baadikoNotre rédaction a pris langue avec Mamadou Baadiko Bah, Président de l’Union des Forces Démocratiques (UFD) pour parler de l’actualité brulante du pays. M. Bah est revenu sur son alliance avec Alpha Condé. Il ne manque pas d’arguments pour justifier cette alliance qui a surpris plus d’un. Avec cette interview, chacun peut se faire son propre avis.

 

Guinee58.com : Bonjour M. Bah. Comment vous allez ?

Mamadou Baadiko Bah : Je vais bien – Merci.

Les guinéens sont très surpris d’apprendre l’alliance entre l’UFD et le RPG. Est-ce que vous pouvez nous expliquer les raisons de votre ralliement à Alpha Condé ?

Mamadou Baadiko Bah : C’est vrai que beaucoup de nos compatriotes ont été surpris et parfois même choqués de notre décision d’accepter la main tendue du Président Alpha Condé et de son parti, le RPG-Arc-en-Ciel. Nous avons été dans l’opposition à ce pouvoir depuis cinq ans, en continuation de notre opposition à tous les pouvoirs précédents depuis l’indépendance et même depuis que nous militons. Il est normal que nos compatriotes soient surpris de cette évolution. Jusque là, ils étaient habitués à voir l’UFD comme un simple laboratoire de bonnes idées produisant des analyses pertinentes, mais surtout pas comme un parti politique lancé à la conquête du pouvoir et qui mérite d’être soutenu et encouragé. Nous avons vécu depuis vingt cinq ans avec énormément de gens qui disent « apprécier » nos positions, qui applaudissent à tout rompre à nos discours et déclarations, mais qui ne nous apportent absolument pas la moindre aide et qui ne votent jamais pour nous, quand ils ne nous combattent pas sans merci. En fait, ils nous soutiennent comme la corde soutient le pendu. Nous avons été nous-mêmes étonnés de voir les vives réactions de ces gens qui nous ont toujours ignorés et combattus férocement et qui prétendent au nom d’on ne sait quoi, demander à ce que nous obéissons à leurs ordres. Allez comprendre la logique de gens qui disent tout haut que vous n’êtes absolument rien du tout; vous ne comptez pas, mais qui s’agitent bruyamment dès que vous prenez une décision politique importante qui ne va pas dans le sens de leurs choix. Nous leur avons dit poliment mais fermement que nous sommes un parti politique guinéen composé de toutes les communautés du pays et que nous obéirons aux vœux de ceux qui nous soutiennent et qui votent pour nous et en aucun cas à nos applaudisseurs. Nous n’avons pas comme d’autres, de destination «naturelle» en matière d’alliance.

Maintenant, sur les raisons de cette décision, comme vous pouvez l’imaginer, elles sont multiples. En premier lieu, il ya l’impasse dans laquelle l’opposition s’est retrouvée. Faute d’avoir accepté le sacrifice de se mettre d’accord sur un schéma politique de candidat unique, basé sur une refonte totale des institutions garantissant un réel partage des responsabilités et l’alternance, l’opposition qui n’est unie que dans la négation du pouvoir établi et jamais pour la construction d’un meilleur édifice, s’est condamnée à l’échec. Pire, le manque de confiance entre les acteurs n’a même pas permis d’avoir une position commune sur les élections, chacun craignant de faire les frais du manque de sincérité de l’autre. Dans ces conditions, nous ne pouvions pas adhérer indéfiniment à la stratégie de l’échec. Celle-ci consiste après chaque échec électoral, à préparer les électeurs déçus pour qu’ils ne se posent pas de questions et qu’ils acceptent d’accompagner la stratégie perdante pour la prochaine élection, dans cinq ans ! Pour eux, la seule explication simpliste de « on nous a encore volés » semble tenir lieu d’analyse de l’échec.

