president_upr2Insultés, violentés, excommuniés, tous les Peuls qui avaient eu la mauvaise idée de s’approcher de l’impondérable Dadis Camara. Le chef du CNDD symbolisait le mal absolu pour la majorité des guinéens et plus particulièrement les Peuls. Pour ces derniers, Dadis Camara constituait une menace existentielle dont il fallait s’éloigner le plus loin que possible.

Ce désamour était lié à plusieurs éléments. D’abord, la visite de Dadis au Fouta qui a été perçue comme une défiance à l’égard de tous les fils du terroir. Ensuite, les audits orientés contre les hommes d’affaires Peuls, qui se faisaient nuitamment convoquer au camp militaire. Ces audits avaient fini par convaincre beaucoup que Dadis était contre le bien-être des Peuls. Et puis, le drame du 28 septembre 2009 où la majorité des victimes étaient des Peuls et l’essentiel des femmes violées -dont les images avaient fait le tour du monde- étaient également Peuls. Avec ce dernier drame, Dadis Camara et la communauté Peul semblaient irréconciliables pour l’éternité.

Irréconciliables? C’était en 2009 mais pas en 2015. En tout cas, c’est l’avis du président de l‘UFDG, Cellou Dalein Diallo qui envisage de nouer une alliance politique avec Dadis Camara. Pour lui, l’heure du pardon a sonné même si toute la vérité n’est pas dite sur les odieux crimes durant le règne du CNDD.

Etonnamment, la décision de Cellou n’a pas provoqué un tollé général. Seulement quelques personnes ont exprimé leurs désapprobations. Et pourtant, si on se rappelle du lynchage médiatique dont avaient fait l’objet certains fils du Fouta, on ne peut s’empêcher d’y voir une indignation sélective. Parmi ces fils, on peut citer les deux les plus célèbres : Elhdj Bocar Biro Diallo, l’ancien président de l’Assemblée et Bah Ousmane, le président de l’UPR.

Elhdj Bocar Biro Diallo avait eu la «lumineuse » idée de déclarer « Moussa Dadis Camara est le moïse des Guinéens». Quant à Bah Ousmane, il avait commis le « crime » d’accompagner Dadis au Fouta le samedi 26 septembre 2009. Manque de bol pour Bah, deux jours plus tard, lundi 28 septembre, le drame se produisait au stade de Conakry. Depuis 2009, MM Diallo et Bah seront associés, à tort et pour toujours, à ces crimes alors qu’ils n’occupaient aucun poste de responsabilité. A leur corps défendant, ils portent encore, en eux, une stigmatisation liée à l’image négative de Dadis Camara.

Six ans plus tard, celui qui avait tiré le plus grand crédit politique sur ces drames se résout à conclure une alliance avec celui que l’on présentait comme le diable incarné. L’alliance entre Dalein et Dadis surprend et désoriente même les plus lucides.

Le plus étrange dans tout ça est le silence des autoproclamés défenseurs de la «Cause Peul» qui s’étaient déchainés contre les « Peuls traitres». Où sont-ils ces donneurs de leçons? Ils gardent un silence assourdissant au tour de la surprenante alliance Dadis-Dalein. Qu’ils sortent de leur torpeur pour répondre à cette lancinante question : Quelle est la différence entre une alliance avec Dadis signée en 2009 et celle conclue en 2015?

On est tenté de dire qu’il n’y en a pas. Ou même, on pourrait d’ailleurs croire qu’une alliance avec Dadis avant le 28 septembre 2009 serait moins infâme que celle d’après. On peut aussi penser que Elhdj Bocar Biro Diallo et Bah Ousmane n’avaient pas complètement tort, politiquement, dans leur alliance avec Dadis. Puisque Cellou Dalein vient de le faire six ans plus tard. Sinon, pourquoi l’a-t-il fait?

Finalement, les torts d’Elhdj Bocar Biro Diallo et Bah Ousmane étaient d’avoir raison avant tout le monde. Un proverbe peul dit « Au royaume des borgnes, il faut savoir fermer un œil pour ne pas qu’on t’en perce un.» Il faudra y penser la prochaine fois.

Aliou Diallo pour www.guinee58.com