godefroid_niyombareLe climat reste très tendu ce samedi 16 mai à Bujumbura. La capitale burundaise vit au rythme des rumeurs et des informations difficilement vérifiables. Ces rumeurs entretiennent un sentiment de peur dans la capitale, au lendemain de l’échec annoncé du coup d’Etat contre Pierre Nkurunziza qui entend briguer un troisième mandat après dix ans de pouvoir.

L’inquiétude domine dans les quartiers de Bujumbura, même si la contestation se poursuit. Il n’y a pas de gros rassemblements comme ceux du début de semaine, mais on assiste à un acharnement à rétablir les barricades, que la police et l’armée enlèvent systématiquement. Dans le quartier universitaire de Nyakabiga, alors que militaires et policiers patrouillent, ils étaient ainsi plusieurs dizaines à défiler.

 

Par ailleurs, les principaux sujets de conversation tournent autour du président et des putschistes. Le président Nkurunziza est-il réellement arrivé à Bujumbura ? La radio nationale l’affirme, mais « on n’a pas vu d’images de lui dans la capitale », insistent les habitants qui invitent donc les médias étrangers à vérifier.

 

Méfiance également, cette fois-ci, à l’égard des putschistes. A la télévision nationale, vendredi soir, le général Cyrille Ndayirukiye, l’un des généraux arrêtés, a été amené à se confesser publiquement. Il était « sous la contrainte d’une arme », affirme son avocat. Cependant, pour la population, ce militaire d’expérience et ancien ministre de la Défense, n’aurait pas pu rater ce coup d’Etat. Aussi, « ils étaient de mèche avec les autorités pour casser les manifestants », affirment les habitants de ce quartier.

 

Une population qui se dit inquiète au-delà même des quartiers de la contestation. Les gens sont à la recherche d’informations « comme si leur vie en dépendait », disent-ils. Depuis quelques jours, seule la radio nationale émet, alors que les radios privées les plus écoutées du pays ont toutes été attaquées par des hommes en uniforme de police.

 

Cette inquiétude est partagée par les humanitaires. Ce samedi matin, des convois banalisés ont quitté la ville pour aller rejoindre les pays voisins. L’ambassade américaine a décidé d’évacuer son personnel non essentiel. S’il n’y a plus d’affrontements, la tension demeure.

 

L’hôpital privé de Bumerec, théâtre de tirs nourris

 

Il s’agit d’un épisode particulièrement violent survenu le jeudi 14 mai, en fin d’après-midi à Bujumbura. Une information que RFI a pu enfin recouper en se rendant sur les lieux. L’hôpital privé de Bumerec a été le théâtre de tirs nourris. L’hôpital se situe aux environs du quartier de Kibenga où se trouvaient les généraux putschistes qui ont ensuite été arrêtés. Il s'agissait visiblement une opération de police et de l’armée pour retrouver le général Cyrille Ndayirukiye. Ils ont donc reçu des informations selon lesquelles des militaires se cachaient dans cet hôpital en particulier.

 

Trois militaires blessés - dont deux sérieusement - s’étaient effectivement retrouvés dans cet hôpital pour y être soignés. L’un d’eux était blessé au thorax et l’autre à la tête. Ils avaient alors été amenés immédiatement aux urgences. C’est aux environs de 15h que « la police a fait irruption là-bas jusque dans la salle d’urgence », selon des témoignages recueillis par RFI. A ce moment-là, le militaire qui était à l’intérieur, aurait « tiré sur un policier pour essayer de l’éloigner », selon plusieurs témoins. Le policier aurait été blessé. La police aurait donc reflué et serait revenue beaucoup plus tard, attaquant l’hôpital.

 

Selon le personnel de l’hôpital, « les médecins et les blessés ont été évacués ». Il y a eu une espèce de fouille systématique de l’hôpital et suite à cela, les forces de sécurité se sont rendu compte qu’il n’y avait que ces trois militaires et que les généraux putschistes ne s’y trouvaient pas.

 

Les dégâts sont impressionnants. Le personnel de l’hôpital est très choqué par cette situation. L’hôpital en effet, qui est un lieu censé être neutre, s’est retrouvé le théâtre de violences, avec des vitres brisées, du sang par terre, des douilles de balles un peu partout et le matériel informatique complètement cassé. « Il faut respecter le droit humanitaire international si non, nous pouvons être attaqués et les autres hôpitaux peut-être aussi », dit le personnel de l’hôpital Bumerec. Prudence donc et respect envers le personnel médical.

RFI