Un Ministre de la République lance tous les jours des discours contre la République, la Nation et l’Histoire.
Il propose qu’une communauté entière reprenne ses pérégrinations des 12ème, 15ème et 16ème siècles. Cette fois-ci en sens inverse et en vague unique avec en toile de fond, les grands empires reconstitués. Entre autres, les Tomas sont avertis.
L’avancée de Peulhs, Soninkés et Malinkés les avait bousculés aux alentours de 1500 et à partir de Bissandougou vers leur Macenta actuel. A leur tour, ils devraient sortir de la forêt, bousculer ces trois ethnies et foncer de nouveau vers le nord de la Côte d’Ivoire par un détour obligé au Fouta Djallon. Entre temps, ils auraient « chassé » toutes les peuplades sur leur passage.
Les Lomas du Libéria sont interpellés pour un départ épisodiquement simultané. Les Djallonkés de Balaki, de Sandénia et les Soussous de la Côte devraient se préparer à participer à cette remise en cause des implantations humaines que l’histoire a imprimées aux peuples de l’Afrique au sud du Sahara.
Le mouvement devrait commencer au mois de reconnaissance du « manden djallon » par le Ministre de l’Administration du Territoire mais quatre siècles plus tôt.
Ainsi la communauté qui est objet de la haine ethnocide du ministre commencerait son exode vers l’Est en direction des anciens royaumes comme le Kanem-Bornou, ressurgis des entrailles historiques. Ces «citoyens de seconde zone» dans leur pays, encore sans nom, en compagnie de leurs contemporains du moyen âge qu’ils abandonneraient dans les limites du Bilad-es-Soudan, auraient atteint pas à pas, la péninsule somalienne.
Cette odyssée virtuelle à contrecourant de l’histoire aurait permis une concrétisation olympique du rêve ministériel. Ceux qu’il n’aime ni sentir ni approcher seraient rentrés chez eux, au Somaliland, les « poûto » à la tête par un simple compte à rebours historique dicté par ce que Sigmund Freud appelait « le narcissisme de la petite différence ».
Ce ne serait plus « Guinea is back » mais « Africa in autoreverse » c’est-à-dire un retour intégral du continent, sur plus de quatre cents ans, dans son passé.
Le Ministre lui-même devrait vite faire ses valises car il n’échapperait pas aux « vents violents » de ce tsunami continental dont il est le brillant auteur.
Ce big-bang suggéré pour amputer la Guinée d’une de ses composantes ethniques aurait alors mis l’Afrique entière dans un bouleversement inouï qui la sortirait d’une histoire mondiale dans laquelle « elle ne serait d’ailleurs jamais entrée » selon un autre producteur d’idées géniales pour ce continent.
Toutefois il reste au Ministre de résoudre l’équation à plusieurs inconnues qui consiste à tracer les itinéraires et indiquer aux « migrants » leurs directions.
Ces itinéraires seraient tracés entre ciel et terre car les pistes, ruelles et routes terrestres sont toutes occupées par les projets d’intégration et d’unification de l’Afrique. Le travail est d’autant plus laborieux qu’il devrait respecter les frontières nationales même dans l’espace où il aurait à mettre les trajectoires migratoires en sens
dessus-dessous dans un complexe racio-tribal dont il détiendrait seul le secret.
Cette idée ministérielle est devenue par la force des choses trop immense, trop «céleste» pour finalement surplomber et surprendre son auteur lui-même.
Les guinéens, ahuris, se sont joints à lui pour la désapprouver, la rejeter et la condamner en tant que morceau sectoriel du discours de la haine! Cette pensée saugrenue serait-elle traduite en discours de trop par un guinéen de trop ?
Alors, sentant le danger de l’exclusion le menacer, le ministre se rétracte, réfléchit à nouveau, persiste et trouve une autre idée brillante qu’il proclame avec une insistance et un sang-froid terribles à la porte de l’Assemblée Nationale guinéenne.
Elus de la nation, étiez-vous à côté, toutes oreilles tendues et l’attention connectée?
Le changement d’idée ne touche pas fondamentalement la conception mais la stratégie ministérielle. Le Ministre reste viscéralement contre la communauté en cause et la totalité de la république mais dirige l’essentiel de sa haine décuplée vers un opposant devenu « Chef de file de l’opposition républicaine ».
