alpha_conde_presseBien souvent considérés comme des espions, des terroristes ou des traîtres à la Nation, les journalistes sur le continent africain font l’objet d’intimidations rarement réprimées, de menaces physiques ou judiciaires, visant à les décourager d’enquêter sur les questions qui dérangent. Bien à l’abri derrière une justice peu indépendante ou des services de sécurité en charge de maintenir la pression sur ces journalistes qui ne rentrent pas dans les rangs, les chefs d’Etat n’hésitent pas à clamer leur amour indéfectible pour la liberté de la presse et la démocratie. Mais, de temps en temps, le vernis craque…

Ainsi, en 2011, le président gambien Yayah Jammeh se fend de cette sortie à propos des journalistes : "Les journalistes représentent moins d’1% de la population alors si vous vous attendez à ce que je leur permette de détruire 99% de la population, vous êtes au mauvais endroit". Et de poursuivre "Je n’ai pas d’opposition, nous avons des personnes qui détestent le pays et je ne travaillerai pas avec eux".

Investigation journalistique et opposition politique se trouvent très souvent associés et confondus. S’il existe évidemment une presse politisée en Afrique, le simple fait de demander des comptes au gouvernement ou de soulever les difficultés auxquelles la population fait face revient à "haïr son pays et les autorités en place".

Sous des cieux peut-être plus cléments mais non moins irrespectueux, les journalistes (et ceux qui les défendent) sont balayés d’un revers de main. Les journalistesfont n’importe quoi, (...) Ils peuvent écrire ce qu’ils veulent, cela n’a aucune importance. Je ne lis aucun journal, je ne vais pas sur Internet et je n’écoute pas les radios", déclare le président guinéen Alpha Condé en novembre 2014. Et d’ajouter à propos de RSF :Je m’en fous (sic) de ce que Reporters sans frontières va écrire (...). Ce n’est pas eux qui dirigent la Guinée. Moi, je n’ai aucune crainte des lois internationales ou des droits de l’homme (...). Chacun va respecter la loi en Guinée. Si les journalistes ne suscitent qu’indifférence du pouvoir, on peut légitimement se demander alors pourquoi la Haute autorité de la communication guinéenne a décidé d’interdire les émissions de débat en direct, ou de limiter les revues de presse dans les médias nationaux à l’approche des échéances électorales ?

Afficher un profond mépris pour les journalistes et leurs questions “idiotes”, telle est également la stratégie du chef d’Etat zimbabwéen. Au sommet de l’Union africaine au Caire en 2010, le service de sécurité de Robert Mugabe malmène un journaliste britannique qui lui avait demandé sur quelles bases il se considérait président. Protestant contre la réaction musclée des gardes du corps, le journaliste se défend : "Vous n’allez pas me battre devant les caméras ?" "Alors arrêtez de poser des questions stupides ! Vous êtes un idiot", lui rétorque le président ulcéré. De même, en avril 2015, quand Robert Mugabe balaye de la main les questions d’un journaliste déclarant d’un air agacé : "Je n’ai pas envie de voir une tête de blanc". Si le président n’aime pas voir les journalistes “effrontés”, il n’aime pas non plus s’exposer devant eux. En février 2015, ses services de sécurité ont contraint plusieurs journalistes à effacer les photos qu’ils avaient prises d’une chute du président zimbabwéen à la sortie de l’aéroport d’Harare. Quand on essaie de donner l’image d’un président indestructible à plus de 90 ans, les regards extérieurs dérangent.

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