ibrahima_sanohJe m’oppose aux mensonges d’où qu’ils viennent, je m’oppose à ce qui divise, qui affaiblit et qui entrave l’essor économique de notre pays. Depuis longtemps, je m’oppose à certaines idées du Président Alpha Condé. Quand je critiquai ses politiques de lutte contre la corruption à cause des monopoles et pouvoirs discrétionnaires qu’il a créés, ceux mes détracteurs dirent : « Tu dois être un stipendié de l’UFDG ». Quand je critiquai les déclarations du leader de l’UFDG suite à sa conférence de Chicago en 2014, je fus étiqueté : le partisan du RPG.

 

     A cause de mon histoire, je refuse l’ethnocentrisme, je répugne l’opportunisme et surtout le mensonge. Ma ferme conviction est qu’en Guinée nous n’avons pas besoin de nous aligner derrière les candidats issus de nos ethnies. J’affirme partout que je suis kouranko , ce qui ne fait pas de moi un ethnocentriste.   Affirmer son identité, c’est reconnaître qu’on appartient à une diversité. Cela appelle au respect, à la valorisation de la différence et par-delà à la tolérance. Se nier, c’est nier les autres, voilà l’impasse.

 

   Je ne crois pas à une démocratie ethnique, je crois à celle où se confronte les idées. Je ne suis d’aucun camp, ni de l’opposition ni de la mouvance. Si je dois être d’un camp, je serais du camp des partis qui ont vocation à : intégrer les minorités, fédérer les forces de notre diversité sans niveler vers le bas et sans nier les identités (ethnies), et bâtir (par la communication d’une forte vision, une Guinée de prospérité inclusive  par le truchement de la libération des forces du peuple et de son génie créateur).

 

     Depuis notre indépendance, notre grand problème a été le déficit du  leadership. Les autres problèmes sont des effets induits de cette maladie. C’est comme quelqu’un qui a un cancer et qui, à chaque fois se plaint. Le donner des comprimés pour calmer ses céphalées est inefficace, car les maux de tête et les autres douleurs dus à un tel mal, ne sont que les effets induits du mal racine : le cancer. Le cancer de la Guinée c’est le déficit du leadership. Quand j’ai lu les fragments des discours du premier Président de la Guinée les 6 ; 21 et 27 Août 1976, j’ai réalisé qu’il souffrait d’un déficit de leadership, pour être précis de communication et d’intelligence émotionnelle. Je ne dis pas qu’il était inintelligent, mais qu’il manquait de cette forme particulière d’intelligence, celle des émotions. Suite au putsch manqué  du Colonel Diarra Traoré en 1985, le Président Conté aurait dit aux revanchards :« ô Fatarah ! » . Quand j’écoute les discours du Président Alpha Condé, ma conclusion ne change pas : nous souffrons du déficit de leadership. Le Président Alpha Condé, communique mal et très mal. Dans la lutte contre Ebola, il a montré cette carence. Dans une lettre ouverte que je lui avais adressée, il y avait été mention de ce qu’il devait faire. Le Libéria n’a plus aucun cas d’Ebola, mais chez nous, notre dirigeant ne sut pas adopté une approche de communication de crise qui soit efficace. La communication de crise devait être l’arme la plus efficace contre Ebola, au crépuscule de son avènement.

 

     Le Président Alpha Condé par son incapacité à communiquer avec clarté, nuit à la cohésion sociale de la Guinée. Tantôt, il appelle ses adversaires et tous ceux qui ne partagent pas sa vision, très étroite du développement comme étant les ‘’ennemis du changement’’. Il fait ainsi, sans le savoir, plus de résistants au changement qu’il y en a. La culpabilisation et les généralisations tendancieuses sont toujours inefficaces. Son cabinet est très inefficace, je l’ai toujours appelé ‘’ l’usine à recyclage d’anciens ministres ‘’ ou encore ‘’ le tonneau des danaïdes‘’. Finalement, j’accepte l’idée que c’est lui, qui conseille ses nombreux conseillers et non le contraire. Comment peuvent-ils le servir autant mal ?

 

       Tout récemment à Kankan, le Samedi 9 Mai, il fit montre de son incapacité à être le leader : intégrateur, fédérateur et dynamiseur que la Guinée a besoin. Cette incapacité s’explique par les raisons ci-après :

  

  1. 1)Il n’a pas de vision cohérente et claire à communiquer

 

         Le bon dirigeant politique a une vision à communiquer. Il sait la direction à faire suivre pour réaliser des performances. Le Président Alpha Condé n’a pas de vision claire, sinon, il ne sait pas la communiquer. Il sait, tout comme assez de politiciens guinéens, faire deux choses : exploiter l’ignorance des masses et puis manipuler la question ethnique. Dans son récent discours de kankan, il déclara : «  Ce ne sont pas les cadres qui m’ont mis au pouvoir. Ceux qui m’ont mis au pouvoir ne savent même pas dire RPG, ils disent RPC. » Quand les électeurs sont des « ignorants rationnels », on exploite cet atout quand on est en manque de vision à communiquer aux masses en vue de les élever.