En second lieu, il y a l’évolution de la situation politique qui ne peut être figée. Après un premier quinquennat au cours duquel il y a eu beaucoup d’erreurs, comme l’a reconnu le Président Alpha Condé lui-même, celui-ci place le second mandat auquel il est candidat, dans une optique de rectification du tir et de main tendue. Ainsi, il a entrepris de réduire la fracture communautaire née de la sortie chaotique de la transition en 2010. Ces derniers temps, il a posé beaucoup d’actes concrets qui montrent qu’il a compris que la Guinée ne peut pas s’édifier dans l’exclusion d’une seule communauté, quelle qu’elle soit. N’oubliez pas que la Guinée, création de la colonisation au début du XXème siècle n’est qu’une nation en devenir ; le tissu communautaire est très fragile et a été sérieusement mis à mal au fil des ans. Nous avons estimé que s’il y avait la moindre possibilité de sortir de cette situation bloquée, ces déchirements communautaires, cette violence endémique et cette instabilité chronique, pour ensemble s’attaquer aux multiples maux qui minent le pays et qui bloquent son développement depuis près de soixante ans, il fallait la saisir. Les populations qui souffrent terriblement de cette situation de misère sans fin, souhaitent une telle évolution qui ouvre de nouvelles perspectives de renaissance du pays. S’il a un deuxième mandat, le Président Alpha Condé aura certainement les mains plus libres pour travailler et constituer des équipes compétentes et engagées pour remettre tout le peuple de Guinée au travail et réaliser son programme politique.

En dernier lieu, il faut dire que cette décision, - contrairement à ce d’aucuns prétendent – n’est pas la « décision » de son seul Président. Elle a   fait l’objet de larges discussions au sein des instances dirigeantes du parti, depuis le congrès extraordinaire du 5 septembre 2015. C’est une décision qui est approuvée par la grande majorité des organes dirigeants et nous espérons des militants. Depuis la signature du protocole d’accord, nous faisons tout pour expliquer à la base le bien fondé de cette décision. Nous avons à cœur de sauvegarder l’unité du parti. Nous expliquons à tous que l’UFD est une opposition politique et non une opposition ethnique. De là, nous sommes en mesure de discuter et de nous entendre avec n’importe quel parti politique guinéen dans l’intérêt supérieur du pays. Nous l’avons prouvé dans le passé. Nous expliquons aux militants et à ceux qui votent pour nous que le parti ne peut pas être figé dans l’immobilisme, au risque de se condamner à pourrir sur pieds, en attendant que la population nous donne la majorité pour gouverner. Les alliances sont tout à fait normales et nécessaires dans la lutte politique.

Votre alliance avec Alpha Condé répond-elle aussi à une convergence de visions politiques entre vos deux formations? Ou bien, c’est juste une alliance électorale?

Mamadou Baadiko Bah : L’UFD a une sensibilité de gauche démocratique, progressiste et panafricaniste. Le RPG-Arc-en-Ciel est membre de l’Internationale socialiste, donc avec une orientation politique de gauche, même si je n’aime pas trop cette classification venue d’Occident. Quand par exemple le Président Alpha Condé dépense sur le budget de l’Etat des centaines de milliards de FG pour aider la paysannerie à améliorer sa condition misérable basée sur l’agriculture de subsistance – même si l’opération n’a pas atteint ses objectifs pour beaucoup de raisons, il met en œuvre une politique qui est aussi la nôtre. Lorsqu’il veut aider les artisans, les pêcheurs artisanaux, les fumeuses de poisson, les cordonniers, les forgerons, il s’adresse aux franges les plus pauvres de la population, ce que nous approuvons. Bien entendu, il y a énormément à faire dans beaucoup d’autres domaines, comme par exemple l’éducation qui ne doit pas être l’apanage des riches, la santé, l’élevage, mais au moins, les intentions affichées sont positives et doivent être encouragées. Vous avez vu également que depuis un certain temps, dans la fonction publique, il y a des concours où tous les Guinéens participent à égalité de chance de réussite, sans condition d’appartenance régionale ou politique, ce qui va dans le sens de n’exclure aucune région de la gestion des affaires publiques. Bien entendu, il reste encore beaucoup à faire pour démocratiser tout l’appareil d’Etat, mais la situation s’améliore.

