IN MEMORIAM SOULEYMANE KOLY.
J’apprends à l’instant- même la mort de notre Souleymane Koly national. Une nouvelle cruelle, insupportable, absolument scandaleuse !
D’autant cruelle que rien mais alors rien ne laissait présager une fin aussi brutale ! La dernière fois que je l’ai vu, il était en pleine forme : nous avons passé la soirée à nous chahuter comme de coutume sans nous douter que nous ne nous reverrions plus jamais…
D’autant insupportable que me trouvant en ce moment hors du pays, je ne pourrai même pas l’accompagner à sa dernière demeure.
C’est en 1971 à Abidjan, que j’ai fait la connaissance de cet homme exceptionnel. Il venait fraîchement d’arriver d’Europe en compagnie de son épouse, une Malienne sublime, admirée de toute la ville pour son intelligence et sa grâce.
Etudiants ayant fui le régime sanguinaire de Sékou Touré, nous vivions alors parqués dans les baraques en planches de la Cité Mermoz où, littéralement, nous tirions le diable par la queue. Malgré ou à cause de cela, Souleymane Koly bien que haut fonctionnaire dans un ministère, ne manqua jamais de nous rendre visite pour jouer au basket ou aux cartes, partager notre maigre pitance et causer de poésie et de théâtre et surtout du triste sort de la Guinée.
Quand je quittais la Côte d’ivoire en 1973, il n’avait pas encore fondé Koteba, sa polyvalente et célébrissime troupe mais j’avais déjà eu le temps d’évaluer son talent d’intellectuel et d’artiste. Je savais qu’il avait fait de brillantes études de sociologie, qu’il avait écrit de la poésie, flirté avec les milieux panafricains de Paris et animé avec Tidjani Cissé et d’autres , la compagnie de danse, Kaloum Tam-tam.
Je savais surtout que c’était un humaniste, amoureux de toutes les races, de toutes les ethnies, de toutes les cultures. Et c’est bien la raison pour laquelle j’ai eu toujours eu grand- plaisir de le rencontrer à Abidjan, à Paris, à Djibouti, à Conakry ou ailleurs. C’était un aîné au sens familial du terme qui m’a toujours aimé et encouragé aussi bien dans mes études que dans mon travail d’écrivain. Il faisait partie de cette ultime minorité de vrais patriotes africains qui savait que l’Histoire, la vraie, ne se fait pas à coups d’injures et de trique mais à force d’amour et d’intelligence.
Je suis triste, doublement triste, mille fois triste : cette valeur sûre de notre culture nationale nous quitte après notre douloureux William Sassine et à un moment où pendant que ce maudit Ebola nous décime, des dizaines de nos fils meurent stupidement sur une plage pour des raisons qu’il faudra bien un jour élucider.
Pauvre Guinée, patrie de sottises et de guigne, définitivement abonnée au malheur !
A tous, surtout à sa fille et à son fils, mes condoléances sincères et émues !
Tierno Monénembo