barack_obama2Même ceux qui suivent Barack Obama depuis toujours ont eu les larmes aux yeux. D’autres se sont retrouvés à court de mots. La « grâce » : c’était le thème de l’éloge funèbre prononcé par le président américain vendredi 26 juin à Charleston, en mémoire de Clementa Pinckney, le pasteur assassiné avec huit fidèles alors qu’il avait ouvert la porte de son église à un jeune Blanc, confiant dans « la lumière de l’amour », comme l’a dit M. Obama.

 

Personne ne se souvient d’avoir vu un président se hasarder à chanter dans une cérémonie officielle. Personne ne s’attendait à ce Barack Obama laisse tomber son texte à la fin de son intervention, et, après un long moment de silence, comme s’il rassemblait ses forces ou son inspiration, ne commence à entonner ce qui est un chant hautement symbolique dans les Eglises noires : « Amazing Grace », un texte de 1779 attribuée au clergyman anglais et esclavagiste repenti John Newton.

Dans le grand hall de l’université de Charleston, les 5 000 participants massés dans les gradins n’ont pas compris tout de suite l’invitation à ce moment de communion. Derrière l’orateur, les religieux en soutane violette de la congrégation méthodiste ont souri, presque amusés, devant pareille audace. L’organiste a mis un moment à décider quelle contenance adopter face à cette entorse au protocole, et il lui a fallu un bon moment encore pour trouver la note juste. Mais Barack Obama ne s‘est pas contenté des premières mesures. Il a poursuivi, sa voix s’est élevée, généreuse, et l’assistance, debout, s’est laissé entraîner par la ferveur : « J’étais perdu mais je suis retrouvé. J’étais aveugle, maintenant je vois ».

 

« Oppression systémique »

Ce n’était pas la première fois que Barack Obama console le pays à la suite d’une tuerie de masse. Après l’attentat contre la représentante Gabrielle Giffords à Tucson, dans l’Arizona, après le massacre de l’école de Sandy Hook, dans le Connecticut, le président s’était rendu sur les lieux pour conforter les familles et appeler à une réglementation renforcée des armes à feu — ce qu’il a fait cette fois encore en appelant le pays à ouvrir enfin les yeux sur « cette unique catastrophe que la violence par arme à feu inflige » aux Etats-Unis.

Mais dans cette salle de sports convertie en église noire — « endroit où notre dignité en tant que peuple est inviolable », interrompu par les « amen » et « yes sir ! », qui ponctuent les messes dans les congrégations afro-américaines, il a surtout trouvé les accents d’un pasteur, celui de la nation. Et un pasteur noir. « Depuis trop longtemps, nous sommes restés aveugles à la manière dont les injustices du passé continuent à influencer le présent ».

 

Comme débarrassé de la réserve à laquelle il s’est astreint depuis son élection, Barack Obama a donné à la communauté noire les signes d’empathie qu’elle attend depuis longtemps. Il a évoqué « l’oppression systémique » des Afro-américains, les divisions qui remontent à l’esclavage, le « péché originel de notre nation ». Et le drapeau confédéré, qui commence seulement à être contesté dans les Etats du sud. « C’est vrai. Ce n’est pas un drapeau qui a causé ces meurtres, a-t-il dit. Mais il a toujours représenté plus que la fierté ancestrale » : un symbole de la « soumission raciale» . Faire disparaître ce drapeau, c’est se conformer à « la grâce de Dieu », a-t-il estimé.

Barack Obama a conclu avec les répétitions qui marquent ses grands discours. Crescendo, il a décliné chacun des noms des neuf victimes, devant le cercueil du pasteur, couvert de roses rouges. « Clemanta Pinckney a trouvé cette grâce... Sharonda Singleton a trouvé cette grâce... Tywanza Sanders a trouvé cette grâce... ». «Que Dieu continue à accorder sa grâce aux Etats-Unis d’Amérique », a-t-il souhaité, en soulignant d’une pause le mot « Unis ».

 

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