Dans un contexte mondial marqué par les crises à la fois complexe et répétitive dans tous les domaines : crises économique et financière, crise identitaire, crise sécuritaire, crise politique, la réalité exige à tout pays, la réflexion sur les moyens et mécanismes permettant de bâtir un environnement prometteur, celui dans lequel on se donne plus de sérénité pour aborder l’avenir. Bref, un environnement propice au progrès, à l’amélioration constante du niveau de vie de la population [1]sans tomber dans un nationalisme chauvin ou aveugle.
Si ce postulat est indéniable dans l’avenir des pays en général, il s’impose avec plus de virulence dans le contexte de ceux du continent Africain. L’Afrique, ce géant à l’avenir prometteur, mais qui peine à se relever. Une situation paradoxale dans la mesure où, il s’avère que c’est dans cet environnement que le défi de développement se pose avec acuité : défi d’éducation, de santé, de logement, de sécurité sociale, de stabilité politico- institutionnelle et, par ricochet de paix durable etc.
Des défis exacerbés par les prévisions de l’avenir, notamment celle relative à la démographie, relevant le doublement de la population Africaine à l’horizon 2050. Une statistique effrayante qui fait de la problématique du développement de l’Afrique, une question pressante, face à la laquelle le besoin de réponses sérieuse et durable n’est plus à mentionner, car celui-ci relève désormais beaucoup plus d’une simple intuition que d’une véritable démonstration.
La Guinée , pays de l’Afrique de l’Ouest n’échappe pas à ce tableau dressé ci haut , comme l’a fait remarquer l’écrivain Burkinabé Joseph Ki-zerbo « les pays Africains ressemblent à un livre dont les pages ont le même contenu » . C’est dire que la Guinée, nonobstant les espoirs nés des cinq dernières années de gouvernance du professeur Alpha Condé, gouvernance reprochable sur quelques aspects, reste confronté à d’énormes défis, des défis qui devraient s’imposer comme les fils conducteurs ou les véritables chantiers de son second et « dernier mandat » qui débutera officiellement ce 21 décembre 2015.
Les chantiers d’avenir, oui, nous les aurons. Ils sont d’ailleurs si nombreux que tout semble être une priorité dans ce pays. Sans vouloir établir ici un ordre des priorités dans la mesure où la pertinence d’une telle démarche pourrait se poser, il nous incombe néanmoins, de susciter les réflexions sur les grandes questions de notre société au nombre desquelles la gouvernance dans le jeu politique occupe une place primordiale et, cela, dans le but d’aboutir à un certain nombre de conclusions qui pourraient enrichir le débat sur la question. Ceci relève de notre responsabilité à la fois intellectuelle et morale.
Mais qu’entendons nous par gouvernance responsable ou gouvernance future ?
Pour répondre à cette question, nul besoin de faire recours au dictionnaire, il suffit de jeter un coup d’oeil à la doctrine, mais pas celle du Dalloz. En effet, le Président Alpha Condé, dès l’annonce de sa victoire au premier tour d’une élection contestée par son challenger et principal opposant Cellou Dalein Diallo a annoncé les couleurs de ce second[2] mandat. Selon l’homme de droit et du second mandat, le futur gouvernement sera celui des compétences. Ce qui implique que la gouvernance future sera celle axée sur le résultat ou la réponse aux aspirations légitimes du peuple de Guinée. Celle ci nécessite inéluctablement l’appel aux hommes ressources capables de définir et exécuter les réelles politiques de développement dont le pays a besoin.
Ce travail de prospection quelque soient « les cieux », d’ouverture devrait être insatiable et sans frontière, seules conditions : le profil et la volonté de servir son pays de façon intègre et cela, quelques soient les convictions politiques, l’appartenance à une formation politique ou à la société civile.
QUELLE POURRAIT ETRE ALORS CETTE COMBINAISON GAGNANTE POUR LA GUINEE DANS UN CONTEXTE POLITIQUE NATIONAL MARQUE PAR LA MULTITUDE D’ACTEURS AUX INTERETS DIVERGENTS, MAIS NON SANS ESPOIR DE RAPPROCHEMENT EU EGARD AUX ENJEUX DE L’AVENIR DANS CE PAYS ? Bref, quel avenir politique pourrait-on envisager dans ce pays à même de donner des résultats probants dans l’avenir ?
