ac1La vie humaine ne manque de surprise. Tant qu’on a la vie sauve, on peut s’attendre à voir ou à entendre des choses qui semblaient inimaginables. C’est en l’occurrence ce qui vient de se produire avec la récente sortie du président Alpha Condé. L’opposant historique, parvenu au pouvoir en 2010, après avoir joué sur la fibre ethnique pendant quatre longues années, se rappelle seulement maintenant de la nécessité de la réconciliation nationale. Mieux vaut tard que jamais dira-t-on. Seulement le "Jamais" a failli avoir raison du "Mieux" et du "Tard".

En marge de l’installation de la commission de réconciliation nationale, le président de la République a tenu un discours plus que correct. Mais à l’approche d’une élection présidentielle, qu’il sait difficile pour lui, le locataire de Sekhoutouréyah donne l’impression de jouer sur la fibre de la réconciliation nationale afin de reconquérir les faveurs des électeurs. Cette sortie illustre à suffisance la volonté du chef de l’Etat d’embellir son image bien ternie après quatre années d’ethno-gouvernance. Par ce discours il s’installe dans les habits du président de la République et joue à l’apaisement alors que ses opposants durcissent le ton. Reste à savoir comment les populations, meurtries par les discours haineux du camp présidentiel, vont percevoir le message du président Condé, ultime tentative de reprendre la main sur un terrain glissant. Le maigre bilan, la souffrance au quotidien, la cherté de la vie, l’insécurité qui minent la vie des Guinéens… sont d’autant d’autres facteurs qui blessent la parole présidentielle. Et pour ces maux, les mots ne suffiront pas. Il faudra des actes.


Voici un extrait du discours de Monsieur Condé.

"La situation en Guinée est très complexe parce que l’anarchie s’est installée pendant longtemps, le non-droit, l’absence du respect des droits civiques, il faut du temps. Quelqu’un qui est habitué à un certain comportement, à frapper le prisonnier, vous ne pouvez pas en un ou deux mois, le changer. L’espoir de la réconciliation en Guinée, c’est la jeunesse parce qu’elle n’a pas participé à tout ça. Cette jeunesse n’a pas ce passé lourd, ni ces mauvaises habitudes. Donc, il faut la patience. Il faut que progressivement les nouvelles générations, qui vont venir, nous aident à condition qu’elles ne soient pas intolérantes elles-aussi. Les enfants de Camp Boiro vont dire qu’ils n’ont rien à voir avec les enfants de 1985, et vice-versa. Il faut que cette jeunesse se donne la main. On met beaucoup de choses sur le dos du gouvernement. Avant que j’arrive, on m’a dit qu’il y avait des photos mais quand il y a la réconciliation, on doit avoir la photo de certains chefs d’Etat surtout les chefs d’Etat où il y a eu des victimes. La réconciliation doit se faire au niveau des populations sans propagande, ni rien. Il faut que chacun accepte cela… Il y a aussi des personnes parmi nous, comme le médiateur qui a connu la première république, la deuxième république. Même s’il n’est pas historien, mais il fait partie des gens, qui peuvent nous aider. Nous avons le docteur Sultan et beaucoup d’autres intellectuels. Et si on associait tous ces gens, qui sont honnêtes et sincères parce qu’ils n’ont pas été mêlés au massacre, aux tueries, aux dénonciations, ils peuvent nous aider. Mais le grand problème, le guinéen n’accepte pas l’autre. Un diplomate m’a dit un jour : ce qui est grave en Guinée, est que le Guinéen n’aime pas le Guinéen, le Guinéen n’aime pas le bonheur de son voisin. J’étais ulcéré venant d’un diplomate mais quand je regarde la réalité, il n’a fait que peindre la réalité. Il faut toujours poser la question. Les mêmes ethnies, les mêmes familles étaient là en 1958. Comment nous avons pu, comme un seul homme, voter non et assumer, malgré toutes les menaces, et comment les enfants et petits-enfants de ceux-là ne peuvent pas se donner les mains comme nos parents à cette époque-là se sont donnés la main ? Que chacun de nous réfléchisse en son âme et conscience. Au lieu de stigmatiser les autres, qu’il voit lui-même réellement s’il s’est bien comporté correctement, est-ce que sa famille s’est comportée correctement. C’est facile de présenter les autres comme bourreau et de se victimiser. Et si on se posait la question, si vous-mêmes, vous n’avez pas été bourreau, ou vos parents n’ont pas été bourreaux. C’est cette introspection personnelle, familiale qui manque en Guinée. Tant qu’il n’y aura pas ça, tant qu’on continuera à accuser les autres, sans voir les actes de sa propre famille, on n’ira pas de l’avant"


Moucky S. Diallo

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