logo_guineeLe gouvernement d’union nationale s’est déjà invité à trois reprises dans l’histoire récente de la Guinée. Elle est à nouveau au centre de l’actualité depuis les dernières présidentielles.

 

Un gouvernement de consensus fut constitué de février 2007 à mai 2008, après une grève générale réprimée par les autorités.

La déclaration de Burkina Faso du 15 janvier 2010 consacrait une courte transition menée par un gouvernement d'union nationale chargé d'organiser dans les six mois une élection présidentielle. Un Conseil National de Transition était mis en place, avec des représentants des différentes factions des forces vives de la nation.

Enfin, sous l’égide de Sékouba Konaté, les deux finalistes de la présidentielle de 2010 qui s’étaient engagés à la mise en place d’un gouvernement d’union nationale, n’avaient pas concrétisé leur promesse d’entre les deux tours.

 

Les résultats définitifs des élections présidentielles d’octobre 2015 n’ont pas encore été proclamés par la Cour Constitutionnelle qu’à nouveau la constitution d’un gouvernement d’union nationale est­­­­ au centre des débats.

 

Sujet d’autant plus délicat que le président reconduit traîne un bilan désastreux. Il a été mal réélu, voire-même illégitime pour une grande partie de la population et que l’opposition considère à juste titre qu’on lui a volé sa victoire eu égard aux fraudes massives enregistrées. Il ne peut donc valablement gouverner tout seul car ne disposant dans le meilleur des cas que d’une majorité artificielle des plus étroites.

La situation économique et politique actuelles de la Guinée n’incitent guère à faire confiance au président reconduit et aux forces armées et de police partisanes, encore moins à leur laisser les mains libres pour faire tout et n’importe quoi. D’autant plus qu’Alpha Condé a mis en place une administration partisane incompétente et a fait preuve d’esprit de division, de sectarisme et de violence tout au long de son premier mandat. Il a œuvré sciemment pour le court terme en vue d’être « réélu » au prix du sacrifice de l’unité nationale.

Pour toutes ces raisons, l’opposition n’a pas spontanément tendance à répondre favorablement à un gouvernement dit d’union nationale.

 

Faut-il pour autant évacuer d’un revers de la main, un sujet aussi sensible pour l’avenir du pays ?

Il est plus rationnel d’examiner dans une vision stratégique toutes les facettes du sujet avant de prendre une décision mûrement réfléchie.

 

‘’Je tends la main, fraternelle et sincère à tous les Guinéens, où qu’ils se trouvent, indépendamment de leurs convictions politiques, pour écrire ensemble en lettres d’or, ce nouveau chapitre de notre belle histoire commune’’, a publié Alpha Condé sur sa page officielle Facebook.

Même s’il n’a pas l’intention d’intégrer ses principaux challengers, notamment Cellou Dalein Diallo, Sidya Touré et Lansana Kouyaté dans la prochaine équipe gouvernementale d’après­­­­­ les échos parus dans la presse, certains de leurs proches auraient déjà été consultés.

 

Au fait, c’est quoi un gouvernement d’union nationale ?

 

Selon la définition officielle Wikipédia, « un gouvernement d’unité nationale ou gouvernement d’union nationale est un gouvernement constitué des principaux partis voire de la majorité des partis politiques dits « de gouvernement » représentés dans un parlement. La formation d’un tel exécutif se voit lorsque la situation politique, économique ou sécuritaire du pays requiert que cesse le schéma traditionnel de débats entre majorité et opposition ».

Il semble que le pouvoir n’a pas l’intention de négocier avec des partis politiques en tant que tels et qu’il vise plutôt à débaucher des personnalités de l’opposition dans le dessein de l’affaiblir durablement. Ses propositions n’ont rien à voir avec un gouvernement d’union nationale.

Un gouvernement d’union nationale signifie d’abord l’élaboration d’un programme commun de gouvernement négocié entre partis politiques dans l’intérêt supérieur du pays et, dans une deuxième étape, un partage­­­­­­­­ du pouvoir à tous les niveaux.

Le président, son parti et l’opposition doivent négocier pour définir et signer la politique générale à mener dans le cadre d’un programme de gouvernement engageant les deux parties.

Le deuxième volet vise à réaliser un partage concret et équitable du pouvoir, à savoir combien de ministères et quels ministères pour chaque partie. Cet accord doit également comprendre les ambassades, les hauts fonctionnaires, les préfets et gouverneurs et tous les organes de décision.

Le gouvernement d’union nationale ne peut se limiter à accorder, pour la faire taire, quelques strapontins à l’opposition qui n’aurait pas voix au chapitre.

Si Alpha Condé est prêt à accepter un vrai gouvernement d’union nationale respectant les deux conditions énumérées plus haut, l’opposition ne devrait pas laisser cette opportunité pour la Guinée en répondant présent dans l’intérêt supérieur de la nation.

Elle demanderait l’ouverture immédiate des négociations sur un programme de gouvernement suivi d’un accord sur le partage équitable du pouvoir.

Elle serait fondée à réclamer le poste de Premier Ministre et un réel partage du pouvoir à tous les niveaux pour appliquer le programme commun de gouvernement négocié.

L’opposition a l’occasion rêvée de tester la volonté réelle d’Alpha Condé de partage du pouvoir indispensable dans la situation actuelle à la construction d’un Etat moderne. S’il s’avère que ses propositions sont un leurre et ne sont pas suivies de mesures concrètes conséquentes, elle aura fait la démonstration d’un coup politique sans consistance ni volonté réelle de rédemption du pouvoir. La responsabilité de l’échec serait alors clairement imputée à Alpha Condé tandis que l’opposition aura montré son ouverture. Elle aura alors mis en évidence le manque de sérieux des propositions du pouvoir.

Si l’option de gouvernement d’union nationale aboutissait, l’opposition mettrait ses compétences au service du pays et pallierait à l’inexpérience d’Alpha Condé dans l’exercice du pouvoir. Elle devrait alors choisir des cadres compétents, expérimentés et intègres pour défendre ses positions et exercer l’ensemble de ses domaines de compétence.

 

L’opposition conduite par le parti le plus important ne peut pas se permettre de baisser la garde en laissant le champ libre à la politique politicienne d’Alpha Condé. A elle de mettre ce dernier devant ses responsabilités en poussant le pouvoir dans ses derniers retranchements, s’affirmant comme force de proposition de solutions aux problèmes de la Guinée.

Mahmoudou BARRY, France