cellou_alpha6Le spectre des mots

Face à des oppositions au «partenariat» politique, le président de l’UFDG a déclaré : «bien sûr la Guinée a des ennemis, …. Il y en a qui n’aiment pas la Guinée. Beaucoup, peut-être, vont s’investir pour la non-application des décisions, pour qu’on renonce au dialogue et qu’on aille à la confrontation

Parallèle : dans son style débridé, Donald Trump a dit qu’une alliance de banquiers et de magnats de la presse œuvrent à sa défaite. Les juifs - bien que pas nommés expressément et nonobstant le fait que la fille de Trump est mariée à un juif – ont aussitôt vivement condamné l’allusion qui rappelle les campagnes nazies qui précédèrent et accompagnèrent les pogroms.  

Un rapide coup d’œil sur notre histoire devrait soulever les mêmes alertes à la mention des «ennemis de la Guinée». Le concept «d’ennemis de la Guinée» a été le socle de la violence politique dans notre pays. Il est une tricherie par laquelle les tenants du pouvoir s’approprient de la notion de patrie pour ostraciser l’adversaire, le diaboliser et en faire une vermine à éliminer. Poussée à son paroxysme, la notion fit des peuls de Guinée une aberration qui œuvre à la ruine de la nation. Naguère, la propagande d’Alpha Condé déversait les slogans «d’ennemis de la Guinée » et de «saboteurs» - responsables  de ses faillites - sur tous ceux qui étaient opposés à sa politique. Une simple réminiscence de ces blessures à notre nation devrait interdire de véhiculer ces dangereux slogans.

Disculper les vrais coupables

L’opposition post-électorale est secouée par des querelles de personnes et de positionnements sur l’échiquier politique pour le futur. Les récents accords ne pouvaient donc échapper à des dénonciations de la part de certains leaders politiques et de la société civile. Ainsi fonctionne la démocratie. Traiter les dissidences « d’ennemis de la Guinée » n’est pas que de la surenchère verbale. Ultimement, ces déclarations fourre-tout servent à noyauter les vrais débats et à implicitement disculper les vrais ennemis de la Guinée : ceux responsables de crimes imprescriptibles dont un large spécimen gravite autour d’Alpha Condé depuis six ans.

Les principes, le compromis et la générosité.

La démocratie est un parcours ardu où se jouent des principes intransigeants, le sens du compromis et celui de la générosité. L’intransigeance doit s’inspirer de l’histoire, avec une lecture lucide des desideratas et des souffrances des citoyens, pour déboucher sur des principes clairs. À défaut, il est impossible d’éviter les pièges de l’adversité. Le sens du compromis doit camper sur ces principes pour exploiter toutes les possibilités de les traduire en réalité, eût égards aux rapports des forces politiques du jour. En aucun cas le compromis ne doit taire ou dévier des principes. Pour ne pas subir les rejets de l’histoire, le compromis doit être gouverné par la magnanimité envers les bafoués et les victimes. Si on se montre tant soit peu conciliant envers l’adversaire qui couve des criminels dans sa basse-cour et véhément envers les alliés jugés moins populaires, on ne fait que s’éloigner de cette trajectoire tenue.

 

Ourouro Bah