La présente communication trouve ainsi son intérêt et son objectif dans la réponse à cette problématique. Une question qui, de par sa pertinence, s’impose d’elle même au moment où les interrogations se posent sur ce qui pourrait être le futur gouvernement sans oublier le contexte dans lequel celui-ci évoluera.
Du fruit des réflexions sorties de notre analyse, nous estimons que la combinaison gagnante pour une gestion des affaires publiques efficace et efficiente dans ce pays se décline à la fois dans la stratégie qui devrait être mise en oeuvre tournant autour de l’idée d’ouverture (I), une approche qui n’est pas sans intérêt ou bien fondé (II)
I- L’ouverture : Un tournant décisif dans la refondation de la gouvernance en Guinée
S’il y a une vérité qui ne se dément jamais, c’est bien celle qui fait reposer le retard de ce pays sur déficit de gouvernance ou de gestion des affaires publiques des années durant. La Guinée, un pays immensément doté par la nature, mais en manque criarde des besoins de premières nécessités. La raison : les politiques de rente.
Ainsi, pour que cet art puisse enfin produire ses merveilles en Guinée, une révolution s’impose dans la sphère politique à travers un changement tant dans le mode de choix des dirigeants du pays que dans les principes qui gouvernent leurs actions.
L’esprit d’ouverture qui devrait gouverner ce second mandat du Président Alpha Condé est une impérieuse nécessité pour une gouvernance responsable. Il se décline en la main tendue à la fois à l’opposition et à la société civile Guinéenne, lesquelles regorgent des personnes ressources et, cela, dans une optique alliant le principe se résumant à l’idée du oui au compromis et non de rassemblement (A), et les moyens d’action ou démarche (B).
A- Le principe : Oui au compromis et non au rassemblement :
L’histoire nous enseigne qu’à chaque fois qu’un pays s’est trouvé toucher dans son orgueil, il a recouru à toutes les forces vives de la nation pour se relever. Dans le cas de la Guinée, si nous ne sommes pas à ce stade, il est indéniable que nous sommes sur le chemin tant les besoins de premières nécessités se présentent encore comme un luxe dans ce pays. Ce qui nous amène à mentionner que la Guinée est dans une période cruciale de son histoire qui exige de sa classe politique, de ses dirigeants, de son élite intellectuelle une recherche de compromis, d’alliances novateurs susceptibles d’aboutir à la composition d’une équipe gouvernementale digne du nom, capable de relever les nombreux et pressants défis. Une équipe constituée non seulement de profils qu’il faut, mais aussi exerçant sur la base du triplet aux trois « R » : RIGUEUR, RESULTAT, RESPONSABILITE. Cela, où qu’ils puissent être afin que le pays puisse enfin amorcer son décollage politique, économique et social.
En effet, durant le premier mandat du président Alpha Condé, nous avons assisté à une gestion du pays sur fond de nivellement, d’exclusion et de récompense. C’est d’ailleurs ce qu’on pourrait reprocher à ce régime dans la mesure où, on aurait pu aboutir à plus de résultats probants en faisant le choix sur le critère de compétence. Une réalité déplorable qui a d’ailleurs été soulignée par le président de la république lui même dans ses sorties ou déclarations.
Nul besoin ici, de relever la nécessité de rectifier les erreurs du passé. ce qui semble d’ailleurs être compris par le camp présidentiel en la personne du président Alpha Condé à travers les nombreuses déclarations d’ouverture et les actions dans ce sens après les élections présidentielles.
Une telle stratégie, menée à terme et de façon sérieuse est très salutaire pour le pays à la lumière du contexte politique et social marqué par la méfiance, l’exclusion, et la scission du tissu social.
Mais la passion que nous éprouvons pour une telle démarche ne doit aucunement nous faire taire la curiosité intellectuelle nous permettant d’en fixer les contours et contenu ou pour tout dire les principes.
Ainsi, dans ce processus de rapprochement de la mouvance présidentielle et la classe politique issue de l’opposition et de la société civile, nous sommes favorables à une logique de compromis et non de rassemblement.
