celloudalein_bahouryUne guerre larvée couvait comme une cocotte-minute depuis un certain temps au sein de l’UFDG. Ce qui était un secret de polichinelle s’est étalé sur la place publique. A tel point que, depuis quelques jours, la fratricide au sein du principal parti de l’opposition parlementaire, occupe une place privilégiée dans l’actualité politique. Elle a même relégué l’épidémie Ebola au second plan. Les fumées qui s’échappent de la maison UFDG prennent leur source à un endroit inattendu: UFDG-France. Pourquoi et comment le feu a pris en France?

Pour le comprendre, plongeons dans les arcanes de la fédération UFDG-France.

Avril 2012 : le putsch électoral

En février 2012, le secrétaire fédéral de l’UFDG-France annonce son intention de passer la main, à cause de son imminent et définitif retour au bercail. Ce départ annoncé offre une opportunité d’organiser un congrès pour l’élection d’un nouveau secrétaire fédéral de l’UFDG-France qui aura toute la légitimité. Surtout que le sortant a toujours souffert d’un déficit de légitimité puisqu’il n’avait pas été élu mais désigné par ses amis.

 Ainsi, une commission de réflexion sur l’organisation d’un congrès est mise en place. Elle est chargée de faire des propositions sur les modalités d’organisation du congrès. Au terme d’un mois de travail, elle rend le dimanche 1er avril 2012 son rapport lors d’une réunion du bureau fédéral. A cette assemblée, une partie du rapport est adoptée. Le reste sera rediscuté à la prochaine réunion, se sont promis les participants. C’est à ce jour également que les candidats au poste du secrétaire fédéral se sont déclarés. Il y en a eu quatre prétendants au total. Sur cela, la séance est levée.

 Dans la soirée de ce même dimanche, Cellou Dalein Diallo arrive à Paris en provenance de Portugal et d’Espagne où il avait tenu des meetings la veille et le même jour.

Le samedi 7 avril 2012, Cellou Dalein Diallo rencontre individuellement les quatre candidats dans sa suite à l’hôtel Méridien à Porte Maillot. A ces rencontres où Cellou est assisté par Elhj Saïdou Diallo de Gaoual et Elhadj Djouma Bah de Pita, chaque candidat exprime ses motivations et son projet politique pour la fédération UFDG-France. Au terme de l’entretien, Cellou prodigue ses sages conseils et ses précieux encouragements à chaque candidat. Jusque-là, l’organisation d’un congrès semble immuable. Mais, ce n’est pas pour longtemps.

Coup de théâtre; le lendemain, dimanche 8 avril 2012, M. Dalein charge Elhj Saïdou Diallo et Abdoulaye Baïlo Diallo, le secrétaire fédéral sortant, à trouver un «consensus» afin qu’on désigne un secrétaire fédéral et qu’on annule le congrès. Après les consignes données, Cellou Dalein prend son avion et regagne Conakry.

 Sans tarder, les deux médiateurs Elhj Saïdou Diallo et Abdoulaye Baïlo Diallo, s’activent pour concrétiser le souhait du président de l’UFDG. Ils consultent les quatre candidats au poste du secrétaire fédéral. Certains retirent leurs candidatures, d’autres maintiennent les leurs. C’était le cas d’Habib Baldé et d’Abdoulaye DT qui demeurent désormais les deux en lice. A tort ou à raison, le premier est considéré comme un proche de Dalein et le second de Bah Oury.

 

Le samedi 21 avril 2012, une réunion de la fédération est convoquée. A cette occasion, Elhj Saïdou Diallo et Abdoulaye Baïlo Diallo désignent Habib Baldé en tant que secrétaire fédéral, sans aucun débat au préalable. Les «médiateurs» ne s’arrêtent pas en si bon chemin. Ils vont plus loin en créant un poste de secrétaire fédéral adjoint et l’attribuent à un autre proche de Cellou Dalein. C’est une façon très astucieuse d’éloigner ceux qui sont considérés comme des proches de Bah Oury. Plus les loups sont loin de la bergerie, mieux se porteront les moutons, n’est-ce pas? Il faut noter que le poste de secrétaire fédéral adjoint n’est mentionné nulle part dans les statuts et règlements intérieurs du parti. Mais, on le justifie en évoquant une prétendue flexibilité accordée aux structures du parti à l’étranger.

