alpha_conde_3Âgé aujourd’hui de 79 ans(a), M. Condé Alpha serait né, selon sa biographie officielle, à Boké, en Basse Guinée, d’un père originaire de l’ancienne Haute Volta (devenue le Burkina Faso en 1985) et d’une mère originaire de l’ancien Soudan (devenu le Mali en 1960). En vertu du droit du sol, il est de nationalité guinéenne. Mais, il n’a aucune attache familiale avec la Guinée profonde (ses deux parents sont des étrangers en Guinée) et il avait quitté la Guinée étant mineur pour n’y revenir que 60 ans plus tard comme Français et chef de parti.

Cette biographie comporte une fausse déclaration. En vérité, Condé Alpha est né à l’étranger, comme ses parents. Le document d’état civil qu’il a présenté, qui le fait naître à Boké et qui lui a permis de se présenter à la magistrature suprême en Guinée en 2010, a été élaboré alors qu’il était déjà adulte. Ce document a été élaboré en 1983 avec l’aide de son ex-ami Mohamed Sampil, mort mystérieusement le 14 Mai 2013, quelques mois seulement après son retour en Guinée (Paix à l’âme de ce valeureux compatriote).

Condé Alpha prétend aussi venir de Baro, dans la région de Kouroussa, où il a implanté une ferme, mais nul ne l’a connu enfant dans cette région et aucune propriété de ses parents ne s’y trouve. D’ailleurs, l’ancien premier ministre et président du PEDN, Lansana Kouyaté, l’a solennellement mis au défi de montrer la tombe de ses parents dans cette région, défi qu’il n’a jamais relevé. Et pour cause !

Lorsqu’il a déclaré être de Kankan quand il était étudiant à Paris, son actuel allié, Mansour Kaba, qui lui est natif de cette ville, l’avait formellement démenti (Kaba m’a fait cette confidence lors d’un séjour en 2010 à Bata en Guinée Equatoriale).

Du reste, le père de Condé Alpha est inhumé au Burkina Faso, son pays d’origine, et le premier geste qu’il a accompli après son investiture comme Président de la République de Guinée a été d’aller s’y recueillir. Et n’a-t-il pas promis, lors de cette investiture, qu’il allait partager les ressources de la Guinée avec le Burkina Faso ?

Il faudra attendre trois ans après son investiture en Décembre 2010 pour qu’il fasse une tournée à l’intérieur de la Guinée, à l’occasion de la campagne électorale des législatives de Septembre 2013, signe du peu d’intérêt qu’il éprouve pour la Guinée profonde et pour son soi-disant village d’origine.

Le père de Condé Alpha - qui était le cuisinier d’un administrateur colonial, qui l’a amené en Guinée lorsqu’il y a été affecté -, l’a confié jeune à un Français de ses connaissances. Celui-ci est parti avec l’adolescent (à l’âge de 15 ans) à Toulouse en France. Condé Alpha y a passé une jeunesse difficile et tourmentée, qui est à l’origine de tous ses problèmes psychologiques actuels. Les premières années de sa vie sont totalement obscures et il les a soigneusement cachées. Avant d’arriver en France - pays où il vivra durant plus de 40 ans avant de rentrer en Guinée en 1990 -, il avait grandi dans une ambiance familiale baignée dans une idéologie raciste anti-Peul(b). De fait, son père avait participé à la création de l’Union Mandingue, l’une des organisations politiques à base ethnique qui avaient été créées à l’époque coloniale. Au Fouta Djallon, l’Amicale Gilbert Vieillard exaltait l’ethnie peule quand, en Haute Guinée, l’Union Mandingue revendiquait la suprématie sur l’ensemble de la Guinée. Les mouvements revendicatifs fondés sur cette base ethnique professaient un ostracisme les uns à l’encontre des autres. C’est donc dans la prime enfance que Condé Alpha a été élevé dans la haine des Peuls.

C’est de son enfance maltraitée que vient la haine que Condé Alpha éprouve envers toute la société. Il deviendra un homme aigri, qui déteste les femmes (il ne vit pas avec son épouse officielle, qu’il n’a épousée que parce que la société guinéenne, à 80% musulmane, ne peut pas accepter à la magistrature suprême un célibataire) et qui va chercher à prendre sa revanche. Tout au long de sa vie, il va cristalliser sa haine à l’encontre des Peuls.

Devenu homme politique, il a élaboré une stratégie de conquête du pouvoir basée essentiellement sur l’ethnie malinké dont il se réclame (son père a troqué son vrai patronyme Koné typiquement burkinabè contre celui de Condé, très courant dans la région de Kouroussa, pour mieux s’assimiler à l’ethnie malinké).