Compromis – rassemblement : quelle nuance ?
Si le compromis est une action qui implique des concessions réciproques ; une transaction , donc une association sur base d’accords et clauses devant être exécutés , le rassemblement par contre est le fait de rassembler des choses éparses , de réunir les personnes dispersées sans nécessairement un accord de fond .
Enfin, si le compromis nécessite le rassemblement, le rassemblement par contre peut se faire sans compromis comme il en est souvent le cas dans le sanctuaire politique.
Ceci étant, la participation de l’opposition et la société civile Guinéenne au futur gouvernement doit se faire la base de clauses ou d’accords tendant à la réalisation de projet de société, de mission gouvernementale. « Nous serons dans le gouvernement en tant qu’alliés du parti au pouvoir afin d’exécuter un travail, d’aboutir à des résultats, d’apporter notre expertise à la construction de l’édifice national à travers la mobilisation et la mise à disposition de l’Etat de notre ressource humaine compétente et qualifiée tout en gardant notre casquette de parti d’opposition ou de citoyen libre de ses convictions. Il s’agira non seulement de vendre l’image du parti en montrant de quoi il est capable, mais aussi de lutter contre un phénomène récurrent et néfaste en Afrique en général et en Guinée en particulier : l’exclusion dont souffrent beaucoup de cadres du pays à cause de leur conviction politique ».
Au plan institutionnel, une telle démarche serait un mimétisme réaliste en empruntant les techniques des monarchies parlementaires où le gouvernement est le plus souvent une coalition de partis politiques du pays. C’est types de régime offrent plus de perspectives de stabilité à travers une démarche de mutualisation des risques et profits, donc une logique de partage de responsabilité.
Apres avoir montré le principe qui devrait gouverner cette nouvelle approche de gestion des affaires publiques axé sur une démarche participative eu égard au contexte et les enjeux, il convient de s’interroger sur le modalités de sa concrétisation ou la démarche à entreprendre.
B- la démarche
Voulant nous inscrire dans une démarche beaucoup plus rationnelle , nous n’allons pas citer simplement ce qu’il faut faire sans l’accompagner du comment, nous dirons que la démarche sera différente selon l’acteur en face. Ainsi, nous verrons ce qu’il faut dans le rapport avec les partis de l’opposition qui accepterons l’alliance (1) et celui de la société civile (2).
1- Dans le rapport avec les partis de l’opposition
Comme il s’agira d’un « DEAL POLITIQUE » sur la base de clauses et d’accords et, en nous basant sur ce qui se fait ailleurs, la démarche la plus plausible est celle de leur confier les départements ministériels, donc un secteur d’activité gouvernementale avec obligation de résultat[3].
En nous appuyant sur la réalité politique actuelle du pays, nul besoin de dire ici que M SYDIA TOURE de l’UFR ne serait pas un bon premier ministre ou un excellent ministre de l’économie et des finances sur la base de ses compétences et de son expérience dans le domaine.
M SYLLA ABBE du NGR, en tant que ministre ou un haut cadre de l’Etat pourrait apporter son expertise acquise ailleurs dans son domaine.
M GHANDY FARAGUET de UGDD dispose d’une excellence expérience dans le domaine de l’enseignement et la recherche scientifique. Un domaine clé de développement du pays.
FOFANA IBRAHIMA KASSORY du GPT , excellent économiste et doté d’énormes expériences dans le domaine.
Le fait de ne citer que ces cadres trouve sa justification dans les faits dans la mesure où, ils ont tous, ces derniers temps, fait savoir leur volonté de travailler avec le parti au pouvoir dans l’optique de servir le pays. Pour parodier M TOURE SYDIA « le pays d’abord »
Toutefois, rien n’exclut l’éventualité d’un rapprochement du parti au pouvoir avec son principal adversaire à savoir l’UFDG de M DIALLO CELLOU DALEIN dont il faut noter l’assise populaire, les compétences ainsi que l’expérience. La dernière rencontre du président Alpha Condé avec le numéro de ce parti n’est-il pas un signe porteur d’espoir ?
