cellou_dadisComme toujours des publicistes (au sens vieux du terme) et des moralistes en miniature font florès en Guinée et ailleurs sur le sujet qu'ils appellent une alliance contre nature. A leurs yeux, est contre nature, tout ce qui ne peut pas leur grattouiller le bas ventre. Pas plus que ça. A creuser un peu, ces moralistes qui ne croient en aucune morale, ne savent pas ce qu'est une éthique dans une vie d'homme mais tentent d'en parler quand même en se répandant périodiquement comme des tisserins pour faire entendre ce qu'ils imaginent être un message ; à tous ceux qui se jugent voltigeurs de la politique guinéenne, on a envie de leur dire qu'ils ne sont pas crédibles. Pas crédibles ?... Ils s'en foutent car ce mot ne chatouille guère leur morale, ce qui compte c'est qu'ils se considèrent comme des messagers. Messagers qui sont, à vrai dire, des marchands de pacotille à clientèles de pacotille. De quoi s'agit-il, ici ?

 

Cellou Dalein Diallo de l'UFDG et Moussa Dadis Camara du FPDD, toujours en exil forcé au Burkina Faso se sont rencontrés pour nouer une alliance pour la prochaine élection présidentielle guinéenne en octobre 2015. Et voilà nos gardiens des vertus républicaines réveillés de leur somnolence habituelle pour crier à l'imposture du dirigeant de l'UFDG de pactiser avec le Diable en personne. Le Diable en personne ? C'est dans ce contexte, Moussa Dadis Camara. Et si c'était Alpha Condé que Dadis avait choisi pour faire équipe, qui n'entendrait pas à l'endroit où il se trouve, nos angelots le couvrir de bénédictions qu'ils croient fermement être acceptées du Très-Haut, pour cette position hautement patriotique ? Là, ils auraient fait « l'effort » d'oublier que planent toujours sur Dadis les soupçons de sa responsabilité en tant que Chef du CNDD des massacres et des viols du 28 septembre 2009. Il y a du mensonge en politique, en Guinée, certains en font un viatique pour toute leur carrière politique. Il n'empêche que ceux qui arrivent au firmament de la politique dans notre pays veulent qu'on les considère continuellement comme « vêtus de probité candide et de lin blanc». Les ignominies qui se passent ou se sont passées doivent cependant être placées sous une chape de plomb. Pour les drames qui s'y sont jouées, nous avons été un certain nombre à les dénoncer et à les faire connaître à l'étranger. Sur l'intermède de la gestion du pays par le CNDD, je n'ai jamais cessé de juger négativement les militaires et leur incapacité à gérer la Guinée. On peut revoir et relire mes articles sur ces questions. Je n'ai jamais cessé d'appeler les autorités guinéennes à activer la justice contre l'impunité et pour plus d'Etat de droit. Ce n'est donc pas par reniement de ces écrits que je peux sembler soutenir sans autres considérations l'alliance de CDD et de MDC. Ce sont deux leaders politiques qui savent ce qu'ils doivent faire. C'est l'envol de nuées de faux moralisateurs qui ne peut pas laisser indifférent. Des actions subalternes de longue durée ont gravement compromis pour longtemps l'élaboration d'une solide conscience pour l'édification d'une nation guinéenne qui vaille. Les ouvriers à l'oeuvre pour cette édification semblent se complaire avec l'Etat de paille qu'ils ont en face. Du moment que l'Etranger qui se fiche royalement de comment est gérée une république africaine, semble les prendre en considération, nos dirigeants sont contents. La réalité est que nous avons encore, au moins en politique, une société semblable à celle que l'imagerie populaire de certaines régions guinéennes comparaît à celle des hyènes. Et certains se rappellent que dans une telle société, « si tu n'es pas le premier à croquer ceux qui t’entourent, c'est toi qui seras croqué ». Je ne souhaite pas, personne de censé ne le souhaite que nous nous complaisions dans ce stade mais je présume que c'est cette réalité que Cellou Dalein Diallo a retirée de son expérience de leader de parti politique. Pour le reste c'est aux militants de son parti et à l'opinion publique guinéenne qu'il a des explications à fournir.

