérieur stipule que les sanctions applicables aux adhérents sont la suspension et l’exclusion. La sanction est prise à l’issue d’une procédure contradictoire où l’intéressé peut demander à être entendu et la décision de sanction lui est notifiée par LR avec AR.
Plusieurs instances sont habilitées à prononcer des sanctions :
Le Comité départemental dispose de pouvoir disciplinaire à l’égard des adhérents. Sur le rapport du Secrétaire départemental, il instruit les demandes de sanction présentées par le président du Comité départemental. Il peut déléguer l’instruction à une Commission spéciale de trois membres désignés en son sein. Dans l’attente de la décision de sanction, le Comité départemental ou la commission spéciale d’instruction peut décider de suspendre l’intéressé de sa qualité d’adhérent à titre provisoire.
Le Bureau Politique sanctionne les adhérents titulaires de mandat électif ou exerçant une fonction gouvernementale. Il peut déléguer l’instruction des demandes de sanction à une commission spéciale de trois membres désignés en son sein. Dans l’attente de la décision de sanction, le Président du Mouvement peut, après avis du Bureau Politique, décider de suspendre l’intéressé de sa qualité d’adhérent à titre provisoire.
Dans les trois mois précédant et le mois suivant une élection nationale ou locale pour laquelle le parti présente un candidat ou une liste de candidats, le Bureau politique peut prononcer la suspension ou l’exclusion de tout adhérent qui aurait enfreint les décisions prises par le Mouvement en matière de candidature ou d’investiture.
Le Président du Mouvement, actuellement Nicolas Sarkozy, peut, en cas d’urgence et notamment en période électorale, exercer un pouvoir de sanction statutaire, la décision de sanction doit être soumise au Bureau politique dans les plus brefs délais.
Les sanctions sont susceptibles d’appel par l’intéressé ou les concernés dans les sept jours francs à compter de la notification de la sanction. Le recours doit être adressé à la Commission des Recours du Mouvement qui l’instruit dans les 30 jours suivant sa réception. Elle peut entendre l’intéressé s’il le souhaite. En cas d’exclusion, le recours est formé devant l’instance qui a prononcé la sanction.
Quelques exemples de sanctions à l’UMP et Les Républicains
L’eurodéputé Jérôme Lavrilleux a été exclu de l’UMP en 2014 par une décision du Bureau politique prise à l’unanimité moins deux abstentions. Il est reproché à celui qui fut directeur de campagne de Nicolas Sarkozy de la présidentielle de 2012 d’être à l’origine des révélations sur le financement de la campagne de Nicolas Sarkozy, l’affaire Bygmalion.
En novembre 2015, c’est l’ex député-maire UMP de Saint Denis (Réunion) René Paul Victoria qui a été exclu du parti Les Républicains pour avoir décidé de constituer sa propre liste pour les élections régionales de 2015.
En décembre 2015, Nathalie Kosciusko-Morizet a été déchu de son poste de Vice-Présidente pour avoir critiqué la stratégie de Nicolas Sarkozy de ne voter ni pour le Front national, ni pour le PS au second tour des régionales. L’intéressée affirme avoir appris son éviction du bureau par voie de presse. Elle a pris acte. Elle n’est toutefois pas exclue du parti et conserve son mandat de députée de l’Essonne et entend se présenter à la primaire en vue de la prochaine élection présidentielle.
En octobre 2015, la Commission nationale des investitures du parti avait exclu l’ancienne Ministre de Sarkozy, Nadine Morano des listes aux régionales dans le Grand Est pour ne pas s’être excusée d’avoir tenu des propos sur la France "pays de race blanche". Elle n’est pas exclue du parti. Elle est eurodéputée.
