diaspora_forestiereMes Frères et Soeurs,

L'année 2016 nous arrive avec de dures épreuves. Après la disparition physique de l’illustre Ghandi, c'est le doyen des politiciens de l'ère de la démocratisation de notre pays, qui vient de s'éteindre.

En effet, puisque c’est bien de lui qu’il s’agit, l’ancien Premier Ministre Jean Marie DORÉ a été rappelé à Dieu dans les premières heures de ce jour 29 Janvier 2016, aux environs de 2 heures du matin, heure de Conakry, des suites d'une longue maladie. Ainsi, une icône de la grande Guinée Forestière, un véritable baobab de la politique guinéenne tire sa révérence.

On se souviendra de ses interventions télévisées lors de la première campagne pluraliste de 1993 qui étaient attendues par tous les téléspectateurs, quittant les écrans dès qu'il finissait de parler. Cette remarque avait poussé les programmeurs de la RTG à mettre ses interventions à la fin des émissions pour ainsi forcer les téléspectateurs à suivre les autres candidats. Le paradoxe de notre pays où la politique reste un mystère, aura voulu que celui-là même qui faisait l'objet des débats sur les interventions, recevra seulement 3% des voix ! Cela, bien entendu, n'a pas arrêté l'homme dans sa course. Son chemin l'aura conduit au deuxième poste le plus prestigieux de l'Etat, Premier Ministre. Bien avant cela, il avait été une très haute personnalité du BIT à Genève pendant des années.

Que dire de l’homme, du frère, du conseiller, de l’ami, du patriarche qui a si profondément marqué notre pays ? Formé et pétri dans le creuset des réalités socio-politiques guinéennes, l’Honorable Jean Marie DORÉ, cette figure de proue incontournable dans le paysage politique guinéen en général, et celui de la Guinée Forestière en particulier, était l’illustration parfaite du politique rare qui s’est toujours courageusement affiché dans ses prises de position de nature à éviter les attitudes figées souvent porteuses de radicalisme aveugle.

A travers la pertinence avérée de ses prises de position, il s’est constamment interdit de camper sur des schémas stéréotypés à connotation purement idéologique, pour apporter des jugements de valeur pragmatique, pour ou contre l’action gouvernementale, pour ou contre l’attitude de l’opposition radicale, pour ou contre quiconque se trouvait à contrecourant de son sens élevé de logique implacable.

Au plan du comportement politique Jean Marie DORÉ a été souvent fustigé par les uns parce que certainement mal compris, et adulé par les autres parce que faisant preuve de prouesse et de vision lucide. En véritable patriarche politique, Jean Marie DORÉ a toujours récusé les théories idéologiques creuses pour mettre à profit les expériences diverses à sa portée et souvent porteuses de résultats probants pour le peuple et la communauté au service desquels il a consacré toute une vie et toute une carrière politique. Tout au long de sa vie extrêmement riche d’expériences intellectuelles et professionnelles et dans son approche originale adossée à une logique inexorable, il a toujours prôné dans son franc-parler et dans son éloquence hors pair, les vertus de la sociologie du peuple dans toutes ses démarches politiques. C’est ce sens aiguisé d’analyse pertinente dépassionnée, de pondération, de calcul patient approfondi, caractérisé par une appréciation dynamique et réaliste des problèmes, articulé sans perdre de vue l’intérêt ultime de son peuple et de sa communauté, que ce mastodonte politique nous laisse comme repère et référence idéologiques.

Insolemment brillant et doté d’une intelligence vive qui a défié l’usure de l’âge, Jean Marie DORÉ était surtout le symbole calomnié de l’objectivité centriste dans l’opposition politique, l’emblème de la ruse politicienne, qui ont forcé les admirations et catalysé ses différentes démarches entreprises pour la consécration et la consolidation de plusieurs projets politiques et communautaires qu’il abandonne malheureusement face à la cruauté du destin.

En fait, dans l’histoire politique de la Guinée postcoloniale, l’Honorable Jean-Marie DORÉ avait une vision pragmatique de la configuration du terrain politique de notre pays et des dynamiques qui le régissent. C’est cela qui lui aurait permis de comprendre que la politique est « la gestion du réel », comme il le disait souvent. D’une intelligence vive et avec une stratégie extraordinaire, Il a ainsi pu faire, défaire et refaire ses relations—sans se bruler les doigts, avec Sékou Touré, puis avec Lansana Conté ; et enfin avec Alpha Condé. Ce pragmatisme lui vaudra, malgré une base régionale approximative, de se hisser incontestablement sur la scène de la politique de la Guinée. C’est donc avec fondement que la presse Guinéenne l’a surnommé « Lapin Doré ».

La Guinée en général, la Guinée Forestière en particulier, l’UPG en l’occurrence et la famille Doré meurtrie, perdent en Jean Marie Doré, un fils, un leader charismatique clairvoyant, en parfaite harmonie avec la stratégie de consolidation politique en gestation avec les différentes formations politiques. Jean-Marie Doré entre, indéniablement, dans l’histoire de la Guinée, en général, et du Sud-est Guinée, en particulier, comme l’une des plus grandes intelligences politiques.

Au nom du CSDF, la mort dans l’âme, je voudrais présenter, à notre pays la Guinée, à la Guinée Forestière dont il est l’incarnation, à l’UPG et à la famille DORÉ éplorée à Bossou et partout ailleurs, l’expression de mes condoléances les plus émues et les plus attristées.

A toute la nation Guinéenne et à toute la communauté de la Guinée Forestière, je demanderais de nous joindre en communion de prière, afin que son âme repose en paix et que la terre guinéenne qu’il a si honorablement servi lui soit légère. Amen !

 

Dr. Germain Togba Gbèmou

Président du CSDF