Nous espérons que ce n’est pas une simple alliance électorale, mais une coalition politique appelée à durer et à faire ses preuves pour le progrès de la Guinée. Et qui sait, peut-être que dans quelques années, avec la recomposition inévitable du paysage politique qui s’annonce après le 11 octobre 2015, les ethno-partis qui gardent l’opinion guinéenne en otage vont disparaître pour laisser la place à deux grands partis basés sur des options politiques et non communautaires, pour se relayer démocratiquement au pouvoir. Comme vous savez, il y a en Guinée un trop plein de partis dits libéraux qui peuvent bien se regrouper sur cette base et non plus sur des bases communautaires. Peut-être qu’un jour, comme au bon vieux temps, nous serons ensemble dans l’opposition, main dans la main avec le RPG.

Il y a encore un mois vous étiez dans l’opposition et maintenant vous ne l’êtes plus. Qu’est ce qui a changé fondamentalement dans la politique d’Alpha Condé pour expliquer votre volte-face?

Mamadou Baadiko Bah : Je crois avoir répondu à cette question au début de l’interview.

Maintenant que vous êtes dans l’Alliance Arc-en-ciel, allez-vous battre campagne pour Alpha Condé ? Quel sera votre apport pour une victoire d’Alpha condé ?

Mamadou Baadiko Bah : Oui bien sûr ; nous allons nous battre pour que le candidat que nous soutenons gagne avec une franche majorité. Nous allons non seulement battre campagne pour amener tous ceux qui ont voté pour nous en 2013 à voter Alpha Condé, mais nous allons également porter nos efforts vers ceux qui, avant ne votaient ni UFD ni RPG-Arce-en-Ciel. Nous pensons que l’opinion, surtout en Moyenne Guinée, évolue bien dans ce sens.

Espérez-vous un portefeuille ministériel si Alpha Condé est réélu?

Mamadou Baadiko Bah : Notre principale préoccupation, croyez moi, ce ne sont pas seulement les postes ministériels. C’est en général participer à la conduite des affaires du pays et apporter notre modeste contribution à la réussite de notre alliance. Nous avons beaucoup de cadres compétents, intègres et dévoués qui peuvent bien travailler dans le pouvoir exécutif. Moi-même, si le Président me propose un poste correspondant à mes compétences, je n’aurai pas de raison de refuser. Mais dans tous les cas, veuillez noter que je ne suis pas au chômage ; j’ai des activités professionnelles en Guinée et au Cameroun qui, jusqu’à présent ont occupé tout mon temps.  

Pourtant, l’UFD était déçue de son alliance de 1998 avec le RPG. D’ailleurs, des cadres de votre parti accusent Alpha Condé d’ingratitude. Ne risquez-vous pas un autre désenchantement ?

Mamadou Baadiko Bah : Les conditions de notre alliance ne sont certainement pas les mêmes en 1998 que maintenant. A l’époque, Feu le Pr Alfa Ibrahim Soo était seul avec un cadre, Alpha Saliou Wann. Les choses n’avaient pas été faciles, c’est vrai. Mais aujourd’hui, l’UFD est un parti bien assis et qui a une autonomie. Nous sommes pleinement engagés dans cette alliance et faisons le pari de la bonne foi des deux parties. Nous ferons tout pour être un partenaire fiable, efficace, même si ce n’est pas toujours un partenaire commode.

 

Alpha Condé est accusé d’avoir instrumentalisé les ethnies. Les tensions ethniques en Guinée n’ont jamais été aussi fortes. Ce n’est pas gênant pour vous de vous associer à un homme comme lui ?