Autres exemples de sanctions dans d’autres partis politiques français
En septembre 2015, l’ex ministre Rama Yade a été exclue du Parti Radical, un des partis constitutifs de l’UDI (Union des Démocrates et Indépendants) (centre). C’est la commission de discipline du PR qui a prononcé son exclusion en raison de sa volonté de dénigrer d’une manière constante et systématique, par voie médiatique, les instances du parti, comme son président, mettant gravement en cause l’image du parti dans l’opinion publique. Son exclusion lui a été notifiée par LR avec AR ainsi que par acte d’huissier. Elle avait un mois pour faire appel, ce qu’elle n’a pas fait.
Une série de sanctions a également été infligée à Jean Marie le Pen, le fondateur du Front national (l’extrême droite). Sa fille et successeur à la tête du Parti, Marine Le Pen, après une nouvelle polémique dont son père est coutumier sur les chambres à gaz de la seconde guerre mondiale, avait décidé de supprimer le poste de président d’honneur, qu’il occupe. A cet effet, elle avait convoqué pour le 4 mai 2015 un vote par courrier pour opérer la révision des statuts. Saisi en référé par son père, le Tribunal de Grande Instance de Nanterre dans sa décision du 8 juillet a décidé de suspendre l’assemblée extraordinaire du FN en estimant que le parti n’a pas respecté ses statuts et l’a invité à organiser un congrès physique devant lequel Jean Marie Le Pen pourra se défendre. La Cour d’appel de Versailles, saisie par le FN, a confirmé le jugement du TGI de Nanterre. C’est après ce double échec judiciaire que le FN a opté pour l’exclusion de celui qui a fondé le parti. Ce qui sera fait le 20 août 2015 par le Bureau exécutif à la majorité requise, après trois heures de débats en présence de Jean Marie Le Pen qui était accompagné de Bruno Gollnisch et Me Frédéric Joachim et qui a pu donner ses explications.
En Guinée, la première difficulté est d’accéder aux statuts et règlements intérieurs des partis politiques. Si la plupart disposent de site Internet et sont inscrits sur les réseaux sociaux, il n’est pas facile de trouver ces textes, même lorsque les rubriques les mentionnant figurent sur les sites. Pour les statuts et RI des partis accessibles, si le principe du contradictoire est sous-entendu, les procédures sont imprécises n’indiquant pas de délai.
A l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG), l’article 10 de ses statuts reconnaît à tout membre le droit de s’exprimer librement dans les instances de l’organe auquel il appartient et de recourir à l’instance et à l’organe immédiatement supérieur, en cas de différend. En cas de sanction, il devra respecter celle-ci en attendant la décision finale. Suivant l’article 13 des Statuts, la qualité de membre se perd par la démission, l’exclusion ou la radiation. L’article 10 du RI indique que le Bureau Exécutif National veille à l’application stricte de la discipline du Parti à tous les échelons. Il reçoit et se saisit des contentieux en dernier ressort. Il est le dernier recours en matière de contentieux. Suivant l’article 51 du RI, les sanctions doivent être prises sans complaisance, ni parti pris, contre tout militant ou tout responsable de l’UFDG dont le comportement est jugé contraire à la morale et aux règles du Parti. La sanction est prononcée soit par l’organisme dont il est membre et validée par l’organisme immédiatement supérieur, soit décidée directement par la hiérarchie. La sanction doit être proportionnelle à la gravité de la faute, le niveau de responsabilité étant aggravante (art 52RI). Les fautes disciplinaires définies à l’article 53 RI ne sont pas limitatives. Les sanctions sont graduées :
L’avertissement, deux avertissements entraînant un blâme, il en est de même de la faute lourde ; la suspension après deux blâmes la même année, elle ne peut excéder six mois, l’exclusion de toutes responsabilités décidée par la Direction nationale du Parti pour une durée n’excédant pas deux ans ; la radiation prononcée par le Congrès national. Mais à titre conservatoire, la sanction est décidée par la Direction Nationale du Parti.
Le RI stipule que « tout accusé dispose du droit de se défendre contradictoirement et de faire recours aux organismes supérieurs ou aux instances du parti. Le recours est suspensif des sanctions jusqu’à leurs confirmation en raison de la présomption d’innocence ».
