keita_sidiki_kobeleKobélé s’auto proclame chercheur et historien. En réalité il a élu de faire carrière dans la provocation effrontée et la banalisation de l’œuvre criminelle du PDG. Il n’est pas plaisant exercice de faire débats avec une malhonnête intelligence. On serait tenté d’ignorer les grossières représentations de l’histoire auxquelles Kobélé se livre.  

Mais, le phénomène de résurgence de plus en plus osée des groupuscules négationnistes du PDG qui sous-tend sa démarche doit être combattu dans toutes ses ramifications, par tous les intellectuels et militants guinéens.

À chaque date marquante des tragédies de la Guinée, et avec de plus en plus d’arrogance,  les groupuscules du PDG sortent de l’ombre pour réitérer leur propagande mensongère. Ils ont l’audace de qualifier leurs manœuvres de dialogue démocratique, de débats de réconciliation ou de recherche de la vérité. Mais en même temps – les habitudes imprécatoires et répressives aidant- ils ne peuvent s’empêcher de diaboliser leurs victimes, y compris celles qui ont disparu dans les geôles ou fosses communes du PDG.

Certes, même dans des nations avec une histoire documentée et entretenue, il y a souvent des résidus de groupes propagandistes, armés de pseudo-légitimités et de fausse science avec pour vocation de  travestir la mémoire collective – sinon avec des mensonges, tout au moins avec des doutes.  

La Guinée est un terreau fertile pour ce genre de groupuscules. Avec des générations de guinéens sans une formation scolaire solide, c’est une véritable  tabula-rasa culturelle que le PDG légua à la Guinée. Les adeptes du PDG n’ont pas beaucoup de peines à répandre leur propagande dans cette pépinière. La mémoire collective nationale est fragmentaire, orale et anecdotique. Le public guinéen en est vulnérable à l’extrême. Il peut être facilement abusé par les mensonges édulcorés des tenants du PDG.

Les fragilités de la société civile guinéenne sont connues. Les facteurs qui y contribuent  ont été analysés et dénoncés. La résurgence du révisionnisme est l’une des conséquences. Elle procède de la volonté politique des gouvernements de maintenir l’histoire dans l’ombre. L’opposition guinéenne n’a de son côté aucun projet pour revisiter l’histoire du PDG et des régimes politiques qui suivirent. Les répressions sauvages dont ont été victimes ses militants ne l’ont pas ébranlée pour faire de l’impunité un axe de sa lutte. Elle a convaincu la plupart de ses adeptes que l’obtention du pouvoir est le passage obligé pour enrayer l’impunité et  mettre fin à la survivance des pratiques du passé. Malencontreusement, ses leaders  oublient que cette survivance et l’impunité dont jouissent les criminels sont les causes des fraudes électorales qu’ils subissent et qu’ils subiront.  Quand les crimes d’état sont ainsi systématiquement  jetés dans les trappes de l’oubli à des fins politiciennes– par les régnants et par les opposants - la violence d’état devient tragiquement la norme de gouvernement qui  déraillera tout processus démocratique en Guinée.

Ni Sékou Touré, ni Lansana Conté  n’ont été condamnés pour leurs nombreux crimes. A la faveur de calculs ethniques  troublants, on assiste à leur «réhabilitation » déguisée, dans un cercle déroutant de connivences entre complices et victimes d’hier. Lansana Conté qui ordonna la liquidation physique sans jugement de la famille proche du dictateur en 1985, baptisa du nom de Sékou le palais présidentiel. Alpha Condé qui fut condamné par contumace, lance des éloges à Sékou Touré à chaque fois qu’il les croit politiquement payants. L’opposition n’est pas en reste dans la sublimation des despotes.  Après s’être mis en alliance avec Daddis, Cellou Dalein a cru devoir promettre de «réhabiliter» Lansana Conté.

L’histoire de la nation est ainsi d’être tronquée pour des besoins politiciens. Cela ne pouvait qu’enhardir les adeptes du PDG. Timides dans les années 2000, quand ils tinrent leur premier colloque à Bamako, ils exposent aujourd’hui en public et sans scrupules leurs impostures en défense de l’ordre du Parti-État. Conséquences de cette banalisation des crimes politiques, nombreux sont les intellectuels et citoyens ordinaires –surtout confrontés aux difficultés et à la misère actuels – qui se réfugient inconsciemment dans des idéalisations des despotes passés.

Par une savante confusion on a réussi à réduire les débats sur les désastres du PDG – ainsi que du CMRN/PUP et du CNDD – en conflits ethniques.  Critiquer Sékou Touré et le PDG est synonyme d’attaques contre les malinkés. Ainsi en est-il de Lansana Conté avec les Soussous et de Daddis avec les forestiers. Les adhésions politiques irréfléchies qui tiennent plus à des complicités tribales grégaires sont antinomiques à la démocratie. Elles engendrent des autocensures dévastatrices et résultent en débats stériles entre guinéens. En eux-mêmes, ces débats sont des symptômes d’une nation atteinte dans ses fondements. Une inversion nocive a érigé le facteur ethnique – qui est une construction des régimes en faillite - en une donnée première inexorable, une « réalité » arbitraire qui en fait n’est profitable qu’aux politiciens de fortune.  Cette inversion n’est ni innocente, ni accidentelle. L’assimilation  grossière de crimes perpétrés par des individus à des ethnies dilue les vraies responsabilités. Elle crée une opaque impunité et un vivier de complicités involontaires autour des crimes. On réussit le tour de force de faire de chaque citoyen – à travers son appartenance ethnique – complice de crimes commis par des individus identifiés et connus.  

Face à ce blackout dont profite les Kobélé et consorts, le consensus implicite sur les mensonges et les crimes du PDG, du CMRN et du CNDD a prouvé être insuffisant. La vérité sur les crimes passés est indispensable pour contrer les Kobélé de service. Mais elle n’éclatera pas sans un travail coordonné, patient, continu, volontariste et délibéré.  Au minimum, ce travail doit consister en un passage en  revue systématique de tous les concepts sur lesquels les révisionnistes de l’histoire guinéenne se fondent. À défaut de les  éradiquer entièrement, le processus critique peut ôter aux groupuscules révisionnistes la toxicité de l’argumentation ; et élaguer le terrain pour l’émergence d’une société civile capable de tirer les leçons de notre tragique histoire – condition d’un renouveau national.

Ourouro Bah

(À suivre)