collectif_adpAprès un huis clos de trois heures d’horloge, l’opposition guinéenne a annoncé ce 25 avril, l’organisation « d’une marche pacifique dans les cinq communes » de Conakry, le jeudi 30 avril. L’annonce a été faite par le porte-parole de l’opposition, Aboubacar Sylla, également président de l’Union des forces du changement, a-t-on vécu sur place. Peu avant ladite marche, les dirigeants de l’opposition décident de tenir compagnie dans les tribunaux de Dixinn et de Mafanco, leurs militants «  illégalement interpellés et jugés de façon expéditive dans des procès sur ordre du pouvoir », le 27 avril. Le 29 avril, ils rendront visite aux familles des victimes tuées lors des deux dernières manifestations à Conakry et à l’intérieur de la Guinée, mais aussi les blessés hospitalisés à travers la capitale guinéenne. Selon M. Sylla, la marchée annoncée jeudi à Conakry va être suivie d’une autre manifestation cette fois-ci sur l’ensemble du territoire guinéen.


L’opposant indique que l’opposition n’adressera pas une quelconque correspondance aux maires des délégations spéciales de la ville de Conakry. « Nous avons affirmé haut et fort, avec des arguments pertinents, que nous ne pouvons pas reconnaître ces délégations spéciales et donc leur adresser des courriers ». Les opposants décident également de ne pas s’adresser à Soriba Sorel Camara, le gouverneur de la ville de Conakry. Et pour cause. Aboubacar Sylla explique : « Ceux qui disent qu’on doit adresser une lettre au gouverneur ou à d’autres fonctionnaires, doivent relire nos lois. Le Code pénal est clair. La procédure administrative prévue pour l’organisation des manifestations sur les places et les voies publiques est claire. Il faut adresser les courriers aux autorités locales. En ce qui concerne Conakry, ce sont les maires. Il se trouve qu’aujourd’hui, les délégations qui font office de maires sont illégales et illégitimes. Elles sont illégales depuis leur mise en place, parce qu’elles l’ont été sur les dépouilles des Conseils communaux qui ont été dissouts sans que les critères de dissolution prévus par nos lois ne soient respectés. A savoir la condamnation au moins du tiers des membres des conseils communaux par un tribunal pour des crimes et délits. Ensuite, la durée de mandat de ces présidents de délégations spéciales qui jouent le rôle de Conseils communaux est limitée à six mois. » L’opposant précise aussi qu’il n’est écrit nulle part de s’adresser au gouverneur de Conakry encore moins au secrétaire général de la mairie. « Le gouverneur de la ville de Conakry est lui-même totalement illégal. Le Code des collectivités locales adopté et promulgué depuis 2010 prévoit que la ville de Conakry est dirigée par un maire élu par le Conseil de ville composé des 5 maires de Conakry. Il se trouve que le gouverneur actuel est nommé par décret. Il est dans l’illégalité la plus totale. Comment voulez-vous qu’on lui adresse un courrier alors qu’il est plus illégal que les maires que nous contestons ? » s’interroge M. Sylla.


Il accuse le gouvernement de faire de la publicité et de la propagande, quand il lui a été demandé de réagir à la demande de la France, des Etats-Unis et de l’Union européenne qui veulent que l’opposition accepte la main tendue du gouvernement. « Nous avons toujours une opposition ouverte au dialogue. On nous a même accusés d’être complaisants avec le pouvoir. Depuis 2011, nous sommes dans une quête ininterrompue de dialogue. Cela nous a coûté plus de 60 morts, des blessés, des handicapés à vie. Chaque fois que nous y allons, c’est pour aboutir à des accords qui ne sont jamais appliqués totalement, ou arrivés à des consensus qui ne sont jamais formalisés par des accords dûment signés, encore moins respectés par les parties au dialogue. Cette fois-ci, nous voulons d’un dialogue plus structuré, plus susceptible que par le passé d’arriver à des conclusions applicables. » Il nuance ses propos en soutenant que l’opposition n’ira au dialogue qu’après quelques préalables. Il s’agit notamment de l’interruption du processus électoral en cours et du gel du chronogramme de la Commission électorale nationale indépendante, CENI, qui inverse l’ordre des élections, en prévoyant l’élection présidentielle avant les élections communales et communautaires. « La main tendue du gouvernement est une opération de pub et de communication dont l’objectif est de nous faire perdre du temps avant de nous mettre devant une situation de fait accompli », a sèchement déclaré le porte-parole de l’opposition guinéenne. Il plaide que le gouvernement accepte de dialoguer avec l’opposition, car la Guinée, dit-il, est dans une « crise lourde de menaces pour la paix sociale » en Guinée.


Reste à savoir si le pouvoir de Conakry l’entendra de cette oreille.

Faisant le bilan des manifestations de Conakry et de l’intérieur du pays le 20 et le 23 avril, l’opposant a affirmé que « partout où les Guinéens n’ont pas pu jouir de leur droit constitutionnel de cortège et de marche, il y a eu des journées ville-mortes qui ont enregistré l’absence totale d’activités dans pratiquement tout le pays. » Il ajoute cependant qu’il y a eu un mort, une centaine d’interpellations, une cinquantaine de blessés dont une vingtaine par balles. « Parmi eux 18 sont dans un état grave, 9 ont subi ou devraient subir une intervention chirurgicale. » Il pense que la Guinée est dans une « situation catastrophique. Les forces de l’ordre usent des armes de guerre pour effectuer des opérations de maintien d’ordre, contrairement au démenti du gouvernement. »

Rappelons que cette plénière de l’opposition guinéenne s’est tenue en l’absence de son chef de file, Cellou Dalein Diallo de l’Ufdg et du leader de l’Ufr, Sidya Touré. Ils sont invités par le RHDP de la Côte d’Ivoire à la cérémonie solennelle d’investiture du Président actuel ivoirien, Alassane Dramane Ousttara qui briguera cette année un second mandat de cinq ans à la tête de son pays.

 

Aliou Diallo pour www.guinee58.com