Pour clore ce chapitre, il convient de mettre l’accent sur deux points :
- Primo, il ne s’agira pas obligatoirement pour ces personnes d’occuper eux mêmes le post de ministre. Le plus important sera de servir son pays avec intégrité sous la casquette de son parti et donner un gage aux citoyens, car la politique nécessite un gage de la part des hommes politiques vis à vis du peuple.
- Secundo, réalisme oblige, tous les partis de l’opposition ne sauront pas réceptives à cette idée. ce qui n’est pas sans intérêt comme nous le verrons dans la deuxième partie de cette communication.
Que dire du rapport avec la société civile Guinéenne ?
2- Le rapport avec la société civile
Sur la base de la réalité politico-sociale de notre pays où la sociologie électorale montre que nous sommes davantage dans une logique de vote sur clivage ethnico-clanique que sur le vote sur enjeu, le choix des collaborateurs ou des hauts cadres du pays peut obéir à des critères autre que la compétence ou les qualités. Conséquence : on écarte de la gestion du pays bon nombre de fils et cadres dont le profil et l’expérience parlent en leur faveur en ce qui concerne le choix de la classe dirigeante du pays.
Il s’agira donc dans cette approche de rompre avec cette veille et fâcheuse habitude en optant pour l’excellence à la place de la médiocrité, la compétence à la place du copinage et de la connivence, le mérite à la place du nivellement.
Voici la république dont a besoin aujourd’hui avec un Etat exigeant et responsable car si l’Etat veut être respecté, il faut qu’il se montre respectable en réunissant tous les moyens notamment humains susceptibles de porter l’intérêt général au sommet de l’art politique.
Ces personnes ressources au profil recherché dont nous parlons ici, nous pouvons les trouver soit au pays ou à l’étranger.
Parlant des Guinéens à l’étranger, combien sont les Guinéens formés, qualifiés et pétris d’expériences sont aujourd’hui entrain de perdre leur talent à l’extérieur ? Qui peinent à reprendre le chemin de la république à cause du fait que le pays n’offre pas le minimum qu’il faut. Ces Guinéens qui n’attendent qu’une chose : RENTRER SERVIR LEUR PAYS.
Ainsi, s’il m’est permis d’étayer mon propos, je citerai ici une expérience historique novatrice dans ce domaine. En effet, lorsque M SYDIA TOURE est venu aux affaires en 1996, nous étions enchanté de voir dans son gouvernement tant de Guinéens de la diaspora dont les profils laissaient sans mot à dire. Le résultat nous le connaissons tous. C’est d’ailleurs l’occasion pour nous de réitérer la position que nous avons toujours défendue « le limogeage de M SYDYA TOURE à l’époque est l’un des erreurs politiques les plus graves jamais commises dans ce pays [4]»
Chaque année, nombreux sont les jeunes guinéens qui sortent du pays pour suivre ou poursuivre leurs études universitaires à l’extérieur, mais ils sont combien à revenir ?
Il est temps que l’Etat tende la main à sa diaspora intellectuelle, parce que tout simplement il a besoin de celle- ci dans son processus de développement.
Par ailleurs, cette diaspora en plus d’apporter l’expertise dont elle dispose peut également être une source de financement de projets, d’attrait d’investissement.
Au terme de cette première partie de notre analyse, il convient toutefois de noter que certains pourraient évoquer le risque d’une telle stratégie, précisément la mauvaise foi qui pourrait naitre au niveau de certaines formations politiques de l’opposition et nuire par la suite à la solidarité gouvernementale. Si l’éventualité n’est pas à exclure, elle ne doit pour autant pas être un argument dissuasif dans la mesure où nous estimons que « face aux questions d’une extrême importance pour le développement d’un pays meurtri et en quête de repères où tous ont quelque chose à perdre , il ne doit pas y avoir de polémique et que dans une démocratie qui se respecte, le parti au pouvoir et l’opposition ne sont pas des éternels ennemis, mais plutôt des collaborateurs historiques dans un rapport de complémentarité, de reconnaissance et de respect mutuel des droits. Ca s’appelle l’humilité démocratique ».
Cette logique de refondation de la gouvernance sur la base d’un certain nombre de principes dans laquelle il serait juteux de s’inscrire dans l’avenir trouve son fondement dans certaines réalités qui seront mentionnées ci dessous.