Mamadou Baadiko Bah : Nous n’avons cessé de dénoncer le système de bi-polarisation politico-ethnique qui a dominé la vie politique guinéenne depuis 2010. Dans cette logique, le tissu communautaire a été sérieusement mis à mal. Ce n’est pas le seul fait du RPG-Arc-en-Ciel et de son chef ; c’est un système. Je dois vous dire qu’en ce qui concerne le Président Alpha Condé lui-même, à l’époque où nous militions ensemble dans l’opposition au PDG, il était affranchi de ces considérations. Mais sa plongée dans le monde politique guinéen a certainement influencé négativement son attitude. Et le plus important est qu’à notre avis, il a tiré les leçons des échecs et des difficultés de son premier quinquennat. Il a déjà pris un virage politique important pour montrer concrètement qu’il veut être le Président de tous les Guinéens. Il faut l’y encourager, car c’est l’intérêt de tout le peuple de Guinée. Sur un plan général, il faut dire que la force et le génie de tout dirigeant politique est de réussir à mettre ensemble toutes les communautés humaines dont il est le chef dans un espace géographique donné. C’est pour cela que nous avons des systèmes étatiques et institutionnels les plus divers : Etats unitaires, Etats fédéraux, Décentralisation, Régions, etc. Il faut que toutes les communautés vivent ensemble, harmonieusement, dans la solidarité, le respect mutuel et l’égalité des droits et des devoirs. Il faut bien se convaincre que la domination communautariste ou ethnique, les options basées sur les différences de races ou de religions sont d’essence fasciste et sont foncièrement contre le progrès et le bonheur d’un peuple, quel qu’il soit. Vous savez bien ce qu’il faut attendre de tout système où on place des gens sur la base de l’ethnie : il ne produira rien de bon, car convaincu qu’il n’est pas là pour travailler et mériter salaire, mais uniquement pour se remplir les poches et profiter du pouvoir – car dans son esprit, c’est « notre tour ». Lorsqu’on n’arrive pas à trouver un bon équilibre, c’est ce qui provoque les guerres civiles et même les génocides.

Votre ralliement à Alpha Condé est perçu comme un renoncement au combat pour l’avènement d’un Etat de droit, un reniement aux valeurs de l’UFD et surtout, une trahison à son fondateur, Pr. Alfa Ibrahim Soo. Qu’en dites-vous? N’avez-vous pas l’impression de jeter à la poubelle des années de lutte?

Mamadou Baadiko Bah : En s’alliant au RPG-Arc-en-Ciel, l’UFD ne perd pas son âme. Nous ne renonçons absolument pas à nos idéaux et à nos options fondamentales, à savoir l’Etat de droit, la démocratie, l’unité et la concorde entre toutes les nationalités, la recherche de la justice sociale et le respect du bien public. Nous avons passé un compromis avec le parti au pouvoir, nous ne nous plaçons pas sur la voie de la compromission. Ceux qui voient dans cette décision une trahison du Pr Alfa Ibrahim Soo semblent ne pas du tout le connaître. Lui aussi n’était pas un extrémiste. Il était ferme dans ses convictions, mais c’était un sage et un homme de compromis. Il l’a prouvé à maintes reprises. Je dois vous révéler qu’en 2004, il avait esquissé un rapprochement avec le Général Lansana Conté que nous combattions jusque là. Le projet avait échoué à cause de l’entourage de celui-ci qui redoutait l’entrée en lice de l’UFD. En 1998, c’était lui l’artisan de l’accord avec le RPG.

 

Récemment, les Guinéens ont assisté à un pugilat entre les responsables de votre parti. Pouvez-vous nous expliquer ce qui s’est passé avec les gens que l’on a appelé «le groupe de Sadio Barry» ?