 

Nous sommes encore au stade d'Etat très embryonnaire qu'Alpha Condé avait signalé à son arrivée au pouvoir en 2011 et des espoirs pour la prise à bras le corps des impédimentas que notre pays traînait. Mais il s'est passé que soulever ces questions c'était oublier que les délices du pouvoir ne sont pas toujours compatibles avec la voie difficile qu'exigeait la situation guinéenne pour aller de l'avant, car malgré les rodomontades du pouvoir, sans s'attendre à des miracles en cinq ans, pas de réalisations à portée de mains des citoyens ne sont intervenues . On sait qu'il y eut l'irruption d'Ebola et la réalisation du barrage hydroélectrique de Kaléta. Mais à quel rayon kilométrique de ce barrage on en ressentira les bienfaits. Au changement de locataire de la Présidence en 2011, ce n'est pas la voie difficile consistant à faire le ménage pour repartir qui a été choisie.

Au lieu de suivre cette voie le nouvel élu a réemployé à la pelle de nombreux collaborateurs proches de Lansana Conté qu'il honnissait naguère, puis des compagnons de Dadis et pas des moindres que la rumeur publique implique dans les massacres de septembre 2009. Tout cela pour consolider son pouvoir. C'est ce qui se murmure et se suppute par la vox populi entre terre et ciel de Guinée. Mais Dadis comme les autres du CNDD bénéficient de la présomption d'innocence tant qu'ils ne sont pas passés devant la justice. Cinq longues années sont passées (2011-2015) sans que vraiment la justice guinéenne ait fait des pas significatifs, alors que l'on a parlé et ressassé de réformes de l'Etat (la justice en fait partie). Cheick Sacko, venu tard à la Justice fait ce qu'il peut. Mais dans l'ensemble de la gouvernance, il y a un état de fait anormal que n'a pas bousculé la frénétique appétence de pouvoir.

Quand il s'agit de décocher des flèches au leader de l'UFDG, les tenants de vieilles rancoeurs sont toujours prêts pour des motifs qu'ils croient être les seuls à connaître. Des Guinéens honnêtes ne souhaitent pas qu'on enterre les drames du 28 septembre 2009 et d'autres drames avant ou après cette date, en écartant l'action judiciaire, mais ils ne souhaitent pas non plus la tactique de deux poids deux mesures qui n'étouffe nullement des acteurs politiques dans notre pays.

On peut espérer que l'alliance qui cause tant d'insomnie aux voltigeurs en dehors de l'UFDG donnera lieu à des débats légitimes à l'intérieur de ce parti, mais en observateur je ne pense pas que la tactique ayant consisté à dévoiler rapidement et publiquement l'alliance « incriminée » ait été une mauvaise chose. J'ai fait allusion à la métaphore de la société d'hyènes à ce sujet. Pour moins que l'alliance évoquée, il y en a qui ont fait résonner des hauts parleurs à partir des branches de tous les arbres de Guinée.

 

Tous les censeurs d'El hadj Cellou Dalein Diallo savent ou devraient savoir tous ces faits. Leur honneur d'hommes, leur croyance en Dieu en ce mois sacré de Ramadan (pour les musulmans), l'élémentaire souci de ne pas perdre leur âme dans des mensonges et des compromissions - défauts parmi les plus damnés dans le Coran- et certainement aussi dans la Bible pour les chrétiens, devraient les conduire au respect d'autrui même s'ils ne sont pas du même parti politique que lui. Les règles de civilité commencent par ces comportements. Il est possible de militer « honnêtement » sans vendre définitivement son âme au Diable, le Vrai.

Aux censeurs de Cellou Dalein Diallo, trouvez d'autres arguments de débats politiques, pas son alliance politique avec Dadis. Alliance que vous auriez pratiquée si l'occasion vous en était offerte. Le problème de Dadis, citoyen guinéen, est un problème juridique. Il n'est pas le seul, certains de ses compagnons du CNDD sont aujourd'hui des piliers du régime en place. Qui en parle ? Beaucoup d'entre vous devraient d'abord regarder le parcours de votre dirigeant et par pudeur d'homme, peser vos mots contre d'autres. Je connais d'ardents défenseurs, aujourd'hui, de votre mouvance qui furent à un moment donné d'implacables ennemis d'Alpha Condé. Souvenez-vous des propos outranciers de certains à propos de l'affaire de Pinè.

 

Ansoumane Doré (juin 2015)