sacs_de_rizC’est une scène de pillage digne "d’un pays en guerre", selon notre Observateur, qui s’est déroulée mardi 29 avril à Kaloum, une commune du centre-ville de Conakry. Un camion qui transportait plusieurs tonnes de sacs de riz a été intégralement vidé par des habitants du quartier. De leur côté, autorités municipales et la police judiciaire se renvoient la responsabilité de ce pillage.

Le camion avait été intercepté par la police judiciaire dans le quartier Manquépas, à quelques centaines de mètres du port autonome de Conakry. Lors du contrôle, les agents s’étaient aperçus que le véhicule transportait des sacs de riz sans autorisation. Le camion, immobilisé dans le quartier, a rapidement attiré l’attention des curieux, certains cherchant à casser la porte arrière pour récupérer la marchandise.

"J’avais l’impression de vivre une scène d’un pays en guerre avec des habitants affamés"

La police judiciaire voulait escorter le camion, mais plusieurs personnes les ont rapidement accusés d’avoir pris des sacs de riz et de les avoir emmenés dans leurs locaux. Les gens n’avaient plus confiance et il a fallu l’intervention du chef de quartier pour les calmer. Ce dernier est venu et a décidé d’emmener le camion à la mairie de Kaloum pour le sécuriser.

Mais quelques centaines de mètres plus loin, le camion est tombé en panne d’essence. Pour protéger le camion des pilleurs, les policiers ont tenté de garer leur véhicule derrière. La situation devenait tellement incontrôlable que des renforts ont été envoyés sur les lieux. Mais comme ça devenait dangereux et que la foule se faisait plus pressante, les agents de police judiciaire ont finalement décidé de se retirer.

"Des gens ont été blessés, il y avait des traces de sang sur la porte du camion"

J’avais l’impression de vivre une scène d’un pays en guerre, avec des habitants affamés. Les gens se marchaient dessus, se battaient pour grimper dans le camion et prendre un sac. Il y en avait qui, après quelques secondes à se disputer et à tirer les sacs d’un côté et de l’autre, s’entendaient pour se partager leur butin. Des gens ont été blessés dans le pillage, il y avait des traces de sang sur la porte arrière gauche du camion. Il y avait même des vigiles des magasins aux alentours qui en profitaient pour piller.

"Quand on connaît le prix d’un sac de riz de 50 kilos, on peut comprendre ce qui a motivé ces gens"

Au final, on assiste à une scène qui montre que la population a faim et souffre. Le riz est un aliment de base. Un sac de 50 kilos, comme ceux qui se trouvaient dans ce camion, coûte environ 200 000 francs guinéens (environ 20 euros) et permet de nourrir une famille pendant plusieurs semaines. Sans justifier les pillages, quand on sait que le salaire minimum est de 440 000 francs guinéens (environ 45 euros), on peut comprendre ce qui a motivé ces gens."

Autorités municipales et la police judiciaire se renvoient la balle

Contactée par FRANCE 24, la maire de Kaloum, Bangoura Makhadi Camara, accuse les agents de la police judiciaire d’avoir retiré leur véhicule volontairement et d’avoir encouragé les gens à piller. Elle explique qu’elle "regrette l’attitude de la population de Manquépas", mais ajoute que les agents de la police judiciaire lui ont confirmé avoir emmené 28 sacs dans leurs locaux et estime que c’est "ce geste interprété comme un vol" qui a mis le feu aux poudres.

Le directeur de la police judiciaire de Conakry, Gadiri Condé, également contacté par notre équipe, répond aux accusations de la maire :

C’est vrai, nous avons bien récupéré 28 sacs, mais ils n’ont en aucun cas été volés. Ils se trouvent en ce moment même dans les locaux de la police judiciaire et attendent d’être restitués à leur propriétaire puisqu’ils se trouvaient illégalement dans le véhicule.

Ce camion a été pillé à cause de la mauvaise décision du chef du quartier [qui dépend du maire]. Il a préféré qu’on emmène le véhicule à la mairie, à plusieurs kilomètres de là, plutôt que de le mettre dans notre cour qui est toute proche [le siège de la police judiciaire est situé dans le quartier Manquépas, NDLR].

Gadiri Condé explique que ses agents ont retiré leur véhicule car la situation devenait trop dangereuse et nie que ces derniers aient incité les habitants à piller le camion.

Une enquête a été ouverte par le gouverneur de la ville de Conakry, Soriba Sorel Camara. Des témoins du pillage affirment toutefois que si le camion de riz s’est retrouvé bloqué en pleine rue, c’est parce que les policiers et le chef de quartier ne sont pas parvenus à se mettre d'accord sur l'acheminement du camion en lieu sûr.

Source : http://observers.france24.com/fr/content/20140501-pillage-camion-riz-conakry-sous-yeux-police-manquepas-guinee