Ni les statuts, ni le RI ne précisent le délai qu’il doit y avoir entre la convocation de l’intéressé et la décision de la sanction. Ils ne prévoient ni les délais de recours, ni les modalités de recours. Est-ce par LR avec AR dans un pays où la poste est devenue l’ombre d’elle-même, faut-il en se rendant au siège contre une décharge ?
Le 4 novembre 2015 et le 4 février 2016, l’UFDG a exclu respectivement Mamadou Barry membre du Bureau exécutif et Oury Bah 1er vice-président après les avoir déchu de leur fonction dans le parti.
Les décisions portant exclusion de ces deux membres sont signées du Président, Cellou Dalein Diallo. Certes celle Ref : 198/UFDG/2015 qui exclut Mamadou Barry se réfère à la délibération du Conseil politique en date du 4 novembre 2015 et celle ref :0/3 UFDG/CAB/2016 (O.B) parle d’application des décisions de la réunion extraordinaire du Conseil politique élargie aux députés et aux Secrétaires nationaux en date du 4 février 2016. Pourquoi les décisions sont signées du Président du parti et non par les organes concernés ou une personne agissant au nom des organes concernés ? Si ce ne sont que des actes de secrétariat, pourquoi ne sont-elles pas signées par le Secrétaire du Parti traduisant les procès-verbaux. de ces organes ?
Aucune de ces exclusions n’émane de congrès national alors qu’il s’agit d’exclusion définitive.
Par ailleurs, si les deux décisions insistent sur les comportements des intéressés qui justifient leur sanction, elles sont peu disertes sur les principes du contradictoire et sur leur droit de défense. Les personnes sanctionnées ont- elles été dûment convoquées avec indication de l’objet de la rencontre à savoir leur exclusion, respectant un délai raisonnable entre la convocation et la date prévue pour la sanction ? Les décisions n’indiquent pas que les intéressés avaient la possibilité d’être entendues, de se faire accompagner et de former de recours, ni les formes de ces recours. Une autre question est de savoir comment ces décisions ont été notifiées aux intéressés : en mains propres, par LR/AR, par voie d’huissiers, par voie de presse ? Ces différents aspects ne sont pas prévus par les textes du parti concerné, pourtant ils sont cruciaux pour le respect de la démocratie interne. Fermer le siège pour empêcher les membres exclus d’y entrer n’est-ce pas une forme de déni de recours interne ?
Mamadou Barry a attaqué son exclusion en justice en référé. Ne disposant pas du contenu de la décision, il est difficile de se prononcer. Son avocat Maitre Amadou Oury Diallo a précisé que la plainte de son client n’a pas été rejetée mais a été renvoyée devant le juge du fond. L’avocat du parti Maitre Alsény Aissata Diallo soutient que Mamadou Barry a perdu le procès. C’est là toute la subtilité d’une procédure en référé justifiée par l’urgence. Le rejet d’une procédure de référé (urgence) ne signifie pas que son demandeur est débouté. Cela signifie simplement que le juge n’a pas estimé qu’il y a urgence et ne préjuge pas du jugement au fond qui prend des délais beaucoup plus longs qu’un référé.
L’attitude du Vice- Président, elle, laisse perplexe. Après avoir déclaré avoir engagé des procédures judiciaires contre le parti, il a fini par exercer un recours interne. Il est vrai que les actions judiciaires en question semblent plus orientées vers le pénal que le civil. N’empêche que, l’annonce de la création d’un mouvement Cellou Dalein doit partir peu après l’annonce de ce recours interne montre que le Rubicon a été franchi et les dés jetés.
L’imprécision des délais n’est pas exclusive à l’UFDG. Elle semble être caractéristique des partis politiques guinéens peu habitués à exclure.