II - L’intérêt ou le bien fondé d’une telle démarche
Si l’ouverture est une nécessité, voir une impérieuse nécessité comme mentionné plus haut dans cette communication, l’idée qu’elle pourrait aboutir à une entreprise d’assimilation ou de cooptation des contre-pouvoirs par la mouvance présidentielle n’est pas à occulter .Pour preuve, pendant la transition politique de 2010, le gouvernement du capitaine Moussa Dadis Camara était en partie constitué de ministres présentés par les partis politiques. Malheureusement, une fois aux affaires, ceux-ci, parce que à, présent bercés par le miroitement des privilèges, ont oublié le comment de leur présence dans ce gouvernement en agissant à leur propre nom et compte. Ce qui serait un scenario dangereux pour la démocratie dans ce pays.
Ainsi, la refondation de la gouvernance sur fond d’ouverture que nous proposons dans le cadre de cette analyse trouve son intérêt ou son bien fondé tant sur le plan politique (A) que socio-économique (B).
A- Au plan politique
En toutes choses, l'expérience est le meilleur maître disait Publilius Syrus . Parlant justement d’expérience dans les sociétés Africaines, nous partageons l’avis de François-Xavier Verschave, cet économiste Français qui, par la force des choses était devenu un fervent passionné de la politique. Pour lui « le problème des pays Africains est d’abord politique avant d’être économique et social ».
Dans le cas de la Guinée, prenant appui sur les réalités du premier mandat du président Alpha Condé émaillé de bras de fer féroce avec l’opposition sans oublier quelques couacs avec ses ministres issus d’un « gouvernement de récompense » ainsi que les enjeux de ce second mandat, cette démarche d’ouverture permettrait au plan politique de :
- Inscrire ce mandat sous le joug de la stabilité politique
S’il y a bien une chose dont la Guinée a besoin aujourd’hui de façon urgente pour amorcer sa dynamique de développement avec sérénité, c’est bien la stabilité politique et institutionnelle. Plusieurs études sur la question montre une corrélation étroite entre l'efficacité économique et la stabilité politique.
Le terme stabilité politique peut être considéré sous plusieurs perspectives. Celle que nous considérons ici se résume en « la capacité pour un pays à éviter les crises et maintenir les normes sans grands changements ».
Capacité à éviter les crises, maintenir les normes sans grands changements, deux idées comme fils conducteurs de notre analyse sur cette question.
- La rupture avec le passé : les manifestations de rues
Concernant la capacité à éviter les crises, un gouvernement d’ouverture serait un argument fort pour le parti au pouvoir contre toute velléité de radicalisation de l’opposition sur la base de deux réalités :
- une classe dirigeante dans laquelle elle s’identifierait ;
- un interlocuteur plus audible permettant ainsi de ramener les désaccords sur le terrain de débats citoyens et régulés plutôt que les éternelles manifestations de rues.
- Instaurer une nouvelle dynamique au sein de la classe politique
Face à un environnement de classe dirigeante reconfiguré, constitué de parti au pouvoir , de l’opposition et de la société civile[5] , nous sortirons du clivage parti au pouvoir- opposition qui entraine souvent la politique d’humeurs et un débat de personne plutôt que la politique des idées et des hommes d’Etat.
Ce qui pourrait ramener l’opposition à davantage vers le cadre légal de discussion notamment l’assemblée nationale pour soutenir ses revendications.
Cette recherche de stabilité est cruciale pour le pays, d’autant plus que la Guinée est très mal classée dans les derniers rapports des pays où il est conseillé de faire les affaires ou d’investir[6].
- La stabilité gouvernementale
Parlant du maintien des normes ( équipe) sans grands changements , il est à noter que la sociologie des partis politiques en Guinée montre que nous sommes beaucoup plus devant les partis de masses que de partis de cadres. Ce qui nous amène à mettre l’accent sur la carence en cadres au sein des partis politiques du pays, surtout au sein des cellules de militants, ceux qui, une fois au pouvoir, espèrent profiter des postes de responsabilité comme récompense. C’est pourquoi, nous avons assisté à plusieurs ministres dans le premier gouvernement du président Alpha Condé, remplacés par la suite, certainement pour manque d’efficacité ou de résultat.
