alpha_conde_5Quand on célèbre une fête, on s’attend à la gaieté, à la joie. La célébration de la fête internationale du 1er mai 2015 en Guinée aura fait l’exception pour les syndicalistes réunis pour la circonstance, au Palais du peuple de Conakry. Leur invité d’honneur, Alpha Condé, le président guinéen, emporté par la colère née d’on ne sait où, les a sérieusement sermonnés.

En voici des extraits de son ire : « Moi, j’aime la vérité. Mais lorsque des leaders syndicaux eux-mêmes commencent à faire la démagogie pour tromper le peuple où on va ? Nous avons entendu le premier discours du secrétaire général de la CNTG (Confédération nationale des travailleurs de la Guinée Ndlr) qui a montré qu’il y a une crise internationale. Cela veut dire que le gouvernement n’a pas de ressources. Voilà qu’un autre syndicaliste vient dire il faut(…) Je ne sais pas si Amadou (Secrétaire général de la CNTG-principale centrale syndicale de la Guinée) a parlé sur la planète Mars et l’autre a parlé à Conakry. Sinon, on ne peut pas avoir deux discours aussi contradictoires, aussi opposés. Quand je suis arrivé au pouvoir, j’ai dit aux syndicalistes de faire comme en Allemagne. Il n’y a jamais eu de grève là-bas, le gouvernement et les syndicalistes discutent à tout moment. Pourquoi Friguia a été fermé ? » Selon lui, la responsabilité de la fermeture de l’usine revient à ses syndicalistes qui ont déclenché « une grève incontrôlée » qui a fait que l’entreprise minière, RUSAL, a fermé portes et fenêtres de l’usine. Idem, selon M. Condé, pour la Sotelgui (Société guinéenne des télécommunications) qui a jeté les clés dans le paillasson depuis 2012. Alpha Condé accuse les syndicalistes de ne pas être honnête, de ne pas dire la vérité aux travailleurs guinéens. A cause de « certaines doléances des syndicats, le gouvernement était obligé de renoncer à certaines dépenses d’investissement. Chacun de nous doit être responsabilisé. Chacun de nous doit dire la vérité. Il ne faut pas mentir, il faut dire la vérité », leur a-t-il lancé, visiblement très en colère.

 

Le mea culpa

Les Guinéens attendent, depuis l’élection d’Alpha Condé au pouvoir, un mieux-être, par la gestion de leurs diverses ressources. Celui-ci, en demi-saison (pantalon noir, chemise blanche), derrière des lunettes noires, leur a fait un mea culpa qui surprend plus d’un. Face à l’incapacité de son équipe à améliorer les conditions de vie des Guinéens, Alpha Condé accuse ses ministres. « Moi, je n’ai pas géré la Guinée. Je ne suis pas responsable des usines bazardées. La Guinée a été le premier pays noir d’Afrique à avoir des commandants de bord. Aujourd’hui, est-ce que nous avons un avion ? (…) Vous avez été responsables, on s’est battu ensemble. Je vous ai dit que nous allons gouverner ensemble. Vous avez fait pendant trois ans. Pourquoi brusquement le dialogue disparaît et c’est l’épreuve de force ? Pourquoi ? Que certains reviennent à la raison. La responsabilité du gouvernement, c’est parce que les ministres n’ont pas joué leurs rôles. Ce sont des cadres guinéens, on ne peut quand même pas aller chercher des cadres sur la planète Mars. Que chacun soit responsable. La Guinée va avancer. La Guinée va changer ». Et d’indiquer : « J’ai le malheur de ne pas connaître les cadres Guinéens. C’est mon frère (Malick Condé inhumé quatre jours avant son investiture le 21 décembre 2010 Ndlr) qui connaissait les cadres Guinéens, parce qu’il était-là, avec eux. Mon malheur, c’est qu’il est mort quatre jours avant mon investiture. Sinon, la moitié des membres du gouvernement ne devrait pas être des membres du gouvernement. Parce que lui, il les connaissait. Il savait qui était qui. IBK m’a dit dernièrement : « Ton petit-frère est venu me voir à Bamako pour dire : va voir ton frère, c’est un idéaliste, il ne connaît pas les Guinéens, ils vont le tromper. Ils vont le mettre dans la farine. Pardon, tous les jours, viens lui donner des conseils ». J’ai dit à IBK, poursuit le président guinéen, pourquoi tu as attendu longtemps pour me parler maintenant ? Pourquoi tu n’es pas venu ? Beaucoup de choses se sont faites, mais je commence à connaître maintenant, mais je sais aussi être patient », a-t-il avoué, dans une attitude où il ne cessait d’agiter ses mains.

 

De l’insécurité ?

Sur la question de l’insécurité qui sévit en Guinée, Alpha Condé est sorti de ses gonds pour tancer les syndicalistes qui ont réclamé la sécurisation des Guinéens où qu’ils se trouvent dans le pays. En retour, le chef de l’Etat guinéen a déversé sa colère, sur eux : « Vous parlez de l’insécurité et… Vous dites que le gouvernement n’a pas tenu ses engagements. Je ne sais pas si vous êtes à Conakry ou si vous êtes sur la planète Mars. Je me demande. J’ai doté les gendarmes de véhicules blindés. On les voit en ville. J’ai doté les gendarmes et les militaires en véhicules blindés pour qu’ils s’engagent à lutter contre les coupeurs de route. Alors, je suis surpris quand on me dit qu’on n’a pas respecté nos engagements (…) Voilà la réalité, ouvrez un peu les yeux », enjoint-il aux syndicalistes, massivement réunis pour la fête du 1er mai, qui s’est achevée dans la morosité. L’année dernière cette fête n’a pas été célébrée en Guinée, pour cause d’Ebola.

Aliou Diallo pour www.guinee58.com