Cette haine est plutôt « centralisée» sinon « focalisée» parce qu’il veut voir ce leader politique rejoindre dare-dare les Shebabs que l’Afrique et le monde sont entrain de combattre en Somalie.
L’idée nouvelle soulève deux hypothèses antinomiques, l’une plus pertinente que l’autre. En premier lieu, le leader politique incriminé aime la négociation et l’entente ; c’est donc un homme de paix ; il pourrait prêcher la non-violence, se faire entendre par les guerriers somaliens et réussir là où les puissances militaires et la diplomatie internationale se sont toujours cassé les dents. Il aurait en effet ramené la paix, l’unité nationale et l’Etat de droit en Somalie. Son intention pour la Guinée aurait été exportée vers la corne de l’Afrique en attendant qu’elle puisse prospérer dans la patrie du porteur quand les illusions ethnocides se seraient envolées vers des cieux extra-terrestres.
L’autre hypothèse voudrait voir l’opposant guinéen « périr » (ATF) dans le désert somalien dès son arrivée chez ses « parents » dans une guerre fratricide sous un « mandenshebab» importé de Guinée-Conakry.
L’opposition guinéenne serait ainsi démembrée, décapitée par télépathie ethnocide avec le manden djallon, ce montage machiavélique pour la « somalisation» de la Guinée. Cela se passerait à des milliers de kilomètres de distance géographique de ce pays et depuis un demi-millénaire de distance historique du régime politique actuel.
Tenez ! Cette version de la pensée ministérielle est plus vaste et humainement plus dévastatrice. Elle préconiserait que ce politicien dérangeant aille disparaître avec son Parti, ses militants, ses sympathisants, ses mouvements de soutien et tous ceux qui l’entourent dans les coalitions, orbites et manifestations d’intérêt parlementaire et extraparlementaire !
« Sauterelles en cuisson, avez-vous compris ? Ne vous donnez donc pas de si vigoureux coups de pieds! ». Avant que vous ne compreniez, convenez au moins que l’astuce est intelligente pour réaliser sans peine majeure, le projet politique voulant qu’on ne parlât plus, après un certain délai, d’opposition en Guinée démocratique. Ce serait fini de l’accord « illusoire » du 3 juillet avec à l’horizon le report sine die de toutes les compétitions électorales.
On peut sortir de l’univers ministériel virtuel pour revenir dans les réalités crues des temps présents en vue d’apprécier la trouvaille de cet étonnant membre du Gouvernement.
Elle mérite une récompense et même des médailles. Les guinéens proposent non pas une excursion suicidaire mais un voyage d’études à travers le monde par un itinéraire terrestre. L’expert-ministre se rendra tout à côté, en Sierra Leone, où il constatera qu’il est interdit de tirer un coup de feu en brousse car les Sierra Leonais en pratiquant la guerre ont su apprécier les vertus de la paix ; puis il passera la frontière pour atteindre le Libéria en cours de reconstruction pacifique avant de joindre la Côte d’Ivoire en voie de réconciliation nationale par le travail et dans une éclosion sans précédent de la compétence, le tout contre une certaine « ivoirité » en voie d’ensevelissement définitif. Là il pourrait se renseigner sur les raisons de l’afflux massif des investisseurs et s’émerveiller de la pluie de dollars et de la chute ininterrompue de la neige d’euros sur Abidjan.
C’est en ministre en charge de l’intérieur qu’il remontera vers le Mali plein d’instructions sur l’art d’organiser à temps des élections équitables et transparentes même dans un pays en guerre. Ce ne sera pas difficile de franchir la frontière nord pour se retrouver en Algérie qui pourra l’édifier sur les approches de sortie du « fitna » extrémiste. Sans visa, le ministre reviendra sur ses pas et traversera rapidement le Burkina Faso pour faire un tour à Accra au Ghana ; ce pays lui fera le conte des alternances politiques réussies depuis Jerry Rawlings et lui expliquera pourquoi le Président Obama a choisi d’y passer vingt-quatre heures et prononcer un discours historique à l’adresse de toute l’Afrique. Il pourra y comprendre en quoi cette « Afrique a besoin plutôt d’institutions fortes que d’hommes forts ! ». Il aura entre temps rencontré le Président en exercice en promenade amicale avec les anciens Chefs d’Etat sur les magnifiques plages de la capitale ghanéenne. De quoi inciter le régime guinéen à mettre fin à la déambulation diplomatique sans objet du plus récent ancien Président guinéen. De quoi inciter l’intelligentsia au pouvoir à cesser d’envahir les bordures boueuses des anciennes rivières du sud.
