sidya_toure_parisL’Union des forces républicaines (UFR) a décidé lundi de se retirer du processus électoral en Guinée, au lendemain de la présidentielle du 11 octobre. Entretien exclusif avec son candidat, Sidya Touré.

Lundi 12 octobre, sept des huit candidats (tous sauf le président sortant) à la présidentielle du 11 octobre ont réclamé l’annulation du scrutin présidentiel qui s’était tenu la veille. Ils dénoncent des fraudes massives en faveur du président sortant, Alpha Condé. Sidya Touré, candidat de l’Union des forces républicaines, (UFR), a même franchi une étape supplémentaire en se retirant, dans l’après-midi, du processus électoral.

Jeune Afrique : Pourquoi vous retirez-vous du processus électoral ?

Sidya Touré : Nous (les sept candidats de l’opposition) avons discuté de la possibilité de retirer nos représentants à la Commission de centralisation des votes. Chacun en fin de compte a analysé cela à l’aune de ses problèmes. À l’UFR, après deux jours, notre constat est très simple : l’essentiel de la fraude s’est déroulée dans nos fiefs. Comme d’habitude, il s’agissait de réduire l’électorat de l’UFR et de continuer à jouer sur les problèmes communautaires.

De Boké à Kindia et toute la région forestière, vous avez des chiffres qui nous sont affectés d’office et que vous retrouvez partout. J’ai eu des rapports d’une trentaine de cas de fraudes qui nous ont convaincus que la Commission de centralisation des votes allait simplement valider un processus déjà vicié au niveau des bureaux de vote. Nous avons alors demandé à nos représentants de se retirer pour ne pas confirmer ce qui ne représente pas le suffrage des Guinéens.

Vous êtes censés avoir des représentants dans les bureaux de vote pour empêcher la fraude…

Vous n’avez qu’à visiter les bureaux. On arrive avec des militaires, des chefs de quartiers, on sort les délégués… On peut vous fournir un carnet d’une dizaine de pages de cas de fraudes, des urnes disparues ou réapparues. À Kaloum, les chefs des quartiers sont venus en masse remplir des urnes. Il y a énormément de cas. On a plus important à faire que d’avaliser ce genre de choses.

Cette décision de se retirer du processus est-elle propre à l’UFR ?

En attendant, nous, on l’a fait.

Pourquoi avoir participé au scrutin pour s’y retirer le lendemain ?

Si on s’était assis chez nous, ils n’auraient pas eu besoin de tricher, ils auraient juste bourré les urnes. Avec notre présence, ils ont été obligés de poser des actes qui nous ont permis de détecter le système de fraude mis en place partout : l’implication des militaires, la disparition de 30 % des enveloppes… Le code électoral dispose que les votes sans enveloppe sont nuls. Il y a énormément de choses découvertes grâce à notre participation.

Certains vous accusent déjà de manœuvre visant à dissimuler votre défaite à venir…

Nous avons vécu cinq ans d’Alpha Condé. Notre pays est en récession, c’est-à-dire avec une croissance négative. Il n’y a pas d’emplois, de revenus, d’activités… Chacun peut savoir qu’un tel bilan peut-être sanctionné par n’importe quel électeur. À aucun moment, nous n’avons pensé que ce qui se fait actuellement est le résultat du vote des citoyens. Dans le quartier de mon grand-père, à Boké, j’ai 7 voix, Alpha en 145 ou… 148 ! C’est vous dire à quel point les choses sont totalement faussées, parce que, tout simplement, on a remplacé les procès verbaux de vote. Si on est battu dans les conditions régulières, c’est normal. Les élections, on ne les gagne pas à tous les coups.

Vous attendez-vous, dans ces conditions, à ce qu’Alpha Condé soit déclaré vainqueur au premier tour ?

Bien sûr ! On n’a pas organisé tout ça pour aller au second tour.

Après cette décision de retrait, quelle est l’étape suivante ?

Pour le moment, on va gérer ça en attendant. Nous sommes persuadés qui si l’opposition avait eu une candidature unique quatre ou cinq mois auparavant et qu’on avait commencé à harceler ce pouvoir depuis, on n’en serait jamais arrivé-là.

 

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