cellou_dalein_diallo_2Le principal opposant guinéen, Cellou Dalein Diallo, a été désigné samedi candidat à la présidentielle d'octobre par son parti, après avoir noué une alliance controversée avec l'ex-chef de la junte, Moussa Dadis Camara, inculpé pour le massacre d'opposants en 2009 à Conakry.

"En me plébiscitant comme président du parti et candidat à la présidence de la République, vous exhortez tous les Guinéens à me faire aussi confiance pour changer le cours de notre histoire", a déclaré M. Diallo, chef de l'Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), à la clôture d'un congrès de trois jours dans la capitale.

"L'avenir, c'est ici", "Cellou Dalein président", clamaient des banderoles dans la salle où avaient pris place des militants vêtus de T-shirts aux couleurs vert et blanc de l'UFDG.

Devant les quelque 1.200 congressistes, le candidat malheureux de la présidentielle de 2010 s'en est pris au président Alpha Condé, l'accusant d'avoir instrumentalisé la question ethnique, dans un pays où divisions politiques et clivages communautaires se recoupent largement.

"Alpha Condé a choisi la voie de la division, celle qui lui a réussi en 2010. Contre sa politique de segmentation de la société, de manipulation des communautés en les dressant les unes contre les autres, il faut opposer la force du rassemblement", a lancé l'ex-Premier ministre.

Face à M. Diallo, qui bénéficie d'un fort soutien parmi les Peuls, M. Condé, soutenu massivement par les Malinké, avait remporté la présidentielle avec 52,5% des voix. Il est le premier président démocratiquement élu de cette ex-colonie française indépendante depuis 1958, jusqu'alors dirigée par des dictateurs.

Le premier tour de la présidentielle est prévu le 11 octobre, mais le dialogue entre pouvoir et opposition est suspendu depuis plusieurs semaines en raison de divergences sur l'organisation des élections.

Le gouvernement tient à ce que les élections communales aient lieu après la présidentielle. Mais, les exécutifs communaux provisoires ayant été désignés par le pouvoir (faute de scrutin à cet échelon depuis 2005), l'opposition l'accuse de vouloir orchestrer par ce biais des fraudes lors du scrutin du 11 octobre.

Le gouvernement rejette fermement ces accusations et a engagé un dialogue avec l'opposition qui a abouti en juin à l'annulation sine die de la date de mars 2016 pour les communales.

L'opposition exige aussi une réforme de la commission électorale et un audit du fichier électoral.

Pour mettre la pression sur le pouvoir, elle a organisé depuis avril une série de manifestations. Les heurts entre protestataires et forces de l'ordre ont fait plusieurs tués et des dizaines de blessés.

 

- Alliance surprise - 

 

Samedi, M. Diallo n'a pas fait allusion à l'alliance électorale surprise qu'il a scellée en juin avec l'ex-chef de la junte Moussa Dadis Camara. Critiquée par certains tant le souvenir du drame de 2009 reste vif, cette alliance prévoit un accord de désistement au second tour.

Le capitaine Camara, au pouvoir en 2008-2009, a annoncé en mai son intention de se présenter à la présidentielle.

En exil au Burkina Faso depuis 2010, il a été inculpé le 8 juillet à Ouagadougou pour "complicité d'assassinats, séquestrations, viols, coups et blessures" par des magistrats guinéens enquêtant sur le massacre d'au moins 157 opposants, dont de nombreux partisans de l'UFDG, le 28 septembre 2009.

Après cette inculpation, M. Diallo, qui faisait partie des blessés lors de ces violences, avait dénoncé une "instrumentalisation de la justice à des fins politiques".

De son côté, Moussa Dadis Camara a nié son implication dans le massacre mais a reconnu une "responsabilité morale" en tant que chef de l'Etat et commandant en chef des armées au moment des faits.

Le 28 septembre 2009, les forces de défense et de sécurité avaient battu, poignardé et tué par balles des opposants qui s'étaient rassemblés dans le plus grand stade de Conakry pour réclamer que le capitaine Camara ne se présente pas à la présidentielle.

Selon des observateurs, Cellou Dalein Diallo cherche, par son alliance avec Moussa Dadis Camara, un Guerzé de la Guinée forestière, à se gagner le soutien des populations de cette région où l'ex-leader de la junte est réputé garder de l'influence. 

La Guinée recèle d'immenses richesses minières, dont l'or, la bauxite et le fer, mais la majorité de la population vit dans la pauvreté.

 

AFP