Une telle réalité peut avoir des effets néfastes dans la politique générale du gouvernement avec des changements de ministres chaque six mois ou même moins. Comme on a tendance à dire, on ne change pas l’équipe qui gagne. Ainsi, la mise en place d’un gouvernement sur fond de compétence et d’expérience permettra d’inscrire l’action de l’Etat dans l’efficacité et la durabilité. D’ailleurs, par principe, il faut noter que dans un pays multi-dimensionnel, on ne peut pas trouver dans le parti la réponse à toutes les questions, la solution à tous les problèmes. Ce serait nuire aux principes républicains. Les principes qui fondent notre modèle du vivre ensemble (travail-justice-solidarité).
- Garder des contre-pouvoirs
En se référant sur l’histoire des grandes démocraties de notre époque, on se rend compte que ce qui prime dans le rapport entre les gouvernants et les gouvernés n’a jamais été la confiance, mais la vigilance. On peut par exemple voir dans cette démarche, l’apport du système Américain au constitutionnalisme contemporain.
A ce propos, pour Thomas Jefferson en 1799, « ce serait un aveuglement dangereux si une confiance dans les hommes que nous avons choisi faisait taire nos craintes pour la sécurité de nos droits ; la confiance est partout la mère du despotisme. Le gouvernement libre est fondé sur la vigilance et non sur la confiance ; c’est la vigilance qui prescrit des constitutions limitées, et pas la confiance. »
Le modèle que nous proposons dans cette analyse ne doit aucunement nous mettre dans une logique allouant une confiance totale au pouvoir en place sans pour autant se doter de rempart contre toute volonté d’éviction des contre-pouvoirs dans le pays.
Une opposition républicaine, une société civile constituée de personnes ressources intellectuellement et ayant une certaine indépendance financière constituent des éléments indispensables pour l’épanouissement de notre modèle démocratique en ce sens qu’elles veilleront toujours à la détermination des limites de l’Etat à chaque fois que le besoin se fait sentir .
Dans un environnement politique serein, moins enclin aux crises et une équipe gouvernementale choisie sur la base du binôme compétence-expérience, de l’intégrité, mais aussi assujettie à une obligation de résultats, tout porte à croire que le progrès économique et social peut être un réalité et non une éternelle chimère comme il a toujours été le cas dans ce pays.
B- Au plan économique et social
Dans un pays comme la Guinée , immensément doté de ressources naturelles telles l’or , le diamant, la bauxite, le fer, la pluie et la terre etc. . Figuré parmi les pays les plus pauvres de la planète après plus de cinq décennies d’indépendance ne peut être qu’un problème d’HOMME. C’est dire qu’on a beau se venter des ressources naturelles du pays , sans une ressource humaine formée , qualifiée et intègre , le bout du tunnel sera toujours une question d’espoir et non de réalité . Le passé du pays est là pour en témoigner.
C’est pourquoi, pour un développement économique et social, il est inéluctable de placer l’avenir du pays en général et ce second mandat du Président Alpha Condé en particulier sous le signe de la promotion et valorisation du capital humain.
- Le capital humain au service du développement économique et social
Il n y a de richesse que d’hommes disait Jean Bodin. Pour corroborer cette thèse, les économistes classiques placent les hommes, leur travail et leur ingéniosité au coeur de toute étude sur "la nature et les causes de la richesse des nations ", pour reprendre le titre du célèbre essai d'Adam Smith (1776).
Le développement et le progrès qui en résulte sont tous sauf le fruit du hasard. Nul au monde, un pays n’a avancé à travers les formules incantatoires.
La Guinée a toujours eu ce Talon d’Achille de faire appel à ceux qui doivent et peuvent travailler. Ceux qui, de par leurs formations et expériences, peuvent proposer et traduire les véritables politiques de développement dont le pays a besoin.
La politique politicienne ayant toujours eu raison sur eux, ces cadres optent finalement soit pour la résignation à l’intérieur d’une administration publique peu productive ou à l’exil pour faire carrière sous d’autres cieux. Pour tout dire, les plus méritants ne sont pas assez promus, assez récompensés, assez valorisés dans ce pays. Cette déplorable situation doit cesser car l’avenir du pays en dépend[7].
