chimpanzesDepuis près 20 ans, en Haute-Guinée un centre de conservation recueille les chimpanzés victimes du braconnage. On leur apprend à retrouver leur instinct. Un long travail pour que ces animaux en voie de disparition retrouvent la liberté.

A 4 heures de pistes de Faranah, en Haute Guinée, des vocalises de chimpanzés résonnent au cœur du parc national du Haut Niger. Au beau milieu de la brousse, ces grands primates ont trouvé refuge dans le sanctuaire de Somoria.

Aujourd'hui, le centre de conservation pour chimpanzés compte 52 pensionnaires. Leurs histoires sont toutes différentes, mais la trame de fond est souvent la même?: une mère tuée par des braconniers pour sa viande et un orphelin vendu comme animal de compagnie.

Peur de l'homme

En Asie ou sur la péninsule arabique, les prix peuvent monter jusqu'à plusieurs dizaines de milliers euros pour s'offrir un bébé chimpanzé. Une somme qui motive certains Guinéens à prendre un fusil et à braver la loi.

Certains singes échappent à ce trafic et se retrouvent ici, à l'abri. « Les petits arrivent avec l'envie de mourir, ils ne mangent plus, ils ont peur de l'homme. Ils se souviennent du coup de feu qui a tué leur mère et sont complètement traumatisés. Notre mission dans un premier temps est de les raccrocher à la vie », explique Élise Neveu, manager du centre.

Commence alors un long travail pour les reconstruire. Au quotidien, une vingtaine de personnes prend soin de ces singes?: des soigneurs guinéens et des volontaires venus d'Europe.

Kanda et Soumba font partie de ces rescapés du trafic de chimpanzés. Sauvés par les autorités, ils ont à peine un an et doivent tout apprendre seuls. Dans la nature, ils auraient été collés à leur mère 24 heures sur 24.

Alors à leur arrivée, deux volontaires du centre sont devenues « mamans de substitution » pour ces petits chimpanzés physiquement en bonne santé, mais psychologiquement très fragiles. Au-delà des biberons et des soins quotidiens, elles assurent une présence rassurante, jusqu'à dormir avec « leurs » bébés dans un premier temps. Ensuite, comme de vraies mères, elles deviennent des éducatrices.

Apprendre la vie dans la brousse

Aujourd'hui, c'est Julie, une volontaire rouennaise ici pendant 6 mois, qui passe l'après-midi en plein air avec les bébés. La brousse devient un grand terrain de jeu et d'apprentissage de la vie sauvage.

La forêt doit leur devenir familière. « Être une maman pour ces petits chimpanzés, ça demande une attention de tous les instants. Je dois les rassurer mais aussi leur apprendre ce qu'ils n'ont pas pu apprendre de leur mère dans la nature. »

Les chimpanzés sont des animaux sociaux. Pour grimper, se nourrir et pousser les bons cris aux bons moments, ils ont besoin d'un modèle.

Un rôle prenant, fatigant, mais qui porte ses fruits. En grandissant, les chimpanzés gagnent en autonomie et cherchent à s'affirmer. « Comme des adolescents humains », plaisante Christelle Colin, la directrice du centre, « Ils sont assez fascinants. Ils ont une capacité à nous faire oublier que ce sont des animaux. Chacun a sa personnalité, ce sont des individus à part entière. »

Une vraie rencontre a lieu entre les volontaires et les chimpanzés dont ils s'occupent. « En quelques mois, on crée une véritable relation avec eux, mais il ne faut jamais oublier que ce sont des animaux sauvages », explique Melissa, une volontaire venue de Loire-Atlantique.

Le relâcher dans la nature

Au fur et à mesure, les chimpanzés du centre sont « sevrés » de la présence humaine. Vers 8-10 ans, plus de sortie en brousse, mais une vie en groupe dans un enclos immense pour se rapprocher au mieux de l'objectif final?: le relâcher dans la nature.

Une étape que seul les plus aptes peuvent atteindre. Car la vie sauvage est plus dangereuse que la quotidien sécurisé du centre. Chaque jour, ils sont observés de près par les soigneurs qui décident qui peut faire le grand saut. « L'image du relâcher pour le grand public c'est l'ultime liberté. Mais il faut penser aussi qu'on envoie certainement quelques uns de ses singes vers du stress, et peut être vers la mort », explique le docteur Tatyana Humle, primatologue et conseillère scientifique du centre.

Il buvait de la bière

Certains chimpanzés ne seront jamais prêts, comme Coco, le plus ancien des singes du sanctuaire. Après 14 ans à vivre dans un hôtel de Conakry où il buvait de la bière et fumait des cigarettes pour amuser les clients, il est arrivé avec plusieurs plombs dans le corps. « Quand il est arrivé, il a eu peur des autres chimpanzés. Il était persuadé d'être un humain, et il a dû se dire « mais qu'est ce que c'est que ces petites bêtes poilues » », raconte Élise Neveu, la manager.

Coco est trop inadapté à la vie sauvage pour être relâcher. Il n'a jamais vécu en brousse, et est arrivé trop tard pour apprendre à se comporter comme un chimpanzé. Il ne sait pas vivre en groupe, ne connait pas les codes sociaux et il est incapable de trouver seul sa nourriture. « Il s'entend très bien avec les volontaires ici. Je pense qu'il n'est pas trop malheureux », relativise Élise.

Un seul relâcher

Jusqu'à présent, un seul relâcher a eu lieu. C'était en 2008, à quelques kilomètres du centre. Les chimpanzés terrorisés sont tous partis dans des directions différentes avant finalement de s'habituer à leur nouvelle vie.

Certains ont même intégré des groupes sauvages. « Un jour, les soigneurs ont vu passer des chimpanzés sauvages, explique Élise, l'un d'entre eux s'est retourné, c'était Zira, une de nos femelles. Elle les a regardés, elle ne s'est pas approchée et elle est partie avec sa nouvelle famille. »

Lire la suite sur http://www.ouest-france.fr