Mamadou Baadiko Bah : Je vous prie de m’excuser, mais je ne sais pas à quel moment il y a eu un pugilat à l’UFD ? Nous avons tenu un congrès extraordinaire à Conakry le 5 septembre 2015, en présence d’un huissier de justice et il n’ ya même pas eu d’éclats de voix. Il y a eu des loubards qu’on nous a envoyés pour perturber les travaux mais nous avions pris des dispositions pour empêcher cela. S’il y a eu un pugilat, il n’était que virtuel, sur le net. A ces assises, nous avons eu de très larges débats politiques, contrairement au congrès de juin 2015 où l’essentiel des travaux portaient sur des positionnements à des postes et à de tentatives de verrouillages de textes. Au cours de ces assises, ont été débattues les questions relatives aux alliances. Le BEN a reçu mandat du congrès de conclure une alliance qui respecte nos options politiques et nos intérêts. C’est sur cette base que le BEN a décidé de répondre favorablement à la lettre du RPG-Arc-en-Ciel.

Vous parlez de l’épisode douloureux que nous avons vécu ces derniers temps en 100 jours entre deux congrès. Je ne veux pas trop épiloguer là-dessus. Quand vous vous retrouvez « en partenariat » avec des gens obsédés par les questions ethniques et dont le discours ne va presque jamais au-dessus de la ceinture, vous comprendrez que je me refuse à les suivre sur leur terrain favori. L’UFD a été l’objet d’une tentative d’escroquerie politique, un hold-up savamment monté par des gens dont c’est le métier et qui, comme Machiavel, ont toujours en poche un Plan A, un Plan B et pourquoi pas un Plan C. Usant du bluff, de la duplicité, de la basse flatterie pour nous endormir, ils pensaient avoir mis au point un plan infaillible pour s’emparer sans coup férir de l’UFD. Ils avaient même réussi à recruter 2 ou 3 traitres bien placés à l’intérieur de l’UFD pour exécuter leur sale besogne. Un document émanant d’eux, tombé accidentellement entre nos mains le prouve. Ils ont été les premiers surpris de l’échec d’un tel dispositif. Quand élisez des gens aux plus hautes fonctions de l’UFD alors qu’auparavant ils n’avaient rien fait pour le parti, des Africains, des Guinéens et qui plus est, des gens supposés être de même culture Fulbe que vous et qui, face au juge à qui ils venaient demander l’interdiction du Congrès extraordinaire, se réclament de la morale de brigands de la famille française Le Pen, il y a de quoi avoir froid dans le dos ! Je ne sais pas si sur l’échiquier politique guinéen, il y a beaucoup de partis qui auraient été capables comme nous de résister à un tel assaut. Mais nous sommes profondément croyants et Allah a jugé entre nous. Cet épisode a montré la solidité des structures de l’UFD et la symbiose qui existe entre la base et ses dirigeants. Pour rappel, nous avons été en conflit majeur avec M.BAH Oury. Depuis 1995, il nous combat rageusement, jusqu’à l’obsession. Mais jamais, l’un de nous n’a proféré d’injures contre l’autre. Nous sommes des adversaires politiques qui, comme il se doit, se respectent et sont capables dans la rue de se serrer la main. C’est une question d’éducation et d’éthique.

En l’espace de trois mois, votre parti a organisé deux congrès, l’un ordinaire et l’autre extraordinaire. Yavez-vous abordé cette question d’alliance? Ou bien, la participation de l’UFD à l’élection présidentielle?

Mamadou Baadiko Bah : J’ai déjà répondu à cette question.

Certains affirment que l’alliance avec Alpha Condé ne fait pas l’unanimité au sein de l’UFD. Il y a un risque de scission. Pensez-vous que les cadres et les militants vont respecter vos consignes de vote?

