sekou_toureÀ travers l’histoire et le monde, les tyrans sanguinaires ont toujours eu un point commun au moment où ils pensent ou bien voient que la machine de terreur qu’ils exerçaient sur leurs citoyens s’est grippée.

Après l’invasion de d’Irak (sur des fabrications mensongères du gouvernement américain), le sanguinaire Saddam Hussein fut arrêté alors qu’il était tapi au fond d’une cave dans son fief natal. Quant au dictateur Mouammar Kadhafi c’est dans un tunnel qu’il fut retrouvé. Les moins jeunes se rappelleront la fin peu glorieuse du couple Nicolae et Elena Ceausescu en décembre 1989 en Roumanie.

 

En Guinée, le 22 Novembre 1970, bien qu'averti de l’arrivée des troupes portugaises, Sékou Touré fut saisi de panique quand il vit des fonctionnaires et des hauts gradés de l’armée guinéenne chez lui en pleine nuit. Voici comment d’Alpha Abdoulaye Diallo décrit dans son livre - La vérité du ministre. Dix ans dans les geôles de Sékou Touré - le comportement lâche du dictateur.

 

« Aux premiers coups de feu, tirés à Conakry II, à la Minière, aux environs de 2 heures du matin, le dimanche 22 novembre 1970, le commandant Zoumanigui Kékoura, commandant la gendarmerie nationale, le général Noumandian Keita (*), chef d’état-major général de l’armée guinéenne, accompagnés de certains officiers, se précipitent au palais présidentiel. À leur vue, le président Sékou Touré, croyant à un coup d’État, perd son sang-froid et, levant les bras en l’air, leur dit en tremblant:

— Tuez-moi, mais ne me livrez pas au peuple. Ne me faites pas honte (en malinké : A LU KANA N’MALUYA!).

Les officiers répondent :

— Non Président, nous venons chercher les clés des magasins de munitions.

Plus tard, le général Noumandian racontera la scène à son vieil ami, le sage El Hadj Sinkoun Kaba, qui lui dira :

— Vous auriez dû improviser un coup d’État, l’arrêter. Vous avez eu tort, bien tort.

Et, une certaine tristesse dans les yeux, une certaine émotion dans la voix, il ajoutera :

—   Maintenant il vous tuera tous ! Il n’épargnera aucun de vous.

 

Effectivement, dès que le régime reprit le contrôle de la situation, Sékou Touré les fera tous arrêter et exécuter le 29 juillet 1971. Il renforça son système de dénonciations et de terreur, arrêtant, tuant, torturant et volant les biens des victimes.

Dès le 25 janvier 1971, soit 58 jours après le débarquement, plus d’une centaine de personnes seront exécutés par pendaison dans tout le territoire national. À Conakry, ce sont 4 hauts-fonctionnaires qui seront pendus sous le pont Tombo :Baldé Ousmane, Gouverneur de la Banque centrale, Barry Ibrahima, dit Barry III, un des artisans de l’indépendance et du Plan triennal, Keïta Kara Desoufiane, jeune commissaire de police dont le fils aîné sera arrêté par la suite et Magassouba Moriba, médecin, compagnon de l’indépendance et ministre. Pendant ces exécutions macabres, la foule fut incitée à se livrer à des actes d’un barbarisme déroutant en fouettant les cadavres et en les lacérant avec des bois aiguisés.

Durant cette horrible période de l’histoire de la Guinée, des hommes qui auraient pu jeter les fondements pour une Guinée viable et prospère ont payé de leur vie la folie homicide de Sékou Touré et de sa machine infernale sous des accusations les unes aussi fantaisistes que les autres. Parmi d’autres victimes on peut mentionner l’Allemand, Adolf Marx, directeur de l’unique brasserie de la Guinée, arrêté le 26 décembre 1970, Camara Sékou Ministre du commerce intérieur, ambassadeur à Pékin, ancien gouverneur de Siguiri, frère d’une autre victime, Mme Camara Loffo, membre pionnière du Bureau Politique national du Parti démocratique de Guinée (PDG), membre du gouvernement.

Dans son livre, Alpha Abdoulaye Diallo établit une longue liste de personnes qui ont été arrêtées, torturées, assassinées et les biens confisqués par la machine à tuer que fut le PDG. On peut consulter liste qui est très partielle sur le site du Mémorial du Camp Boiro. Pour les seules années 1970 et 1971, on y trouve 10 ministres, 8 ambassadeurs, 42 hauts fonctionnaires de l’état, 18 gouverneurs de région, 9 secrétaires fédéraux, 20 Officiers et sous-officiers (toutes armes confondues), 13 hommes d’affaires.

 

Dans son livre : Sékou Touré: Un totalitarisme africain, le rescapé du Camp Boiro, Maurice Jeanjean, décrit l’atmosphère que le dictateur instaura dans tout le pays après l’agression portugaise en ces termes:

 

Sékou Touré va alors passer, à la mi-1971, à un stade supérieur qui permettra d’étendre la sphère des coupables en confiant le soin de les découvrir aux différents échelons du Parti, et en dernier ressort au Peuple. On entre alors dans une phase de dénonciations sans fin orientées par le Comité révolutionnaire, qui permit à Sékou Touré d’éliminer d’autres cadres, mais aussi des milliers de citoyens ordinaires : ménagères, gargotières, paysans, plantons.

Ce n’était pas nécessaire de conduire une activité politique quelconque pour être considéré comme opposant ou bien comploteur. Même le fait d’avoir une belle épouse qu’un des membres du cercle restreint du dictateur convoitait, pouvait constituer une menace pour le mari. Massacrer la classe intellectuelle et les entrepreneurs donc, c’était détruire les bases du développement, au moment où la nation en avait tant besoin.

 

(*) Note : Le 21 avril 2016, Sidikiba Keita, fils de feu Keita Fodéba, a rapporté ce témoignage sur Noumandian Keita :

 

« J’ai personnellement entendu le vieux Elhadj Sinkoun KABA rapportant cette scène à mon grand-père qui était venu de Siguiri. Le comble est que le Général Noumandian entretenait un rapport filial avec Sekou TOURÉ, qui l’appelait «PAPA», et lui-même appelait Sékou «Mon fils”. Quelques décennies auparavant, séjournant à Banian (Faranah), il avait forcé l’inscription du jeune Sékou TOURÉ à l’école française, avec l’aide de Fodé MAREGA, le père du Dr MAREGA Bocar. Ce que ne raconte pas Porthos [Abdoulaye Diallo], c’est que suite à cette scène, le Général Noumandian s’était personnellement occupé de mettre «son fils» [Sékou Touré] à l’abri en ville, chez la vieille Marie COHEN, une condisciple de Houphouët-Boigny. C’est [de] cette cachette qu’il fera son adresse au Peuple.

Fait-il rappeler que le 2 Octobre 1970, Sékou TOURÉ annonçait l’imminence d’une agression impérialiste contre la Guinée. Malgré cela et très curieusement, au lieu de mettre les forces militaires en alerte, il séquestra l’arsenal militaire terrestre et aérien, et veilla à faire acheminer les prisonniers du PAIGC au camp Boiro, dans ce qui semblait [être] une véritable mise à disposition, dont profita largement et clairement l’armada portugaise qui leva l’ancre aussitôt les prisonniers du PAIGC récupérés. »

 

Abdoulaye Bah