Il est donc impératif que le pouvoir actuel fasse appel à l’élite intellectuelle du pays, où qu’elle soit, et par delà leur conviction politique, leur appartenance ethnique ou religieuse.
L’enjeu, c’est de profiter des fils du pays qui, par leur imagination, audace, intégrité puissent penser le développement comme nous le voyons dans les autres pays.
En conséquence, le choix de la classe dirigeante du pays sur fond de compétence et partout où on pourrait y accéder permet de les responsabiliser dans l’exercice de leurs taches en mettant fin à l’impunité et une gestion laxiste des affaires publiques.
Nous savons tous, qu’il est toujours difficile de traduire ses copains, son gendre, ses acolytes devant la justice[8].
Il sera donc question de gérer les deniers publics avec responsabilité et transparence pour qu’enfin la croissance qui résulterait de l’avenir puisse se répercuter sur le niveau de vie de la population. Car, il ne sert à rien de parler de croissance économique sans une répartition équitable de ses fruits sur les véritables bénéficiaires : le peuple.
Cette approche du développement permettra de booster l’économie et tous les secteurs porteurs de croissance. En un mot de mettre l’Etat au travail permettant ainsi de résoudre un problème crucial et pressant du pays : la réconciliation nationale.
- La gestion axé sur le résultat : Facteur de réconciliation nationale
Tout d’abord, il nous semble important de préciser le sens à donner à ce concept dans le cas de la Guinée. A cet effet, nous dirons que la véritable réconciliation nationale dont on a besoin dans ce pays est celle du peuple avec les institutions de la république. Celle-ci est d’ailleurs à la fois un préalable mais aussi un gage crédible pour la réconciliation des citoyens soutenue par une partie de l’opinion nationale.
L’enjeu aujourd’hui en Guinée est de se mettre au travail tout en mettant les Guinéens au travail.
Un travail autour de projets de société qui ont sens pour tous. De telle sorte que chaque Guinéen puisse voir dans la politique et les actes de l’Etat, une partie de lui même, ce qui d’ailleurs conditionnera son adhésion.
Cet exercice est aussi un argument crédible dans la résolution de la crise de légitimité dans un pays où une partie de la population conteste la légitimité du pouvoir pour raison d’élections truquées. C’est à dire qu’on peut bien reconquérir la légitimité sur le terrain du travail et du progrès socio-économique du pays. Pour preuve , lors du premier mandat du professeur Alpha Condé , même ses détracteurs les plus convaincus y compris ma personne ont admis pour acquis ou mérite du parti au pouvoir un certain nombre d’actes posés dont : le projet hydro-électrique de KALETA , qui reste un projet déterminant dans l’avenir du pays. N’est-ce pas d’ailleurs ce bilan ou les points marqués par le pouvoir qui viennent légitimer une élection présidentielle de 2015 très reprochable en termes de transparence.
Ainsi, lorsque la réconciliation de l’Etat avec le peuple sera effective à travers une gouvernance responsable axée sur le résultat, la réconciliation des citoyens frustrés se fera de façon automatique. D’ailleurs, les Guinéens, ayant compris qu’ils sont condamnés à vivre ensemble par l’histoire et la géographie, vaquent à leur occupation ensemble tous les jours. Comme disait mon professeur de Français au lycée « lorsque tout va bien dans un pays, on ne se pose pas trop souvent la question de savoir : Qui est au pouvoir dans ce pays ?
CONCLUSION
Cette réflexion, loin d’aborder tous les aspects de la gouvernance, par souci de concision et de pertinence des approches, s’est contentée de mettre l’accent sur le rôle et le place des ressources humaines nationales dans le processus de développement du pays dans un contexte politique niant souvent les enjeux en la matière. Soit par méconnaissance ou par calculs politiciens.
A travers une méthode alliant réalisme et idéalisme d’un coté, constructivisme et empirisme de l’autre, nous avons voulu par cette communication, nous approcher davantage du débat sur les défis de la gouvernance en Afrique en général et le cas particulier de la Guinée. Au terme de celui-ci, nous avons avons abouti à la conclusion selon laquelle : l’avenir politique gagnant est dans l’ouverture sur la base d’un certain nombre de principes.
