collectif_adpDepuis quelques jours, on assiste à une valse politique très particulière où le disc joker (DJ) se nomme Alpha Condé et le groupe de danseurs est composé d’opposants guinéens. Les pas de danse de ces derniers sont un peu anarchiques, peut-être, parce que la musique ne semble pas être à leur goût. Malgré tout, DJ Alpha Condé dicte sa musique et impose un rythme endiablé. Pourquoi cette mauvaise performance artistique des opposants ? C’est ce que nous allons essayer de comprendre.

 

Le canular de la déclaration de Paris

Le 23 mars 2015, les trois anciens premiers ministres et principaux leaders politiques, Cellou Dalein Diallo, Sidya Touré et Lansana Kouyaté, se sont retrouvés à Paris sur les bords de la Seine pour parler de leur «ennemi » commun. Au terme de leur réunion « hautement stratégique », ils ont publié une déclaration tonitruante dans laquelle les trois co-signataires ont proclamé solennellement, avec des arguments à l’appui, qu’ « Alpha Condé perd toute légitimité pour présider encore aux destinées de la Guinée». Autrement dit, Alpha Condé est devenu illégitime. L’illégitimité s’ajoute désormais au manque de crédibilité. Alpha Condé obtient ainsi un nouveau grade.

Lors de cette rencontre, le «trio de choc» est aussi tombé d’accord qu’il faut rentrer vite au pays et acculer Alpha Condé par des manifestations de rue. C’était le deuxième point à retenir de cette réunion de Paris.

Les trois leaders se sont congratulés et encouragés mutuellement. La victoire semblait proche. Le plan semblait imparable. Il suffirait de peu de choses pour qu’Alpha Condé s’enfuie de la Guinée avec des mallettes de devises étrangères et des sacs de pierres précieuses.

Rassurés et requinqués, Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré rentrent au pays pour mettre en exécution la stratégie et encourager la révolution citoyenne à la Bourkinabé.

Rappelons la présence de Bah Oury, Baïdy Aribot et Hadja Tété Nabé à cette réunion.

 

Ont-ils les moyens de leur politique ?

Dans le jargon militaire, on aime dire : « c’est le terrain qui commande ». Et Alpha Condé prouvera l’exactitude de cette doctrine militaire.

Arrivée à Conakry, Cellou et Sidya tentent d’organiser des manifestations. Mais, Alpha Condé déjoue leur plan en les confinant purement et simplement chez eux. Ils crient à la séquestration. Alpha s’en fout. Il leur prouve qu’il est le maître contesté certes mais absolu du pays. Les manifestations ne prennent pas les ampleurs souhaitées.

Alpha Condé ne s’arrête pas en si bon chemin. Il ne va pas bouder si vite son plaisir. Lui, « l’illégitime », il s’offre le luxe d’inviter voire convoquer daredare leur « patron », le chef de file de l’opposition. Ce coup de poker inattendu déstabilise l’opposition. C’est la confusion au sein des états-majors de l’opposition.

Il faut répondre ou non? Dans un premier temps, les opposants acceptent d’y envoyer l’heureux invité. Mais, après la chaude journée de manifestation du 7 mai, Cellou Dalein se ravise et les divergences éclatent au grand jour.

Du côté de l’UFR, Baïdy Aaribot, l’un des participants à la réunion de Paris, critique le renoncement de Cellou dalein. Baïdy est déçu parce que Cellou n’est pas allé serrer la main du président qu’ils ont déclaré illégitime. Où est la cohérence dans tout ça?

L’autre vice-président de l’UFR, Bakary Goyo Zoumanigui a eu un autre avis puisqu’il a semblé apprécier le désistement de Dalein. Il l’a expliqué avec cette éclairante métaphore : « Lorsque vous invitez quelqu’un et vous mettez des chiens devant sa porte, cela n’augure rien de bon». A–t-il fait allusion aux forces de l’ordre positionnées au domicile de Dalein?

Le porte-parole de l’UFR, Mohamed Tall s’est montré moins lyrique que Goyo Zoumanigui et plus direct que Baïdy. Tall déclare que Cellou Dalein ne parlera pas au nom de l’opposition s’il rencontre Alpha Condé. Alors, Cellou parlera au nom de qui? A son propre nom, certainement. Et à celui de l’UFDG? Ce n’est pas si sûr que ça.

Si l’on tient compte de la déclaration de l’un des vice-présidents de l’UFDG, Bah Oury, l’un des participants à la réunion de Paris, on comprendra qu’il y a des divergences au sein même de l’UFDG. Bah Oury a déclaré dans les médias que son président Cellou Dalein ne doit pas rencontrer Alpha Condé. Selon lui, la rencontre ne servira à rien. Certes. Mais, Bah Oury n’indique pas une porte de sortie honorable à Cellou Dalein et à son parti. Car si Cellou refuse de rencontrer Alpha, il sera perçu comme celui qui refuse le dialogue aux yeux de la communauté internationale. Son image en pâtira sérieusement. Donc, lui aussi doit retourner la patate chaude au risque de se faire bruler les mains.

Ces divergences fragilisent dangereusement l’opposition et fait planer une menace d’éclatement. Les opposants ont intérêt à accorder leurs violons et synchroniser leurs pas afin que la chorégraphie soit agréable à regarder.

On peut dorénavant demander à l’opposition d’éviter les postures démagogiques comme celle de la déclaration de Paris. On ne décrète pas des politiques alors qu’on n’a pas les moyens de les mettre en pratique.

Alpha Condé, illégitime? A l’opposition de le prouver...

Moucky S. Diallo pour www.guinee58.com