 Estimant être lésé dans ses droits, Abdoulaye DT proteste et envoie un courrier à la Direction Nationale de l’UFDG qui restera lettre morte. Peine perdue car quelques jours plus tard, la direction du parti entérinera la désignation d’Habib Baldé. L’entorse faite aux statuts n’a dérangé personne. Le putsch électoral est officiellement légitimé.

 La question qui vient à l’esprit: Pourquoi Cellou Dalein Diallo a-t-il ordonné l’annulation du congrès? La réponse est connue de tous puisque personne n’est dupe. La finalité du supposé «consensus» était d’installer un proche de Cellou Dalein à la tête de la fédération. Car dans une élection libre et transparente, le poulain de M. Dalein avait peu de chance à être élu devant Abdoulaye DT qui partait favori. Donc, inutile de prendre des risques périlleux en allant au congrès. Le parachutage des proches de Dalein ressemble beaucoup plus à un arrangement entre apparatchiks du parti.

 Cette interruption à la bonne marche de la démocratie interne de l’UFDG aura de lourdes conséquences sur la fédération de l’UFDG-France. C’est que nous verrons plus loin.

 

Exclusions et règlements de compte

A peine installés, Habib Baldé et ses amis commencent à régler les comptes de ceux qu’ils considèrent des proches de Bah Oury. Ces derniers sont progressivement exclus. Ils ne sont plus tenus au courant des activités. Leurs adresses emails sont rayées de la liste de diffusion de la fédération.

Les cellouistes cooptent des amis et parents au bureau fédéral, d’un côté. De l’autre, ils refusent l’adhésion à d’autres militants. Pire, ils décrètent telles sections sont légales et telles autres ne le sont pas. Les sections UFDG de Bordeaux et de Nantes sont inscrites sur la liste noire. Pourtant, ces sections avaient reçu les bénédictions et soutiens matériels de la fédération UFDG-France pendant leurs constitutions. Et, même la Direction Nationale du parti avait envoyé à ces deux sections des courriers de félicitation signés par Dian Diallo, le chargé des structures de l’UFDG à l’extérieur de la Guinée. Rappelons que la section de Bordeaux était installée le dimanche 19 février 2012 et celle de Nantes, le samedi 10 mars 2012.

 Mais étonnamment, les sections de Lyon et de Lille sont considérées, elles, légales.

Habib Baldé et ses camarades n’ont jamais joué l’apaisement. Ils n’ont pas cherché à rassembler les militants de l’UFDG dans leurs diversités. Celui qui chante avec une ferveur religieuse des louanges à Cellou Dalein est congratulé et récompensé. Par contre, celui qui n’affiche pas son dégoût à tout ce qui sent l’odeur de Bah Oury devient suspect et rejeté.

Un parti politique qui rejette des militants! C’est avec UFDG-France qu’on a vu ça. Les limites de cette politique d’exclusion se feront rapidement sentir sur le terrain. Car, à force d’exclure, on finit par devenir minoritaire.

 

Exclus du cellouisme, unissez-vous!

Petit à petit, les exclus, qu’ils soient de vrais partisans de Bah Oury ou pas, se retrouvent et unissent leurs forces. Ils s’organisent. Ils préparent la contre-offensive. Les rejetés par les cellouistes sont chaleureusement recueillis par les frondeurs, désormais taxés de pro-Bah Oury.

 Les frondeurs labourent les terres de France, sèment des graines qui poussent en petits fromagers aux couleurs de l’UFDG. Bientôt, ils récolteront le fruit de leur dur labeur et emmagasineront 12 sections dans leur grenier. Pendant ce temps, les Cellouistes sont toujours avec leurs deux sections (Lyon et Lille), sans aucune de plus.

Le dynamisme des «rebelles » est couronné le dimanche 03 Mars 2013 par l’installation de la section UFDG Paris-Ile de France, pour la région parisienne. Les pro-Cellou minimisent les faits et raillent même les acteurs en arguant que la section est illégale et ne sera pas reconnue par le parti. Mais, il faudra plus pour décourager les frondeurs.

 

La saison des récoltes pour Bah Oury

Les relations entre les protagonistes sont devenues si exécrables que la réconciliation ne semble plus possible. Ils se vouent une haine viscérale. Les rancunes sont devenues très tenaces.