Le ministre en pérégrination intellectuelle pourra gagner le Togo puis le Bénin qui, au passage, l’édifiera sur le sens des conférences nationales des années 90 du XXème siècle.
Son séjour au Nigéria ne devrait pas être long. Dans ce pays et au Cameroun voisin il vérifiera si tous les halpoulars qu’il déteste tant, auraient effectivement détalé depuis le moyen âge par les lignes migratoires célestes qu’il leur avait indiquées.
Rassuré, il « survolera » furtivement la République Centrafricaine; il lui est conseillé de ne pas y s’arrêter ; il n’a rien à y apprendre et sa présence risque d’aggraver une situation sociopolitique déjà trop compliquée par des intentions et pratiquées très peu éloignées de ce qu’aurait produit son « manden djallon » moyenâgeux.
Direction : le Rwanda, jadis francophone aujourd’hui anglophone pour des raisons à la fois stratégique et politique.
A Kigali, le Ministre débarquera au Musée du Génocide où moins sentimental que Bill Clinton, il ne versera aucune larme mais prendra du temps à lire les épitaphes accrochés au mur afin d’appréhender les ravages de la guerre et les conséquences de la haine ethnocide. Il pourrait observer les Rwandais et de lui-même constater si leurs petites différences justifiaient un génocide.
L’odyssée africaine du Ministre aura fini là avec un repos de réflexion démocratique à l’Hôtel des Mille Collines. Un détour au Burundi est inutile car « le narcissisme de la petite différence » n’est pas différent au niveau de ces deux pays sauf qu’il continue à brûler les cœurs et les terres des Burundais.
Les Balkans peuvent être l’étape suivante de la randonnée ministérielle pour savoir combien les inégalités économiques peuvent susciter des jalousies haineuses qui font éclater de grands ensembles nationaux.
Après, son Excellence aura l’embarras du choix entre le conglomérat Chypriote, le Sri Lanka, le Penjab, la Crimée et probablement l’ancienne Tchécoslovaquie.
Le ministre, fatigué mais instruit des ravages du mauvais regard racial jeté sur « l’autre », peut foncer vers le nord-ouest et s’arrêter en Belgique pour saluer les flamands et les wallons et mesurer la valeur du respect des symboles communs.
Attention, encore une fois, il doit parcourir toutes ces distances à pieds, le temps que la Guinée puisse se réconcilier avec ellemême.
Air Guinée, nouvelle formule, viendra le récupérer à Bruxelles avec un équipage en symbiose multiethnique parlant un Poular mandingo-forestier, ne sachant lire qu’un Nko à consonance Soussou que les guinéens seraient entrain d’abandonner au profit de la nouvelle civilisation des Etats-Unis d’Afrique. Il aura beaucoup appris dans son voyage planétaire mais les tares originelles risquent d’empêcher sa nomination dans le Gouvernement continental alors en formation.
Aurait-il le courage politique de concéder une nouvelle mutation pour redevenir un Secrétaire d’Etat à la décentralisation plus consensuel que celui qu’il fut ? Y a-t-il du temps pour tout cela avant les élections incontournables et obligatoires de 2015?
La réponse relève non pas des secrets de l’histoire mais des incertitudes coriaces de l’actualité politique en Guinée.
Le moment venu, l’Histoire, elle, fera le compte impitoyable des actes posés pour l’avenir par chaque génération d’intellectuels et prononcera son verdict définitif avec une distinction nette entre le bon grain et le chiendent.
Bienvenu aux Etats-Unis d’Afrique Monsieur le Ministre !
Lamarana Diallo
Démographe
Le Populaire