Toutefois, la problématique sur le paradigme de la gouvernance étant complexe, les approches peuvent être diverses, limitant ainsi toute prise de position en la matière. Ce qui rend la perspective du débat encore plus passionnante.
Dramé Aboubacar, doctorant en droit public à l’université Abdelmaleek Essaadi de Tanger – Maroc
[1] Cette étape étant la fin ultime de la démocratie, régime politique dont se réclament tous les pays de notre époque. Un régime qui, de façon théorique, fait du peuple à la fois le véritable détenteur du pouvoir, mais aussi le bénéficiaire des retombées. S’il est vrai que ce régime ne fonctionne nulle par ailleurs selon les idées échafaudées par les théoriciens, il est aussi vrai que son expérimentation en Afrique s’est soldée par plus de questionnements qu’elle n’en a apportée de réponses. Partagés entre tâtonnements et hésitations, les pays africains ont du mal à définir leur trajectoire, à trouver la combinaison gagnante dans cette entreprise que nous concevons comme un processus, un idéal à atteindre qui, dans sa mise en œuvre doit prendre en compte les réalités socio- culturelles propres à chaque pays. C’est d’ailleurs l’idée qui ressort de la définition du concept dans la déclaration de l’OIF de Bamako de ?????
[2] A noter que dans le cadre de la présente communication, nous préférons le terme « second mandat » a celui du deuxième (plus susceptible d’être suivi par un troisième), car nous souhaitons et, cela, dans une optique de stabilité institutionnelle et politique que la constitution soit respectée notamment dans son dispositif limitant le mandat présidentiel à deux non renouvelables.
[3] Le terme « obligation de résultat doit être ici relativisé. Il s’agira en réalité de leur assujettir à une obligation de moyens plus poussé afin de maximiser davantage les chances de résultats. du point de vue du droit , ce serait une obligation non juridique , mais morale car en réalité il s’agira de faire prendre conscience aux acteurs politiques et à la classe dirigeante , la responsabilité morale de la politique . Celle qui pousse à donner le meilleur de soi pour le pays qui vous a vu naitre et dont vous ne devriez pas accepter voir se dénigrer par vos actes.
[4] C’est une thèse que j’ai défendue lors de la première édition du forum de l’étudiant Guinéen au Maroc à Casablanca en 2012 sur la table ronde consacrée au thème « passé socio-politique de la Guinée : quelles leçons à tirer pour l’avenir. Table ronde que j’ai au l’honneur de partager avec M J Morel junior, ex ministre de la communication, M Ahmed Kanté, ex ministre des mines.
[5] Lors du premier mandat du professeur Alpha Condé, on peut trouver dans le choix de cadre dont le profil n’est pas à remettre en question une véritable solution. Le cas du ministre de la justice M Cheick Sow peut être illustratif. Il a d’ailleurs mérité de la confiance de l’opposition pour conduire les négociations. Pressenti comme un haut cadre par les uns et indépendants pour certains, sa personne était plus acceptable pour l’opposition hostile aux cadres du parti au pouvoir.
[6] La Guinée est le deuxième pire pays au monde où faire les affaires, selon le classement annuel de la revue américaine « Forbes » publié en 2015.
En plus, Le 14 décembre dernier, le cabinet Control Risks a rendu publique son enquête portant sur les pays africains à risque. L’étude a révélé des parties stables, moins stables et instables du continent africain. La guinée dans ce rapport est placée par les pays à haut risque.
[7] Historiquement, à chaque fois qu’un cadre s’est distingué du lot pour introduire une autre logique de gestion dans l’administration publique Guinéenne, le copinage politique, « les « ennemis du pays », portés par les ambitions personnels se sont pas battus pour qu’il soit remplacé ».
[8] La crise politique et humanitaire de février et juin 2007 pendant laquelle plus de 50 personnes avaient perdu la vie s’était déclenchée suite à la libération de deux cadres proches du président Lansana Conté, accusés pour détournement de deniers publics dans un contexte national marqué par la crise économique et sociale.