Un événement historique va donner à Condé Alpha l’occasion de jouer à fond la carte ethnique dans sa conquête du pouvoir. Dans la nuit du 4 au 5 juillet 1985, le premier ministre guinéen de l’époque, le colonel Diarra Traoré, tente un coup de force pour renverser son compagnon d’armes et président de la République, le colonel Lansana Conté, parti assister à une conférence de la CEDEAO à Lomé au Togo. La tentative de coup d’Etat échoue. Des jeunes loubards de la Basse Guinée (région d’origine du président Lansana Conté) se livrent à des attaques contre des Malinkés (ethnie du colonel Diarra Traoré) dans la capitale, Conakry : l’ampleur des dégâts matériels et le nombre des blessés n’ont pas, à ce jour, été évalués. A cela s’ajoutera l’exécution sommaire de 25 officiers et soldats malinkés, ainsi que celle de certains dignitaires malinkés du régime de Sékou Touré arrêtés lors du coup d’Etat militaire intervenu l’année précédente, une semaine après la mort de ce dernier.

Rentré de Lomé, le colonel Lansana Conté est élevé au rang de général de corps d’armée par les officiers qui ont fait échouer le coup d’Etat. Ces officiers sont principalement des Peuls : l’ex-capitaine rendu à la vie civile Thiana Diallo (petit fils de l’illustre Alpha Yaya), le commandant Sow de Dalaba et le capitaine Baldé de Tougué. Ces deux derniers seront progressivement écartés de la scène politique, comme il sied historiquement à tout faiseur de roi.

Le président Lansana Conté commet alors une monumentale erreur politique. Au cours d’un meeting public, s’adressant à ses partisans qui ont agressé les Malinkés, il déclare : « Wo fataara ! » (« Vous avez bien fait »). Les Malinkés ne le lui pardonneront jamais.

C’est une opportunité que Condé Alpha saisit pour se présenter comme le défenseur des Malinkés face au pouvoir « soussou » de Lansana Conté. Puisqu’il est le héraut de la cause malinké, il va donc revendiquer abusivement le vote malinké - le vote ethnique étant fort malheureusement la maladie infantile de la démocratie en Afrique.

Lors de l’élection présidentielle de 1993, Condé Alpha déclare à Kankan, la capitale du pays malinké : « Tout Malinké qui vote pour Lansana Conté est un bâtard ». Ultime défi à la conscience des Malinkés, qui attaquent des familles et détruisent en Haute Guinée les biens des cadres malinkés du PUP, le parti de Lansana Conté. C’est à cause de cela que tous les leaders politiques malinkés (notamment Lansana Kouyaté et Louncény Fall) se sentiront obligés de rallier Condé Alpha au second tour de l’élection présidentielle de 2010.

Condé Alpha se proclame dès lors « le vaillant guerrier » qui va rendre aux Malinkés le pouvoir qu’ils auraient perdu, selon lui, à la mort en 1984 de Sékou Touré, qui avait assuré la suprématie malinké sur la Guinée (à sa mort le 26 Mars 1984, la quasi-totalité du Gouvernement était composée des membres de sa propre famille et de celle de sa femme).

A partir de l’année 1985, Condé Alpha fait du « wo fataara » du président Lansana Conté son fonds de commerce politique. Les Malinkés, poussés à la haine ethnique, se mobilisent massivement derrière lui, qui se présente comme leur sauveur. Comme un seul homme, ils le suivent sans rien lui demander en reste ni lui demander aucun compte.

La haine que Condé Alpha voue aux Peuls, il l’a cultivée tout au long de sa carrière politique, depuis qu’il a milité au sein de l’AEGF, l’Association des étudiants guinéens en France, et de la FEANF, la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France. Cette haine était nourrie, à l’époque, par la jalousie qu’il éprouvait à l’égard des intellectuels peuls - notamment de l’homme qu’il a toujours considéré comme son plus grand rival, Siradiou Diallo, ancien président de l’UGEAO, l’Union générale des étudiants d’Afrique noire, basée à Dakar, et ancien président de l’UED, l’Union des étudiants de Dakar -, plus brillants que lui et qui, eux, avaient une solide formation intellectuelle et n’avaient pas besoin de se parer de faux titres universitaires.

Condé Alpha, qui s’attribue le titre usurpé de « professeur » (on l’appelle ironiquement le « pro-faussaire »), titre qui ne lui est pas reconnu par les universités françaises dont il se réclame, n’a pas la formation requise pour écrire un livre d’analyse politique comme celui qu’il revendique sous le titre de « Guinée : Albanie de l’Afrique ou néo-colonie américaine », publié en 1972 à Paris. En réalité, ce livre est une recension des écrits laissés par le grand militant guinéen Baldé Samba, ancien président lui aussi de l’Union des étudiants de Dakar, mort dans des circonstances non élucidées lors des révoltes étudiantes de 1968 dans la capitale sénégalaise (nous nous promettons de réhabiliter un jour ce grand militant de la cause africaine et d’éclaircir les circonstances de sa mort, dans lesquelles les autorités sénégalaises de l’époque seraient impliquées). La seule marque personnelle de Condé Alpha dans ce livre est la haine des Peuls qu’il y manifeste dans certains des chapitres.

