alpha_conde_6Le président de la Guinée, Alpha Condé a achevé hier, dimanche 9 août, une visite de trois jours au Sénégal. La brouille, née de la fermeture de la frontière sénégalaise l’année dernière lors de l’épidémie d’Ebola, fait désormais partie du passé et les deux pays se sont accordés sur deux accords, l'un énergétique et l'autre sécuritaire. En marge de sa visite, Alpha Condé est revenu sur sa rencontre avec Macky Sall et sur l’élection présidentielle d’octobre, au micro de Fabien Offner.

 

RFI : L’année dernière, au plus fort de l’épidémie d’Ebola, le Sénégal avait fermé ses frontières. Vous aviez alors exprimé publiquement votre indignation. Est-ce que la page est tournée à ce sujet avec votre homologue sénégalais ?

 

Alpha Condé : Non seulement la page est tournée, mais les relations n’ont jamais été aussi bonnes depuis le président Abdou Diouf. Enfin, en tout cas, les relations n’ont jamais été aussi bonnes entre le chef d’Etat de Guinée et du Sénégal comme maintenant. Et des gens vont le voir, parce que nous allons avoir beaucoup de demandes de collaboration de concert. On a fait venir le président de Guinée-Bissau ensemble, on est en train de discuter avec lui pour éviter une crise endémique. Nous sommes donc vraiment dans l’harmonie totale entre le président Macky et moi.

 

Avec votre homologue Macky Sall, vous avez placé la sécurité au rang numéro un des priorités. Cela a-t-il donné lieu à des choses intéressantes entre vos deux pays ?

 

Nous avons décidé de renforcer la vigilance, de faire des patrouilles communes à nos frontières, d’échanger des informations et nous allons même faire un accord de coopération militaire. Nos services sont en train de travailler là-dessus. Avec ce qui se passe au Mali et le fait que les choses arrivent de plus en plus vers le centre et le sud Nos pays sont menacés. Donc c’est réellement important que nous renforcions notre coopération au niveau militaire.

 

Est-ce que Macky Sall a écouté d’une oreille attentive votre proposition de discuter de la nécessité d’interdire ou pas le voile intégral ?

 

Nous en avons discuté, nous sommes tous inquiets. Mais nous avons estimé que peut-être il est important de porter le problème devant la Cédéao parce que tous les pays de la Cédéao sont concernés. Donc Macky Sall en tant que président en exercice de la Cédéao va consulter les autres chefs d’Etat pour qu’on prenne une décision commune.

Mais c’est évident que c’est un souci.

 

Quelqu’un qui a la burqa peut être un homme ou une femme et peut cacher un kalachnikov et tirer sur vous. C’est évident que c’est un danger pour nous tous, mais il est bien que la décision soit prise au niveau de la Cédéao.

 

Vous êtes à deux mois des élections présidentielles. L’opposition a annoncé il y a quelques jours qu’elle allait reprendre les manifestations pour protester contre les blocages persistants autour de l’organisation de ce scrutin. Un compromis est-il encore possible au sujet de la Commission électorale nationale indépendante (Céni), et des délégations spéciales notamment ?

 

Au niveau de la Céni, elle a été mise en place par une loi organique. Seule une loi organique uniquement peut modifier une loi au niveau de la Céni. Ça, c’est une évidence. Les lois en ce qui concerne les délégations spéciales, il y a en 28. La majorité a proposé que l’opposition en ait 14. Après cela, elle a demandé que ça s’étende à d’autres. On va regarder si ça continue.

 

L’accord qui a été fait, que l’opposition n’a pas signé, elle a été signée par la majorité, par et par le représentant des Nations unies, et de la Cédéao et les principaux ambassadeurs en Guinée. Les discussions continuent. Je souhaite que l’élection soit libre, démocratique, transparente et inclusive, mais chacun doit faire un effort parce que les concessions ne sont pas unilatérales. Chacun doit faire des concessions, la majorité et l’opposition. Je les encourage à cela.

 

Le point de désaccord important, c’est la question du fichier électoral. L’opposition dénonce les chiffres de la Céni, qui montrent que le nombre de nouveaux électeurs inscrits est plus important dans la région de Kankan qui est votre fief électoral que dans n’importe quelle autre région. C’est une simple coïncidence ?

 

Tout le monde sait, lorsqu’il y a eu le recensement national que la population en Haute-Guinée et en forêt à Abuko a augmenté. La question du fichier est très simple. Il y a eu un accord commun pour mettre en place une commission, composée de l’opposition, de la majorité et des observateurs internationaux. Avec le fichier mis en place par la Gemalto [société française qui a remporté le contrat sur le fichier des électeurs en Guinée], il est simple de voir s’il y a une double inscription. Si cela est le cas, automatiquement vous êtes rejeté. Donc il y a une commission qui a été mise en place, parce que le débat sur le faux fichier est faux débat.

 

Et si aucun accord n’est trouvé sur ces trois points sensibles. Est-ce qu’une élection sans l’opposition est envisageable de votre point de vue ?

 

La Constitution guinéenne exige impérativement que l’élection ait lieu à une date prévue. Sinon, il n’y a plus de pouvoir. Donc l’élection aura lieu. J’espère que tout le monde ira aux élections, mais les élections auront lieu le 11 octobre.

 

Au sujet du scrutin du 11 octobre, n’ya-t-il pas de raisons particulières de s’inquiéter d’élections en Guinée qui va se passer en même temps qu’en Côte d’Ivoire et qu’au Burkina Faso ?

 

Ça se passera très bien parce que le peuple guinéen veut des élections paisibles et je ne crois pas du tout que les Guinéens accepteraient aujourd’hui qu’il y ait la pagaille dans les rues. Donc je suis très confiant. Vous avez vu ici la communion des Guinéens, toutes ethnies confondues. Les gens commencent à comprendre que la manipulation ne pourra plus continuer. Les gens ne seront plus prisonniers.

 

Les gens l’ont compris. Vous avez vu ici, tous les Guinéens étaient unis. Il n’y a pas de Peuls, il n’y a pas de Maninkas il n’y a pas de Soussous. Vous avez entendu les déclarations des gens. Ils comprennent que la manipulation des hommes politiques doit cesser. Donc je n’ai aucune inquiétude et la Guinée ira aux élections dans la tranquillité et la paix.

 

L’autre actualité, c’est Moussa Dadis Camara en Guinée. le chef de l’opposition Cellou Dalein Diallo a-t-il perdu son âme en s’alliant avec Moussa Dadis Camara, comme l’a déclaré le chef du groupe parlementaire de votre parti ?

 

Je ne ferai pas de commentaires. Ce qui m’intéresse, c’est de m’occuper de l’avenir du peuple de Guinée. Je ne vois pas de commentaires sur l’action des hommes politiques.

 

Moussa Dadis Camara, c’est un sujet que vous n’abordez jamais ?

 

J’ai dit que je ne ferai pas de commentaires sur cette question. Ce qui m’intéresse, c’est de faire avancer la Guinée.

 

RFI