Mamadou Baadiko Bah : Avant la conclusion du protocole d’accord politique avec le RPG nous avons fait le maximum pour bien expliquer les motivations et les attentes à toute la direction de l’UFD. Bien que nous n’ayons pas eu l’unanimité, je puis vous assurer que la grande majorité des dirigeants du parti y sont favorables. Nous allons maintenant avec eux porter le même message aux militants et à ceux qui ont voté pour nous. Nous ferons tout pour relever ce défi et aller de l’avant ; il y va aussi de notre crédibilité en tant qu’allié du RPG-Arc-en-Ciel. A propos de cet accord, je dois vous dire qu’à l’UFD, nous avons diverses sensibilités. Nous observons qu’il y a un certain écart entre les militants de l’intérieur et ceux qui se trouvent à l’extérieur du pays, surtout ceux qui sont partis depuis très longtemps; ils ne vivent pas toujours les mêmes réalités et n’ont pas les mêmes jugements sur la situation présente. Pour nous, l’assise de l’UFD au sein de la diaspora guinéenne est d’importance stratégique. Nous ferons tout pour éviter de perdre des cadres et des militants au détour de cet accord. Mais si nous n’y arrivons pas, nous n’aurons pas d’autre choix que de laisser l’avenir trancher, car en théorie hélas, on a toujours raison.


N’avez-vous pas peur que votre parti perde de la visibilité sur l’échiquier politique?

Mamadou Baadiko Bah : Au contraire, ce sont de nouvelles perspectives qui s’ouvrent à nous. L’UFD nous en sommes convaincus deviendra bientôt une composante importante de la majorité présidentielle et un acteur majeur de la vie politique guinéenne.

Tout le monde sait que l’UFD et l’UFDG ne s’apprécient guère. Vos relations personnelles avec Cellou Dalein Diallo ne sont pas bonnes, non plus. Certains pensent qu’en partie, c’est à cause de cela que vous avez rejoint Alpha Condé, l’«ennemi juré»de l’UFDG.Est-ce que c’est le dépit résultant de votre déception après votre alliance avec Cellou Dalein en 2010 qui a motivé votre choix?

Mamadou Baadiko Bah : Comme tout le monde le sait, l’UFDG est d’un parti né de la scission avec l’UFD ; sans compter que pour les initiateurs de l’UFDG, l’UFD devait disparaître depuis 1998, à la faveur d’un texte illégal pris à l’époque par le ministère de tutelle des partis politiques. Malgré cela, nous avons essayé de transcender ces conflits et avons noué une alliance en 2010. Nous avons ensuite travaillé ensemble dans l’opposition de 2012 jusqu’à très récemment en août 2015. Nous avons donc une certaine expérience de cette collaboration. Ce ne sont pas les sentiments personnels qui ont prévalu dans nos choix. Ce sont des considérations politiques et d’avenir. Comme nous l’avons dit, tous nos efforts tendront à faire disparaître le système actuel d’ethno-partis néfaste pour l’avenir de la Guinée. Si vous voulez une confidence, je vous dirais que du BEN, jusqu’aux organes de bases de l’UFD, je ne connais pas de responsable qui ait recommandé une alliance avec l’UFDG. Par contre, certains d’entre nous étaient favorables à une alliance avec l’UFR ou le Bloc Libéral.

Merci d’avoir accordé cette interview à notre rédaction. Quel est votre dernier mot ?

Mamadou Baadiko Bah : C’est moi qui vous remercie de m’avoir donné la parole, dans cette période délicate de la vie de l’UFD. Le pluralisme politique, l’objectivité et l’indépendance sont les clés de la réussite de toute entreprise de média politique comme le vôtre. Nous ne pouvons que vous encourager à continuer dans ce sens pour assurer l’avenir démocratique de la Guinée.

Mon dernier mot sera un rappel historique. Depuis bientôt soixante ans d’indépendance, la Guinée n’a pas trouvé la voie de la concorde, de la démocratie et du progrès pour ses populations meurtries. Notre pays, premier territoire indépendant d’Afrique francophone est à la traîne. Pour se développer, nous avons besoin de sortir de ces divisions politico-ethniques, de ces crimes de toutes sortes, pour enfin nous atteler à la reconstruction de notre pays pour l’avenir de nos enfants. C’est cet appel à l’unité et à la tolérance que nous lançons à tout le peuple de Guinée. Je vous remercie.

Propos recueillis à Conakry le 27 septembre 2015 par l’équipe de www.guinee58.com