Du reste, en France, on peut se donner le titre qu’on veut, quitte à se mettre en délicatesse avec la loi. C’est le cas de Rachida Dati, une ancienne ministre de l’ex-Président Nicolas Sarkozy, qui s’était donné des titres universitaires en droit, sur son CV officiel, qu’elle n’avait jamais obtenus. Sarkozy lui-même avait dissimulé le fait qu’il avait échoué à Sciences-Po pour insuffisance de notes.

Mais il y a loin du statut d’assistant à l’université (celui de Condé Alpha) à celui de professeur qu’il s’attribue aujourd’hui. Il y a toutes les étapes suivantes qu’il a escamotées : maître de conférences, agrégation en droit (discipline dans laquelle il se revendique professeur), chef de chaire, et les nombreuses années durant lesquelles il faut enseigner souverainement, et publier des articles scientifiques, avant d’accéder au titre prestigieux de professeur (en fin de carrière). Qui peut nous présenter une seule contribution scientifique de Condé Alpha, ce médiocre professeur d’opérette ? En France, cet usurpateur de titre universitaire peut être poursuivi pour faux et usage de faux. Du reste, il n’y a qu’en Guinée où ce titre lui est officiellement reconnu. Nulle part à l’étranger, il n’est qualifié de professeur.

Après la mort de Baldé Samba, c’est l’éminent universitaire de gauche, le professeur Alpha Ibrahima Sow (un vrai professeur, celui-là), historien, linguiste et homme politique de grand talent, à l’époque professeur à la célèbre école des Langues orientales de Paris, plus connue sous le nom de Langues-O, qui a tenu la main et la plume de Condé Alpha pendant plusieurs décennies. Tout ce que Condé Alpha a signé de son nom a été en réalité écrit par le professeur Alpha Ibrahima Sow. Et depuis la disparition de celui-ci le 25 Janvier 2005 (il nous manque aujourd’hui cruellement), Condé Alpha n’a plus rien publié, si ce n’est un livre d’entretiens dans lequel quelqu’un d’autre lui a encore tenu la main.

C’est bien la marque des politiciens médiocres de parvenir au pouvoir par le mensonge, la tromperie, l’habileté manœuvrière et l’usurpation et qui, une fois arrivés à leurs fins, deviennent des dictateurs monstrueux, cyniques, haineux et d’impitoyables sanguinaires. Condé Alpha compte déjà à son passif plusieurs centaines de morts. Le Parti Démocratique Sénégalais (PDS) de l’ancien président Abdoulaye Wade a bien raison de dire que c’est « un goujat parvenu au pouvoir par un tour de passe-passe que seuls les Occidentaux pouvaient imaginer ».

Depuis son accession au pouvoir, Condé Alpha ne cesse de s’en prendre aux Peuls, de les persécuter, de chasser leurs cadres de la fonction publique et de les réprimer sauvagement, comme nous allons le montrer dans un prochain document.

Alpha Sidoux Barry

 

  1. (a) Ce texte est inspiré du document « Alerte rouge sur la préparation du génocide contre les Peuls et le projet de guerre civile en Moyenne Guinée lancé par le président Condé», dossier signé le 13 Septembre 2013 par un collectif composé comme suit : Alpha Sidoux Barry, économiste, journaliste professionnel et essayiste ; Ibrahima Kylé Diallo, diplômé de Sciences-Po Paris ; Sadio Barry, ingénieur informaticien, en Allemagne ; Lamarana Petty Diallo, professeur de Lettres-Histoire ; Saliou Bah, diplômé en philosophie et enseignant, aux Etats-Unis.
  2. (b) Le terme Peul est un terme que les colonisateurs français ont emprunté à la langue ouolof du Sénégal, qu’ils ont francisé, et qui désigne les ressortissants du Fouta Djallon. Les Peuls se désignent eux-mêmes par le terme Poullo (au singulier) et Foulbhè (au pluriel). A noter que le terme Peul s’écrit quelquefois Peulh (avec un « »). Au Cameroun, par convention, on adopte le terme Foulbhè pour désigner les Peuls, au singulier comme au pluriel (un Foulbhè, des Foulbhè). Je recommande vivement que cette pratique soit étendue à la Guinée (pour abolir ce mot horrible de Peul).