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A l’occasion du triste anniversaire du pogrom anti-peulhs, notre rédaction republie cet article pour exiger la justice et empêcher l’oubli.

Il y a quatre ans déjà. Il y a quatre ans depuis. Cela semble à la fois si loin et si proche. Le week-end du 23 et 24 octobre 2010 reste et restera pour toujours gravé dans la mémoire collective du peuple de Guinée. Le week-end de la barbarie et de la sauvagerie à Siguiri, Kankan, Kouroussa et Kissidougou. Ce week-end, le Peulh et le Malinké avaient cessé d’être des « frères et sœurs ». Et pour cause ? Par des actions maléfiques et diaboliques d’Alpha Condé.

Les chances du RPG et d’Alpha Condé étaient très minces pour remporter l’élection présidentielle 2010. Ils avaient donc opté pour la politique de la «terre brûlée » dans l’espoir d’inverser le rapport de force en leur faveur. Pour des raisons purement électoralistes, les responsables du RPG d’Alpha Condé avaient intoxiqué les esprits de leurs militants en inventant un faux empoisonnement. Leurs coupables étaient désignés d’avance; les Peulhs. Car, pour eux, tout Peulh était un électeur potentiel de leurs adversaires, l’UFDG et Cellou Dalein Diallo. Ce complot visait à empêcher les Peulhs de voter en Haute-Guinée. Tous les moyens étaient bons. Même l’impensable, mêmes des crimes les plus abjects. Un pogrome anti-peulh était planifié et exécuté par le RPG.

Des Peulhs étaient battus, chassés et même tués à Siguiri, Kankan, Kouroussa et Kissidougou dans l’indifférence totale des autorités préfectorales et nationales. Leurs biens pillés sans qu’aucun pillard ne fût arrêté. Ni sanction administrative, ni enquête judiciaire ne fussent prononcés jusqu’à présent. Le Président de la transition d’alors, Sékouba Konaté, avait préféré protéger l’époux de la jeune sœur de sa femme que de remplir son rôle de garant de la sécurité des citoyens. Ce fameux époux n’était autre que le préfet de Siguiri pendant les événements. Le Premier ministre d’alors, Jean Marie Doré s’était rendu complice et coupable en relayant dans les médias d’Etat le mensonge du faux empoisonnement. Il avait poussé son excès de gel en limogeant la directrice de l'hôpital Ignace Deen, Madame Fatoumata Binta Diallo. Son crime, elle, était d’avoir dit que les militants du RPG n’étaient pas empoisonnés. Tous les deux agonissent actuellement dans des hôpitaux comme pour expier leurs péchés ici-bas. L’un aux Etats-Unis, L’autre en France. Faut-il y voir un signe du destin ?

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Depuis un an, les victimes attendent toujours justice et réparation. Alpha Condé ne semble pas être en mesure de rendre justice. Pour une raison évidente, non ? Comment un coupable peut-il faire jaillir la lumière?

Les Guinéens épris de paix et de justice ne doivent pas oublier cette date apocalyptique pour l’unité nationale. Ce qui était arrivé aux Peulhs en Haute-Guinée peut arriver à d’autres ethnies dans une autre région de la Guinée.

Ci-dessous un témoignant d’un rescapé de ce massacre.

Amadou Oury Diallo pour www.guinee58.com

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L’équipe UFDG-Online tente de faire un bilan des pertes humaines et matérielles suite á ce qui pourrait maintenant être appelé l’affaire ou les manœuvres « eau et yaourt contaminés ».  Comme une trainée de poudre, une fausse rumeur a été encore répandue par les responsables de l’Alliance Arc-en-ciel du professeur Alpha Condé, entretenue par le Premier Ministre, Jean Marie Doré et consommée par des millions de personnes á l’intérieur du pays.  Cela a commencé le vendredi 22 Octobre 2010.  

Conséquences : perte en vie humaine, déplacement forcé de la communauté Peuhle, discrimination et indifférence de l’État.