 

     Il sait donc jouer sur les émotions et surtout la peur. A Kankan, il tint : «Mais ça ne se fera pas ! En Guinée, il n’y aura pas de nouveau 28 septembre, il n’y aura pas de coup d’État militaire. Ceux qui rêvent d’un coup d’État militaire se trompent. » Ce n’est pas mal de rassurer, vue les velléités de certains de ses adversaires et les desseins de ceux-là qui appellent à le chasser.

 

     Sa vision du développement est étroite, il n’en a presque pas. C’est aussi la même chose que je reproche à tous nos partis politiques et par ricochet à leurs leaders qui passent le temps à ressasser les grelots de la démocratie et qui sont incapables à communiquer une vision claire et cohérente du développement aux Guinéens. L’absence de vision claire chez Alpha Condé est manifeste. Il a déclaré à Kankan : «  Donc, ceux qui viennent faire de la démagogie, laissez les ! Nous avons notre chemin tracé. C’est pour amener la Guinée le plus loin possible.» Je dis : ce chemin, il est où ? Celui que nous empruntons depuis 5 ans ? C’est affligeant!   Yes Guinea, is back! But, I meant to the drawing board!

 

  1. 2)Il aime l’improvisation alors qu’il a du mal à communiquer

 

      Il aime assez bien l’improvisation alors que cette dernière exige des automatismes de la communication lesquels s’acquièrent avec le temps et la pratique. Sa seule différence avec Sékou Touré est qu’il parle peu, sait se taire et épouser le silence. Quand on n’a pas une vision claire à communiquer, on évite les improvisations et l’on soigne ses discours. Le grand conseil que je fais à ses conseillers en communication, est qu’ils doivent plus se déployer à soigner la communication de leur client, qui aime trop les improvisations et qui en fait mauvais usage.

 

     Souvent l’émotion, les contextes, peuvent triompher de notre raison. Avec l’improvisation non maîtrisée, on n’est pas à l’abri des écarts de langage. Pour un dirigeant, les écarts langagiers ne passent jamais inaperçus. Pour maîtriser ces circonstances, on doit éviter les improvisations, sinon on en fait peu.

 

     A Kankan, le Président Alpha Condé a déclaré : « Si vous avez accepté le gouverneur Nawa Damey, c’est parce que la Guinée appartient aux malinkés, aux forestiers, et soussous » . En lisant uniquement ce fragment, mal cité, on pourrait dire qu’il a exclu les peuls. Mais attention ! Il n’y a pas que ces ensembles ethniques et ethnies en Guinée. Je dirais qu’il a aussi exclu les autres minorités !

 

         Voyez-vous, en instance de communication et devant l’éphorie de la foule, le cerveau limbique, non relationnel commande. Il a omis dans ce fragment de citer les peuls et aussi les autres ethnies.   Les forestiers, ce n’est pas une ethnie ! Mais, plus loin, il s’est racheté en disant : « […] Etre Guinéen, c’est travailler pour toutes les régions. La Guinée c’est comme une voiture qui a 4 roues. Si tu enlèves une roue, la Guinée ne marche plus. Donc, je dois travailler pour la Basse Guinée, le Fouta, la Forêt et la Haute Guinée. »  S’il oubliait de citer le Fouta, le scandale serait grand ! D’ailleurs, dois-je le dire, ce dernier fragment de lui est éludé à dessein par certains sites guinéens. Ils induisent ainsi en erreur.

 

     Au demeurant, en un comme en mile mots, j’appelle le Président Alpha Condé à éviter les improvisations, il rendrait ainsi sa communication plus fluide, plus claire et efficace. La communication du pouvoir a un pouvoir, celui de transmettre des idées, d’influencer les pensées et les comportements. La communication efficace est à la fois informative et puis performative.

 

  1. 3)Il use l’ethno-arithmétique

 

     C’est la conséquence de l’absence de vision claire à communiquer à tous. Il sait bien faire le calcul ethnique. Il sait chercher l’électorat médian et mettre en œuvre tous les moyens en vue de ne pas perdre celui traditionnel : les membres de son ethnie, à qui, il donne l’illusion de posséder le pouvoir. Est-ce bien qu’un Chef d’Etat dise : «   Population de Kankan, les jeunes et les femmes ; beaucoup de choses se sont passées hier que vous n’étiez pas au courant. Quand je venais au pouvoir, les malinkés avaient leurs bouches dans le sac. Ils ne pouvaient pas parler le maninka à Conakry. »

Que l’on parle le Maninka à Conakry ou ailleurs, en quoi cela change les maux de notre peuple ? On n’est pas Président pour faire l’éloge d’une langue vernaculaire, mais pour permettre à un peuple de se surpasser.

