foule_1Le pouvoir guinéen a mobilisé jeudi en masse les forces de l’ordre pour empêcher dans tout le pays des manifestations de l’opposition, qui proteste contre le calendrier électoral à l’approche de la présidentielle d’octobre.

 

Après une journée « ville morte » à Conakry au début du mois puis des manifestations non autorisées mi-avril et en début de semaine — avec plusieurs morts et au moins une vingtaine de blessés — l’opposition cherchait à étendre sa contestation au reste du territoire.

 

Des échauffourées ont éclaté en milieu de journée entre manifestants et forces de l’ordre en banlieue de la capitale, faisant au moins cinq blessés légers parmi les civils, ont indiqué des témoins à l’AFP.

 

Le gouvernement a fait état d’une situation quasi normale, à l’exception de heurts à Conakry et Labé (centre), fief du chef de l’opposition, l’ex-Premier ministre Cellou Dalein Diallo, sans signaler de blessé.

 

« L’opposition a une nouvelle fois défié la loi et mis en danger la vie de nos populations», a accusé le gouvernement.

 

Beaucoup de jeunes se regroupaient aux abords des grands axes dans la capitale, face au déploiement massif des forces de l’ordre, à Conakry et à travers le pays, en particulier dans le centre, favorable à l’opposition.

 

A Mamou (centre), elles ont barré la route menant au siège du principal parti d’opposition, selon des témoins.

 

Une forte tension régnait également à Labé, principale ville de la région, où le marché central et les écoles étaient fermés, ainsi que des stations-service.

 

A Dinguiraye (nord) les militants de l’opposition se disaient résolus à se réunir malgré les forces de sécurité dont « un gros contingent a été amené de Kankan », région de l’est acquise au pouvoir, selon Mountaga Tall, un enseignant.

 

Avant même le début des rassemblements, le gouverneur de Conakry, Soriba Sorel Camara, a annoncé avoir réquisitionné la police et la gendarmerie « pour que force reste à la loi ».

 

- Soupçons de manipulation électorale -

 

Thierno Boubacar Sow, un militant d’opposition, a reproché à Alpha Condé de « dire qu’il n’y a pas la moindre possibilité de modifier le chronogramme (calendrier) établi par la Céni (Commission électorale nationale indépendante) comme s’il était le porte-parole de la Céni ».

 

A l’issue d’un entretien avec son homologue François Hollande à Paris, M. Condé, élu en 2010, a réaffirmé mercredi que la présidentielle se tiendrait en octobre, à l’échéance fixée par la Céni. Il rejetait ainsi implicitement la demande de l’opposition que soit d’abord organisé le scrutin local, désormais fixé à mars 2016.

 

Lors de la rencontre, M. Hollande a « manifesté son soutien aux initiatives du gouvernement guinéen en faveur d’un dialogue avec l’opposition dans la perspective des élections présidentielles d’octobre 2015, et a appelé toutes les parties à renoncer à la violence », selon la présidence française.

 

Mais le ministre de la Justice Cheick Sako, chargé du dialogue avec l’opposition, a assuré que le gouvernement continuait à « tendre la main » à ses opposants.

 

L’opposition soupçonne le pouvoir de vouloir utiliser les exécutifs communaux provisoires qu’il a désignés, faute de scrutin à cet échelon depuis 2005, pour influer, y compris par la fraude, sur la présidentielle.

 

« Alpha ne peut pas se passer des prestations de ces délégations spéciales et des autres élus locaux qu’il a nommés dans l’épreuve de l’élection présidentielle », a affirmé à l’AFP Cellou Dalein Diallo, candidat malheureux au second tour en 2010 après être arrivé largement en tête au premier.

 

« Et s’il perd les communales, il pourra difficilement justifier une victoire +éclatante+ au premier tour de la présidentielle », a-t-il souligné.

 

Ce pays d’Afrique de l’Ouest qui n’a connu pratiquement que pouvoirs autoritaires, coups d’Etat et répressions sanglantes, n’est pas encore parvenu à capitaliser sur ses importantes ressources minières.

 

L’épidémie d’Ebola qui s’y est déclarée en décembre 2013 a freiné les investissements et mis à nu les tensions entre pouvoir central et populations ainsi qu’entre communautés.

 

M. Condé, un ancien opposant embastillé, est le premier président démocratiquement élu de cette ex-colonie française.

AFP