Comme pour dire qu’il faut nourrir et laisser vivre la rumeur, lorsque la Directrice de l’hôpital Ignace Deen de Conakry a dit que les consultations préliminaires ne montrent pas de contamination, Jean Marie Doré l’a tout simplement limogée.

Lisez ici-bas l’entretien que notre équipe a eu avec une personne qui, avec sa famille, a failli être brulé, vivant, dans leur domicile, á Siguiri.

Pouvez-vous nous dire combien de familles ont quitté la Préfecture de Siguiri ?

Le nombre exact est difficile à savoir à cette heure-ci.  En ma connaissance, cela dépasse une trentaine de familles.  Je ne sais pas exactement. Mais ça dépasse la trentaine.  Déjà, hier, vous savez les taxis de neuf (9) places, j’en ai vu une dizaine alignée.   Vous savez les cars jaune, les school-bus, il y’avait deux (2) cars qui ont quitté pour direction le Foutah, Conakry et Bamako.  Il y’a un autre camion qui, normalement transporte les marchandises, il allait a Dinguiraye.  Il y’a deux (2) car Hiace que des membres de ma famille moi-même ont pris pour quitter ici hier, tôt le matin, pour le Foutah.

Peut-on dire que cela dénote clairement que les gens ne se sentent pas en sécurité á Siguiri ?

Cela est la réalité.  Aussi, dans la mesure où il n’y a pas eu élection d’abord.  Après les élections, c’est capital.  Ce qui inquiète les gens ici, c’est aussi après les élections.   Je pense que maintenant la FOSSEPEL a reçu l’ordre d’intervenir, mais nous n’avons pas confiance en eux.  Parce que, même hier, lorsque des familles bougeaient pour le Foutah, elles ont reçu des menaces.

Il n’y a pas d’autorité. Le Préfet, c’est un vrai démagogue.  Il est allé dire à l’un des sages Peulhs pour lui dire de dire à ses parents de ne pas partir, de rester.  Le vieux sage a demandé pourquoi il doit demander à ses parents de rester.  Toutes leurs cours, maisons et boutiques et tous les magasins sont saccagés, pourquoi vont-ils rester ?  Le vieux a dit qu’il ne peut pas dire à quelqu’un qu’il ne peut pas partir, puisqu’il ne peut pas garantir sa sécurité.

Est-ce qu’il y’avait des cours, maisons ou boutiques des autres Malinkés, Soussous ou autres ethnies qui avaient été affectées ?

Je n’en connais aucune.  Je n’en connais aucune.  Toutes les cours, les magasins, les boutiques, les voitures ciblés, c’est pour les Peulhs.  Les cours des Peulhs et magasins qui ont été épargnés, c’est dû, quand même il faut le reconnaitre, a la bonne foi de certains Malinkés qui sont des voisins.

Moi, par exemple, ma Tante a un magasin au marché.  La cour dans laquelle le magasin se trouve, lorsque les gens sont venus pour saccager, c’est une petite fille Malinké, mineure, qui est venue se coucher carrément par terre, devant notre magasin en criant : « ça c’est le magasin de ma Grand-Mère.  Elle est du RPG.  Vous ne touchez pas ici. »  Les jeunes n’ont pas réagi.  Ils l’ont laissé.  Il y’a d’autres cours, les Malinkés voisins sont sortis avec toutes leurs familles pour défendre les petits kiosques.

Vous savez, nous les Peulhs, nous avons beaucoup de Kiosques, des petits tabliers.  Cela a été totalement ravagé.  Les magasins, les boutiques, les kiosques, les tabliers, même les fours de pain, ils ont systématiquement tout ciblé et ravagé.  Pourtant, beaucoup de familles vivaient de cela.

Est-ce que vous pouvez faire une estimation sur le nombre des victimes ?

Pour le nombre de personnes tuées, on connait qu’il y’a eu trois (3) morts.  Un d’entre eux, je le connais, Aladji Ibrahima Bah.  C’était un operateur économique de Kankan et il était le Vice-président de la Chambre de Commerce.  Des blessés, j’en connais beaucoup…

Dans quelles circonstances lui il est décédé ?

