thierno_madjou_sowLes membres de Pottal-Fii-Bhantal Fouta-Djallon ont appris avec regret la disparition de Dr. Thierno Maadjou Sow, président de l'Organisation guinéenne des droits de l'homme (OGDH). Notre organisation présente ses condoléances attristées à la famille du disparu ainsi qu’à ses collègues de l’OGDH.

Pottal-Fii-Bhantal Fouta-Djallon s’honore d’avoir eu comme collaborateur l’éminent militant que fut Docteur Sow. Lors d’une visite que nous organisâmes pour lui aux Etats-Unis, Docteur Sow tint des conférences d’information et de sensibilisation dans plusieurs villes pour la communauté guinéenne. Il fut reçu par des sénateurs américains et des dirigeants d’organisations des droits de l’homme. Lors de sa visite au département d’état, les agents de douze départements dont ceux de la sécurité, des droits de l’homme et de la coopération de l’Afrique étaient présents. Ils écoutèrent avec attention son exposé sur la situation et les perspectives des droits de l’homme et de la démocratie en Guinée. Un moment poignant de la conférence fut quand Docteur Sow indiqua que son gendre a été assassiné pour le faire taire. Un chœur de murmures de condoléances fusa dans la salle.

La vie de Docteur Sow est une inspiration pour les citoyens guinéens et africains. Militant anticolonialiste et membre fondateur de la section guinéenne du PAI (Parti Africain de l’Indépendance), il fit partie des vrais artisans de la fin du système colonial. Lors de la grève des enseignants de 1961, Docteur Sow échappera à un rapatriement forcé de la Russie pour se réfugier en Allemagne où il obtiendra un Doctorat d’Etat en économie. Il retournera en Guinée en 1970 - après la libération des leaders du mouvement syndical - pour cumuler le poste de professeur d’université avec celui de haut-fonctionnaire. Son courage, son franc-parler et sa modestie lui vaudront le respect de son entourage et celui des dirigeants de l’époque. Ces traits contribueront à l’épargner pendant les purges qui décimèrent les rangs des militants et cadres guinéens durant le régime du PDG, bien qu’il fût parmi les rares militants qui confrontèrent ouvertement Sékou Touré sur sa dérive dictatoriale.

A la chute du régime du PDG, Docteur Sow se consacrera à la question fondamentale des droits de l’homme. « Le guinéen n’est ni sujet, ni citoyen; c’est un objet » aimait-il répéter. Avec son inépuisable réserve de patience et d’énergie, il entreprit de remédier à cet état de fait avec la création de l’OGDH dont il obtiendra l’agrément après plus de 5 années de démarches. Depuis lors, il a été sur le front de la défense des droits des citoyens. Beaucoup d’opposants au pouvoir de Lansana Conté lui doivent en partie leur libération des cachots politiques: des pionniers de la démocratie comme Bah Mamadou à l’actuel président, Alpha Condé. En outre, il a défendu avec acharnement et discrétion des légions de victimes de la systématique répression politique dans notre pays: officiers des forces de sécurité, jeunes sans emplois, militants, commerçants spoliés, femmes violées etc. En particulier, c’est grâce à son entremise que le kidnapping sans motifs de jeunes à Conakry et leur expédition à Soronkoni sera découvert. Deux jeunes succomberont aux tortures et les survivants indiqueront que les officiers voulaient leur extorquer des «aveux de complot».

Aujourd’hui, des crimes crapuleux de ce genre restent sans suite dans les medias, les milieux politiques, à l’assemblée nationale et dans la société civile. Des prisonniers politiques croupissent dans les prisons sans chefs d’accusation dans l’indifférence générale. Les crimes politiques devenus routines ne sont jamais instruits, ni jugés.

Les enquêtes sur les massacres et viols du 28 septembre 2009 trainent dans des calculs politiciens. Dr. Sow fut l’un des plus ardents défenseurs des victimes de ces crimes. Il est regrettable qu’il disparaisse sans que les personnes responsables ne soient traduites en justice. Dans le contexte de marasme larvé de la Guinée, sa mort interpelle toute la nation. Elle ne devrait pas être une autre perte tragique qu’on pleure et qu’on oublie.

Notre organisation saisit l’occasion pour encore une fois, lancer un appel à tous les citoyens guinéens épris de justice et de démocratie. Il nous incombe tous de préserver et continuer l’œuvre de l’OGDH.

Les leaders d’opinion et de partis politiques guinéens doivent faire une véritable conversion et comprendre qu’il n’y a pas de combat plus sacré que celui des droits de l’homme. Faute d’un engagement fervent et sans réserves dans le combat contre l’impunité et pour un état de droit, les leaders politiques ne feront que contribuer à l’état de désenchantement favorable à la pérennisation de la dictature.

Aux citoyens de la société civile, il incombe de saisir l’occasion pour occuper le terrain de la lutte contre l’impunité par des débats sur l’héritage de l’OGDH et les moyens de soutenir l’organisation. Pottal-Fii-Bhantal réitère encore sa volonté de poursuivre ce combat à leur côté, à travers notre programme JUSTICE IN GUINEA auquel nous convions tous les citoyens guinéens.

Nous demandons à toutes nos sections d’organiser une journée de prière à la mémoire du disparu. Et, nous étendons nos condoléances à toute la nation guinéenne.

La commission Centrale de Pottal-Fii-Bhantal Fouta-Djallon.