alpha_conde_5Le 19 avril dernier, une marche de l’opposition guinéenne a été empêchée par les forces de l’ordre, parce qu’interdite à la dernière minute.

Ce jour-là, les femmes de l’opposition voulaient battre le macadam pour dénoncer l’incarcération prolongée et sans jugement de leurs maris et enfants embastillés depuis plusieurs mois, et qu’elles considèrent comme une séquestration et une détention illégale. Elles ont été dispersées alors qu’elles tentaient de se regrouper au port de Conakry, point de départ prévu de leur marche qui devait se terminer devant le ministère de la Justice. Face à l’impressionnant dispositif sécuritaire qui a été déployé pour faire échec à la manifestation, les croquantes ont laissé éclater leur colère et ne sont pas passées par quatre chemins pour dénoncer « la dictature du régime guinéen » qui, selon elles, fait dans le déni de démocratie. Raison, entre autres, pour laquelle elles voulaient manifester pour « exiger la libération de tous les opposants » arbitrairement détenus. La question que l’on pourrait se poser est celle de savoir si le pouvoir guinéen avait vraiment besoin d’interdire cette marche. Il avait certainement ses raisons, mais l’on peut douter de l’opportunité d’une telle décision, d’autant plus que selon les indications sur l’itinéraire, la marche qui avait été préalablement autorisée devait se tenir tout au plus sur un rayon d’un kilomètre. Etait-il si difficile d’encadrer une telle manifestation ? Pourquoi alors un tel durcissement qui laisse entrevoir une certaine fébrilité de la part du pouvoir guinéen ? En tout cas, pour un pays qui revient de loin après les années de braise des présidents Sékou Touré et Lansana Conté, et la non moins rude parenthèse de Moussa Dadis Camara, l’on se demande si l’opposant historique Alpha Condé, devenu président, n’a pas oublié d’où il vient ; lui qui a passé plusieurs décennies de sa vie à lutter pour plus de démocratie et de liberté dans son pays. Après tout ce qu’ont fait ses prédécesseurs, Alpha Condé apparaissait, à beaucoup d’égards, comme l’espoir de la fin de la traversée du désert du peuple guinéen, en termes de liberté d’expression et de renforcement de la démocratie.

 

C’est en dictateur agrégé que le professeur Alpha Condé risque de terminer son règne

L’on pouvait donc s’attendre à un peu plus d’empathie de la part du président guinéen vis-à-vis de ses anciens camarades de lutte, pour avoir lui-même souffert le martyre quand il était dans l’opposition. Et ce, en ouvrant un espace de dialogue continu et constructif avec l’opposition, dans le but d’arrimer davantage son pays à la démocratie. Cela est d’autant plus nécessaire qu’il est constitutionnellement à son dernier mandat présidentiel. Au regard de cela, Alpha Condé devrait travailler à léguer à son successeur une Guinée plus unie et résolument engagée dans la voie du dialogue aussi bien social que politique. Au lieu de cela, l’on a le sentiment qu’Alpha Condé s’est laissé gagner par la maladie incurable des opposants historiques africains. Celle qui les pousse, une fois parvenus au pouvoir, à tomber dans les mêmes travers qu’ils dénonçaient quand ils étaient opposants, et qui ont pour noms restriction des espaces de liberté, répression violente des manifestations de l’opposition, etc. On l’a vu en Côte d’Ivoire avec Laurent Gbagbo qui se sera montré intraitable avec ses adversaires politiques jusqu’au bout. On l’a encore vu au Sénégal avec Abdoulaye Wade qui a failli se transformer en véritable monarque dans l’un des rares pays du continent très à cheval sur les principes et valeurs démocratiques. La suite, on la connaît. Mais comme on le dit, le pouvoir révèle l’homme. Surtout en politique où quand on change de camp, on change de principes. Pour en revenir à Alpha Condé, son attitude fait craindre pour la Guinée. Car, au lieu de mettre à profit son dernier mandat pour réconcilier les Guinéens, l’on a plutôt le sentiment qu’il se croit désormais tout permis pour se livrer à toutes sortes de lubies. C’est pourquoi il faut saluer le courage de ces femmes, sorties pour manifester. Car, quelle que soit la férocité d’une dictature, ce sont les femmes et les jeunes qui donnent souvent le ton en sonnant le tocsin. Il est temps pour le professeur Alpha Condé de se ressaisir, s’il veut se départir de l’image peu flatteuse d’apprenti-dictateur qui commence à lui coller à la peau. Autrement, c’est en dictateur agrégé qu’il risque de terminer son règne. Et ce serait une triste fin pour quelqu’un qui a consacré plus de la moitié de sa vie à défendre un idéal autrement plus noble.

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