Dans la cour où il habitait, il y’avait un petit garçon qui revenait avec une foule le poursuivant.  Quand il a tapé à la porte, il est rentré dans la cour, automatiquement les gens l’ont suivi.  Ils ont forcé la porte et ils sont rentrés.  Là, ils ont commencé le massacre.  Aladji Ibrahima Bah, malheureusement, il avait beaucoup d’argent.  C’est un commerçant.  Il  fait le commerce de l’or.  Il y’avait la vieille bonne, la domestique qui était aussi dans la cour.  Ils l’ont laissée dans le coma.  Ils ont blessé les enfants et tout le monde qui était dans la cour.  Il y’a une Mercédès Bleue et 505 qui étaient dans la cour.  Selon les dires de sa famille, la 505 contenait l’argent.

Il semble quand même que le calme est revenu.  Vous sentez-vous en sécurité ?

Oui, il y’a le calme qui est là.  Mais les gens ne se sentent pas en sécurité.  Pour le moment, il n’y a pas d’attaques, mais les propos injurieux et discriminatoires continuent.  Dans la ville, on constate aussi un certain regret de certains natifs.  Nous par exemple, nos voisins Malinkés nous ont rendu visite pour compatir avec nous.

Il y’a un commerçant Peuhl qui avait sa boutique au milieu d’un alignement de quinze (15) boutiques.  Seulement sa boutique et une autre qui appartenait à un autre commerçant Peuhl ont été saccagées.  Mais lui, dans le quartier, son voisin Malinké qui pleurait maintenant.  Il se plaignait que c’est ce commerçant Peuhl qui l’aidait lorsqu’il avait besoin d’assistance financière.

Siguiri n’est une très grande ville.  Les gens doivent presque se connaitre tous.  Qu’en est-il de ce communautarisme ?

C’est vrai Siguiri n’est pas grand.  Mais Siguiri s’élargit.  Il y’a la prospérité, c’est une ville a la fois frontalière et aurifique.  Donc, il y’a beaucoup de gens á Siguiri.  Moi, je suis Peuhl.  Mais mon père et ma mère sont nés à Siguiri.  Nous aussi, nous sommes nés ici.  Dans le passé, avec les mouvements de séquestrations des Malinkés par le PUP de Lansana Conté, nous avons sauvé beaucoup de Malinkés.

Est-ce que ce qui s’est passé ces derniers jours á Siguiri était prévisibles ?

C’était prévisible.  C’était complètement prévisible.  Dans les bus, les marchés, les cafés … on nous insulte.  Même ce matin, on peut constater que même si peu d’entre eux regrettaient ce qu’ils nous ont fait, la quasi-totalité est contente.

Pensez-vous qu’ils pourront recommencer ?

Si rien n’est fait, après les élections, s’il n’y a pas une réelle volonté politique, ils vont reprendre.  J’en suis sur et certain.  Parce que depuis longtemps, comme je vous l’ai dit, c’était prévisible.  Il y’avait des menaces.  De mes collègues Malinkés me disent parfois « Avec vous les Peuhls-là, on va finir avec vous ».  Ils ont toujours dit cela.  Ça, ils nous ont toujours dit.  Seulement, cette rumeur d’empoisonnement venant de Conakry a suffi pour mettre leurs menaces en exécution.

Mais, pensez-vous qu’ils mesurent bien la portée de ce qu’ils sont entrain de faire ?  Savent-ils que cela pourrait engendrer une guerre civile dans tout le pays ?

Ils minimisent.  Ils le savent, mais ils minimisent.  Eux, ils se disent qu’ils sont chez eux et ils n’ont rien à perdre.  C’est ça.  En plus cela va leur permettre de faire n’importe quoi.

Quels sentiments avez-vous par rapport aux autorités locales et nationales ?

