laurent_fabiusThomas Fabius ne pouvait pas y couper. Le fils du ministre a été placé mardi matin en garde à vue au siège de la police judiciaire à Nanterre. Voilà plus de trois ans que le jeune homme est dans le collimateur de l'Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF), qui s'intéresse à des flux financiers de plusieurs millions ayant transité sur ses comptes bancaires.

Tout a commencé en 2011 par une plainte de la Société générale. Un chargé de clientèle soupçonne Thomas Fabius d'avoir produit un faux courriel de sa banque pour obtenir une ligne de crédit de 200 000 euros au grand casino de la Mamounia, à -Marrakech. Le parquet de Paris charge le service de PJ spécialisé dans la grande délinquance financière de l'enquête.

En mai 2012, c'est au tour de Tracfin de saisir le parquet. Le « gendarme » anti-blanchiment de Bercy signale 8,5 millions d'euros de virements suspects sur les comptes bancaires de Thomas Fabius. Entre avril 2011 et avril 2012, ce joueur frénétique aurait empoché dans divers casinos de la planète plus de 13 millions de gains pour seulement 5 millions perdus. Aux policiers qui l'interrogent, le fondateur de TF Conseils explique être « un champion à la roulette » et avoir gagné cet argent dans des cercles de jeu londoniens.

Poopie Woopie

Une cagnotte qui lui aurait permis de signer entre les deux tours de la présidentielle une promesse d'achat pour un luxueux appartement parisien perquisitionné mardi matin dans le cadre des investigations en cours. Pour s'offrir ce pied-à-terre de 285 mètres carrés dans un quartier huppé de la capitale, le jeune homme débourse en juin 2012 7,3 millions d'euros – soit une fois et demie le patrimoine déclaré par son père à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. L'opération est réalisée via une société immobilière au nom improbable, Poopie Woopie.

Que s'est-il réellement passé derrière les portes capitonnées du Crown Aspinalls et des Ambassadeurs, deux clubs huppés de la capitale londonienne où le trentenaire affirme avoir décroché le jackpot ? La commission rogatoire adressée à Londres a laissé les enquêteurs sur leur faim. Quant aux juges parisiens chargés de l'instruction pour « faux », « escroquerie » et « blanchiment », ils se demandent si le jackpot décroché dans des conditions opaques outre-Manche n'aurait pas servi de paravent pour masquer la provenance douteuse des fonds.

Chèques en bois

Ce n'est en effet pas la première fois que Thomas Fabius, déjà condamné en 2011 pour « abus de confiance », attire l'attention par l'ampleur des montants qu'il brasse à la table de jeu. En février 2012, après avoir misé plusieurs millions et crevé le plafond autorisé dont il disposait au Casino de Monte-Carlo, il laisse derrière lui une dette de 1,9 million d'euros. Est-ce par égard pour un client VIP à qui l'on déroulait le tapis rouge, jusqu'à mettre à sa disposition un jet privé, ou par crainte d'un imbroglio diplomatique avec Paris ? Toujours est-il que le casino – dont l'État monégasque est actionnaire – avait préféré ne pas réclamer sa créance. Un peu plus tôt, le même établissement avait accepté de rembourser au jeune homme 650 000 euros perdus, au motif d'un « incident de jeu » survenu pendant la partie.

Une bienveillance dont Thomas Fabius n'a pas bénéficié aux États-Unis. Comme l'avait révélé Le Point il y a un mois et demi, le jeune homme est actuellement sous le coup d'un mandat d'arrêt pour une dette de jeu. Le 15 mai 2012, dans la nuit qui précède la nomination de son père au Quai d'Orsay, l'enfant terrible multiplie les chèques en bois dans trois casinos de Las Vegas pour un montant de 3,4 millions d'euros. Un an plus tard, le procureur du Nevada dépose une plainte pour « chèque sans provision » et « vol ». En France, rien ne se passe. Jusqu'à l'interpellation de mardi, qui intervient quelques jours seulement après le triomphe remporté par son père dans les délicates négociations de la COP21…

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