bauxiteLa semaine passée, des patrons de l’usine FRIGUIA, la première usine d’alumine en terre africaine de Guinée, ont appelé les veuves des défunts travailleurs à une réunion. Dès l’arrivée de ces dernières, il leur est proposé la somme de 2 millions 500 mille francs guinéens comme « Allocation unique » en lieu et place des indemnités, conformément au Code guinéen du travail.

Cela, après plusieurs années de services que les défunts époux ont rendus à l’entreprise russe. La mesure a suscité la colère et l’indignation au sein des veuves qui ont carrément demandé à RUSAL-FRIGUIA de garder son pognon. Votre quotidien a trouvé la copie de cet « engagement » à signer. En voici l’extrait qui révolte les veuves des victimes de la crise née de la fermeture de l’usine d’Alumine de Fria.

 

«Je comprends et j'accepte entièrement que ladite allocation se substitue inconditionnellement à toutes les autres primes, indemnités, allocations et autres prestations dont les ayants-droits d'un travailleur décédé de la société FRIGULA S.A. pourraient bénéficier en vertu du Code du travail de la République de Guinée, de la Convention collective mines et carrières, du Protocole d’accord global de FRIGULA du 29 décembre 2009 et autre document réglementaire applicable.

Je renonce expressément à toute éventuelle réclamation à l'égard de la société FRIGUIA S.A. à quelque titre que ce soit.

Je déclare être dûment habilité (-e) à agir au nom et pour le compte de toutes les personnes ayants droits aux allocations dues en cas de décès d'un travailleur et j’accepte indemniser la société FRIGUIA S.A. de toutes réclamations et revendications éventuelles des autres ayants-droits (…)» En clair, c’était

 

Les frustrées sont montées sur les ondes pour exprimer leur colère. Mme Mayingbé Fofana est veuve. Son mari a passé 28 ans à servir RUSAL-FRIGUIA. Après la fermeture de l’usine d’Alumine de Fria en avril 2012, c’est le chômage. Quelque mois après, le mari de Mme Fofana décède. De misère ? D’amertume ? Impossible de savoir la cause exacte de sa mort. Aujourd’hui, Mme Fofana est la porte-parole des veuves. Quand elle a appris la nouvelle de la direction de RUSAL-FRIGUI, elle n’en revenait pas. Et elle l’a fait savoir sur les ondes d’une radio privée de Conakry : « C’est une surprise pour tous les employés de FRIGUIA. C’est un engagement bidon, nul et de nul effet. En signant ce papier, nous signons également notre arrêt de mort. Nous refusons d’apposer notre signature là-dessus. Les veuves que nous sommes, nous nous remettons à la volonté de Dieu, le créateur du monde entier. Nous n’avons pas d’argent pour requérir le conseil d’un avocat. Nous mangeons difficilement ici, mais on se remet à Dieu », a-t-elle indiqué, la mort dans l’âme. Elle est frustrée du fait que la direction de l’entreprise minière n’a consulté personne avant de prendre une telle décision. Or, explique Mme Fofana, l’engagement à signer fait fi au Code du travail guinéen. Elle ignore si l’Inspection générale de travail « va faire quelque chose » pour rétablir les veuves dans leur droit. Son scepticisme est fondé sur le fait que les Guinéens ont assisté, impuissants, à ce drame, sans que le gouvernement ne puisse arrêter la catastrophe pour les employés et leurs familles.

 

A la Direction de FRIGUIA, c’est aussi la surprise ou bien on feint d’être surpris. M. David Camara, le directeur adjoint de FRUIGUIA, précise qu’il a reçu le document de ses supérieurs hiérarchiques. Il se dit surpris. Doublement. Premièrement, par le comportement des veuves qui, selon lui, ne devraient pas porter le sujet aux médias. « Je suis surpris d’entendre parler de ce dossier dans les médias, parce que nous étions en train de discuter pour chercher la solution. Dès que j’ai reçu le document, j’ai invité les veuves pour un entretien sur le document qui n’est pas en leur faveur. » Il leur aurait demandé de ne pas le signer. Deuxièmement, le DGA affirme que lorsqu’il a reçu le document, il pensait qu’on évoquait l’aide apportée aux familles non à cela. « Le contenu m’a surpris. J’ai expliqué aux femmes qu’il y a des voies de recours pour les aider à être rétablies dans leurs droits.» Ces voies de recours, M. Camara n’en a point parlé. Selon lui, des démarches sont menées pour apporter un soutien aux familles dont les chefs ont passé de vie à trépas.

 

Des observateurs se demandent quel est le nombre de familles intéressées par la mesure. Combien de membres d’une famille peuvent-ils également représenter les défunts, en tant que représentants légaux ? On ne trouve pas de réponse auprès de M. Camara.

L’usine d’Alumine de Fria (à 200 kilomètres au Nord-est de Conakry) est fermée depuis avril 2012, suite à une grève des employés qui réclamaient, entre autres, l’amélioration de leurs conditions de vie. Les négociations entamées par l’Etat et la société n’ont jusqu’à présent pas abouti à des résultats acceptés par l’entreprise et les travailleurs. La Présidence guinéenne avait promis de résoudre le problème. Les travailleurs, notamment les délégués syndicaux, n’ont eu que dalle. Jusque-là.

A. Soumah pour www.guinee58.com