 

  1. 4)Il n’a pas le sens de la priorité

 

Le problème est qu’il fut un communiste, puis est devenu   socialiste. De fois, il se fait appeler pragmatiste. Les communistes tout comme les socialistes aiment la prodigalité. Le gouvernement pléthorique d’Alpha Condé en une l’illustration. Les communistes reconvertis socialistes pensent qu’il faut dépenser l’argent à tout va. Ils sont des grands budgétivores et répugnent la reddition transparente des comptes. Il a dit à Kankan : « Quelqu’un a dit qu’Alpha est un communiste qui ne connaît pas l’argent. Mais moi, je ne suis pas venu pour voler l’argent de l’État. Je suis venu pour que l’argent de l’État serve le peuple d’abord et les paysans. Car si vous prenez 10 Guinéens, 7 sont paysans. Voilà pourquoi, nous allons continuer à aider les paysans. » 

 

   Le Président Alpha Condé n’a pas le sens de la priorité. Dans un pays aux myriades de maux comment peut-on se permettre de confondre le faisable et le souhaitable, l’urgence et l’essentiel ? N’ayant pas pu assister à la prestation des artistes invités à Kankan, il leur promit 250 millions de francs guinéens. « Je viendrais spécialement pour une journée culturelle où tous les artistes se produiront. Mais pour que vous ne soyez pas trop mécontents, je vais remettre 250 millions de francs guinéens au gouverneur pour vous remettre», a-t-il dit. Je ne savais qu’il était autant riche ! Oui, qu’il sait bien aider les paysans !

 

  1. 5)Tout son souci, sa réélection

 

Il ne sut pas réaliser grand-chose. Les excuses, il pourra en avoir : l’héritage qu’il est le sien, Ebola, la mauvaise foi des ses adversaires politiques etc.   Ses nominations, actions et déclarations ont pour but de permettre sa réélection. Il peut aussi dire merci à ses adversaires politiques qui ne font que de la diversion. Ceux-là, ont eu tellement la chance pendant la mandature d’Alpha Condé qu’ils ne surent rien proposer aux Guinéens.

 

A l’heure où je vous écris, je n’ai vu aucun programme politique. Je fais allusion à un programme nouveau. Nos partis politiques n’en ont pas. Ils font la diversion et appellent à l’alternance. Ils déclarent ’’ Tout sauf Alpha Condé’’, mais ils répugnent l’idée qu’il leur faut un candidat unique. Je ne les ai jamais entendus parler de création d’emploi, de réformes éducatives, de réformes des statuts de la BCRG, de l’immense d’une nouvelle politique agricole etc. Ils ne parlent que des élections. A quoi sert de voter quand on n’a aucune idée des programmes politiques de nos partis concurrents ? Oui, le Président Alpha Condé est un dirigeant très chanceux du fait d’avoir des adversaires qu’il surpasse en politique. A vrai dire, il n’a pas d’adversaire politique.

 

Oui, il est prêt à toutes les démagogies pour ne pas perdre son électorat traditionnel : les membres de son ethnie qui commencent à douter de lui, du fait de ses performances et qui transhument vers le PEDN. A cause des grandes tensions entre les partisans du PEDN et du RPG, sa visite du 15 Mars à Kankan avait été reportée. Il semble que ce fut un complot ! A ce sujet, il déclara : «La dernière fois, quelqu’un vous a menti que je venais et vous êtes sortis. Tout ça c’est du complot pour dire que je vous méprise. Hier, j’ai dit au gouverneur que je venais et je suis venu. Mais quand un imbécile va à la radio rurale raconter ce qu’il veut, ce ne sont que des saboteurs ! Kankan, hier comme aujourd’hui, Kankan est à 100% RPG et le restera. Tous les gens qui se fatiguent, se fatiguent pour rien ! Le changement aura lieu et il est en cours déjà. Je vous demande l’unité d’action dans la même direction! » La rhétorique des rhéteurs de pacotilles, c’est le populisme.

 

Aux Guinéens, je dis : c’est bien clair que nous avons un Président inefficace et qui pose un danger à la cohésion sociale du fait de son appétit pour le pouvoir et son incapacité à bien communiquer une vision claire, qu’il n’a pas. Par ailleurs, nous avons une opposition qui n’est non plus pas à la hauteur de nos attentes, une opposition dont les acteurs sont des amuseurs publics. Nos maux sont grands et s’accumulent, mais l’idée d’une insurrection populaire est une lâcheté. On peut infléchir l’ordre des choix, si nous refusons de voter les candidats portant nos patronymes. Votons ceux-là qui proposeront des idées à même de nous sortir de là, du bourbier. Votons ceux qui ne serons pas à la quête de l’hégémonie d’un groupe social, mais de celle de notre Guinée à nous tous. Si Alpha Condé est aujourd’hui Président, c’est du fait d’avoir profité de l’ethnocratie. La préférence ethnique aux idées conduira à l’élection du mauvais dirigeant. Préférons les idées à l’ethnie, cela s’appelle la démocratie. Le meilleur candidat, peut ne pas porter notre patronyme, peut ne pas être issu du notre groupe social et communauté, mais préférons-le, nous n’aurons plus honte d’écouter ses discours et de défendre ses performances. L’ethnocratie est un piège et un vecteur du mal-développement, refusons-la.

 

 

                                                                                     Ibrahima SANOH

                                                                                     Citoyen guinéen,