La lecture des statuts et du RI de la Fédération de France du Parti de l’Espoir pour le Développement national (PEDN) révèle l’existence d’une Commission fédérale de discipline et des recours. Elle est chargée de régler les contentieux liés au fonctionnement du parti et aux actes individuels. Les conflits autres que ceux d’adhésions sont instruits en première instance par cette Commission. Elle apprécie les manquements aux statuts et au RI. Elle examine les fautes et propose les sanctions appropriées au Conseil fédéral qui doit en délibérer. Les sanctions disciplinaires sont :
-L’avertissement
-Le blâme
-La suspension,
-Et l’exclusion définitive
Par ailleurs, le parti a instauré une sorte d’amende de 10 euros pour tout retard de plus de 30 minutes, ce qui est curieux et soulève des questions quant à sa légalité. Trois absences successives à des réunions non justifiées sont considérées comme fautives. Les textes du parti reconnaissent le principe du contradictoire et le droit à la défense. L’article 12 du RI de la stipule que :
« Nul ne peut être sanctionné s'il n'a pas été entendu par la Commission fédérale de Discipline et des Recours, sauf refus de sa part de répondre à deux convocations remises en main propre ou déposé à son domicile. Lors de sa convocation l'intéressé a le droit de se faire accompagner et assister par un militant du Parti ».
La possibilité d’appel existe et est du ressort de la Commission nationale de Discipline et de Recours. Cette Commission peut également, à la demande du Bureau exécutif, se saisir directement du contentieux qui en principe est instruite en 1ère instance par la Commission fédérale de discipline et des Recours. Il n’y a aucune indication de délai.
En janvier 2014, le PEDN a exclu Madame Zalikatou Diallo, alors Secrétaire nationale, qui a désormais rejoint le Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG)-Arc-en-ciel. Le Communiqué du parti relatif à cette exclusion en date du 14 janvier 2014 montre que l’exclusion a été prononcée par le Bureau exécutif national élargie aux membres du Comité national des femmes, du Comité national des Jeunes, du Comité national des Corporations et des Conseils fédéraux de Conakry. Il démontre que l’intéressée n’a pas été convoquée en vue de se faire exclure. Il indique en effet que :
« L’ordre du jour est relatif à la violation par Madame Traoré née Zalikatou Diallo, de la décision du Parti de ne pas siéger à l’Assemblée nationale…Considérant que ce comportement est qualifié de faute lourde, la réunion s’est transformée en session extraordinaire du Conseil national, seule instance compétente à prendre et à entériner une sanction en la matière. A l’issue des débats, la décision d’exclusion a été prise à l’unanimité des membres présents du Conseil national. A ce titre et à compter de ce jour, Madame Traoré née Zalikatou DIALLO, Secrétaire nationale du Parti, est exclue pour fautes lourdes de toutes les instances du Parti de l’Espoir pour le Développement National ( PEDN )».
Au vu de ce communiqué, la principale intéressée n’a pas pu exercer son droit d’être dûment convoquée et de se défendre. Elle a affirmé avoir appris son exclusion par voie de presse. Elle soutient dans un entretien que :
« on ne me l’a pas notifié officiellement. J’attends encore parce que j’ai été numéro deux du parti pendant près de cinq ans. J’estime qu’on doit me le notifier ».
A la lecture du Communiqué, il apparaît que seul le Conseil national serait habilité à prendre une exclusion, ce qui n’apparaît pas dans les statuts et RI de la fédération de française, les plus facilement accessibles contrairement aux statuts et RI du parti et d’autres partis comme le RPG arc-en-ciel ou l’Union des Forces Républicaines (UFR).
La pratique de l’exclusion dans les partis politiques guinéens a mis en exergue son manque d’encadrement dans les statuts et les RI. Les principes élémentaires du droit des personnes exclues sont à peine effleurés et les délais d’action ou de recours sont inexistants et la question des modalités de convocation en vue des sanctions et de leurs notifications est imprécise. En plus de s’attaquer à ces questions de procédure, les partis doivent rendre leurs textes accessibles.
Hassatou Baldé
http://jafricacogen.blogspot.fr/2016/03/le-principe-du-contradictoire-et-le.html