Les pro-Cellou dépeignent les frondeurs en jeunes naïfs manipulés par Bah Oury. Pour se défendre, M. Bah enseigne ses disciples avec des phrases bien réfléchies: «L’UFDG vous appartient au même titre que ceux qui veulent vous exclure. Battez-vous pour obtenir votre place au sein du parti. »

Si, parmi les frondeurs, il y avait des pro-Bah Oury convaincus, tous ne l’étaient pas au départ. Maintenant, ceux-ci n’hésitent plus à exprimer ouvertement leur sympathie pour Bah Oury.

Les fruits sont désormais mûrs. Il suffit au vice-président de l’UFDG de tendre la main et les cueillir un par un ou plusieurs à la fois. Ainsi, aujourd’hui, tous les frondeurs trouvent en Bah Oury le réconfort et l’oreille attentive.

 Comme on s’y attendait, Bah Oury et ses proches affichent au grand public leur idylle le samedi 12 avril 2014 à Paris lors de l’installation de la fédération UFDG-France.

Le vice-président de l’UFDG apporte tout son soutien au nouveau bureau fédéral.

Ce qui provoquera le courroux de ses collègues du même parti qui prononceront une suspension de trois mois à son encontre.

 

Réveil tardif des partisans de Cellou Dalein Diallo

Revenons un peu en arrière, avant la suspension de Bah Oury. La sanction contre lui était plus ou moins attendue depuis qu’il a formé à Paris le samedi 1er mars 2014 l’Opposition Républicaine Extra-parlementaire (OREP). Rappelons qu’à la veille de ce meeting, les partisans de Cellou Dalein ont diffusé un communiqué dans lequel ils ont demandé aux militants et sympathisants de l’UFDG à le boycotter. Malgré, les obstructions et les tentatives de sabotage, Bah Oury fait salle comble. Avec son aisance orale, il harangue la foule. Son élocution est régulièrement entrecoupée par des applaudissements. Ses groupies exultent. La fusion est totale entre Bah Oury et ses admirateurs. Une vraie communion fraternelle !

 

Les cellouistes sont sonnés par la réussite de ce meeting. Ils accusent le coup. Eux qui ne juraient que par l’échec de cette rencontre n’en croient ni leurs yeux, ni leurs oreilles. Il est l’heure de se réveiller ! Mais, qui pour réanimer les cellouistes? Qui est mieux indiqué que Cellou Dalein Diallo lui-même ? C’est ce qu’il fera.

 Le dimanche 16 mars 2014 dans une salle à l’hôtel Méridien de l’Etoile, Cellou Dalein Diallo réunit ses fidèles. M. Diallo laisse son calme légendaire dans les vestiaires avant de rentrer dans la salle de réunion. Il est accompagné par trois de ses nouveaux «honorables » députés : Fodé Oussou Fofana, Mme Aissatou Bah Diallo et Alain Touré. Sans détour, il exprime sa déception et son mécontentement. « Il n’est pas acceptable que le congrès ne soit pas organisé jusqu’à présent. Il aurait dû l’être depuis longtemps. Le parti ne s’est pas agrandi en France depuis les présidentielles de 2010. Ce n’est pas normal», désavoue-t-il ses protégés. Cette mise au point inattendue surprend plus d’un. C’est une douche froide qui glace les ardeurs d’Habib Baldé et ses camarades. Eux qui voulaient que cette rencontre soit grandiose et solennelle. Pour ça, ils avaient invité les sections de Lille et de Lyon, considérées seules légales par les cellouistes, à rencontrer le Président. C’était l’occasion rêvée pour montrer au Président le travail «titanesque» qu’ils ont accompli durant ces deux dernières années, depuis avril 2012. A défaut, d’en créer, ils ont, au moins, réussi à fidéliser deux sections et les maintenir dans leur giron.

 

Le rappel à l’ordre de Cellou semble venir trop tard. Mais, Ce n’est pas l’avis de ses proches. Car depuis cette houleuse rencontre, les cellouistes ont resserré les rangs et se sont mis en ordre de bataille. Ils se sont engagés dans une course folle d’installation des sections. Ils comptent installer plus de sections en France que les partisans de Bah Oury.

Donc, les peines des militants de l’UFDG ne s’estomperont pas de sitôt si on imagine déjà comment se passeront les cohabitations entre la fédération des pro-Bah Oury et celle des pro-Cellou Dalein d’une part et les sections favorables au Président et celles du vice-président dans les mêmes villes, d’autre part. Les bisbilles à l’UFDG se transformeront-elles en tragédie grecque? Les mois à venir nous le diront…

 Dossier à suivre...

Moucky S. Diallo pour www.guinee58.com