Localement, les autorités de Siguiri sont des gens á condamner a mort, si vous voulez.  Parce que, le Préfet de Siguiri par exemple, il a marié une femme Peuhle qui est la grande sœur de l’épouse du Président de la République, Sekouba Konaté.  Donc, lui il est un beau au Président.  Il est de Siguiri.  Lorsque Cellou Dalein venait faire sa campagne a Siguiri, les sages de Siguiri sont partis pour lui dire de ne pas accepter que Cellou fasse sa campagne á Siguiri.  Il a refusé.  Mais cette fois-ci, tout porte à croire qu’il a laissé les jeunes nous tuer et piller.  Parce que les gens sont allés le voir la veille du samedi, pour lui expliquer ce que les jeunes pensent faire.  Il n’a rien fait.

Le détachement militaire du camp qui est là avait voulu intervenir.  Mais pour cela, il fallait que le Préfet signe l’ordonnance.  Le Préfet a refusé de signer.  Parce que si ce détachement militaire avait eu l’autorisation d’intervenir, avec déjà la FOSSEPEL, cela allait dissuader certains agresseurs.  Mais le Préfet n’a pas signé pour leur autoriser.  A qui la faute ?

Il fallut que quelqu’un vienne de Kankan pour l’autoriser de signer, tard dans l’après-midi, pour qu’il signe.  Et cela était déjà trop tard.  Donc, il a laissé faire.

Vous savez, il y’a quelque chose á Siguiri.  Siguiri a été depuis longtemps une société rebelle.

Et le Maire de la ville dans tout cela ?

Il est du coté du Préfet.  Il a fait la même chose.  Il n’a rien fait pour dissuader ou empêcher ce qui s’est passé.  Ce sont des coupables silencieux.  Le Préfet par exemple, c’est seulement le dimanche nuit qu’il est intervenu a la radio.  Alors, le samedi, il y’avait des vrais bandits qui ont voulu profiter de la pagaille dans la ville pour voler et semer plus de troubles.  Il y’a même un jeune qui était sorti sur une moto pour faire le tour de la ville et des quartiers pour dire « Sortez, sortez. Les Peuhls ont pris les armes ».  Il y’a eu des jeunes qui l’ont arrêté et l’ont tabassé.  Ils disent qu’ils vont faire des enquêtes pour savoir ceux qui l’ont commandité.  Donc le Préfet a juste félicité ces jeunes.

Qu’est ce que vous attendez des autorités guinéennes ?

Nous voulons que les autorités soient sérieuses pour notre sécurité et qu’elles prennent leur responsabilité.  S’il y’a une autorité, c’est pour tous les guinéens, et non pour une partie de la Guinée.  Elles doivent éviter d’alimenter les clivages ethniques.  Regardez ce qui s’est passé avec nous !

Ils alimentent les clivages ethniques pour des intérêts égoïstes.  Ils doivent arrêter cela.  C’est seulement la fermeté et une volonté politique qui pourront nous aider.  S’il y’a celles-là, je vous jure, cela ne serait pas arrivé.  Ils n’auront pas osé.  Je les connais très bien.  Si on les laisse faire, ils feront ce qu’ils veulent.

Ce matin un ami qui est à Kissidougou m’a dit que c’est le Préfet de Kissidougou qui dirigeait les jeunes.  Il est de Siguiri.  Il est Colonel.

Il y’a beaucoup qui sont partis vers le Foutah.  Pour le peu qui restent, il faut renforcer la sécurité.  Mais le Préfet de Siguiri a été trop lâche.  Il est lâche.

Vous dites qu’à Kissidougou que c’est le Préfet qui conduisait les jeunes qui saccageaient tout ?

Absolument.  C’est le Préfet qui guidait les gens et montraient aux jeunes les maisons à piller et les familles à tabasser.

Avez-vous des informations de Kankan et des Préfectures environnantes ?

A Kankan, il y’a le calme.  Mais c’est Kouroussa qui est très inquiétant.  A Kouroussa, depuis le samedi nuit, il parait que les Peuhls ont dormi dans la brousse.  Ils ont égorgé un chauffeur qui venait de Conakry.  Un de mes oncles qui se dirigeait vers Kouroussa a été arrêté à Kankan.  Ils l’ont tabassé.

Merci de nous avoir expliqué ce qui s’est passé dans votre préfecture, en Haute Guinée, et merci pour votre disponibilité.  Bon courage !

Merci bien.