mugabeAprès avoir écarté tous les candidats à sa succession, le vieux dictateur du Zimbabwe espérait que sa femme prenne sa succession, mais cette dernière ne semble plus en état de gouverner.

Passation de pouvoir en vue au Zimbabwe. Alors que les élections de 2008 laissaient entrevoir un espoir de démocratisation, le pays  retourne dans ses travers sous l'impulsion du dictateur Robert Mugabe qui tient fermement les rênes du pays depuis 1980. Ce dernier, désormais âgé de 91 ans, semble avoir d'ores et déjà positionné sa fille Bona pour lui succéder à la tête d'un des Etats les plus pauvres d'Afrique au mépris total des partis d'oppositions et de la démocratie.

Cette transition est néanmoins une surprise car, dans sa conception toute personnelle du pouvoir, le vieil homme semblait privilégier l'arrivée de sa femme, la très controversée Grace, communément surnommé "Disgrace" (honte) en référence à ses séances shopping de luxe dans les magasins du monde entier, alors que le peuple ne dépasse pas les 50 ans d'espérance de vie.

Son mari avait tout fait pour préparer le passage de témoin. Courant 2014, cette dactylographe de formation devient docteur en philosophie, diplômée de l'université du Zimbabwe dont le président n'est d'autre que… son mari Robert. Pour ceux qui douteraient encore de la mise en scène, Grace peut se targuer de l'avoir obtenu en un temps record : trois mois. La voilà donc propulsée en élite intellectuelle du pays.


Reste à faire le ménage autour du trône si convoité. Et pour cela, le dictateur s'y connaît. Le "Comrade Bob," surnom hérité de l'époque où il pratiquait la guérilla contre le régime ségrégationniste de la Rhodésie du sud, a passé sa vie à guerroyer. En 1980, il devient le Premier ministre du nouveau Zimbabwe, après avoir croupi dix ans en prison. D'abord magnanime, il perd rapidement patience, notamment face aux opposants Ndébélés. Sans pitié, il organise une terrible répression contre eux, provoquant près de 20 000 morts. En 1987, il modifie la constitution pour devenir le président de son pays, qui deviendra officieusement son "royaume." Peu à peu, le pays sombre dans la misère, l'ancien colonisateur britannique coupe les aides et le régime se durcit à mesure que la pauvreté s'étend. Le Zimbabwe bat des records d'inflation et les chiffres des billets de banque amoncellent tant de zéros que cela en devient absurde. Mugabe devient paranoïaque et se méfie de tout le monde, à commencer par l'opposition qui pénètre néanmoins ce pouvoir fermé en 2008, sous la pression internationale.

Mais 7 ans plus tard, les ficelles restent aux mains de ce fantasque président qui n'hésite pas à servir de l'éléphanteau ou du lion à son dernier anniversaire pour mieux faire enrager ceux qui le critiquent.


Pendant ce temps, Grace s'installe sur les estrades et n'hésite plus à prendre la parole en public avec la même cible que son mari : l'opposition. Mais aussi, la vice-présidente du pays, Joice Mujuru, réputée modérée du parti du président et favorite au poste de chef d'Etat. "Certains parmi nous sont même de mèche avec le MDC (le  parti d’opposition) en disant qu’aucune politique ne peut réussir tant que M. Mugabe est au pouvoir" a lancé Grace Mugabe, en novembre dernier, en visant évidemment sa rivale.

Et le couperet ne tarde pas. "Le président a exercé ses pouvoirs exécutifs pour libérer l'honorable Joice Mujuru (...) de son poste avec effet immédiat" affirme un communiqué de décembre 2014. Dans la foulée, tous ses proches sont évincés. Robert Mugabe fait de la place autour de lui et prépare l'arrivée de son épouse.

Sauf que tout ne semble pas se passer comme il l'avait prévu, la faute à un problème médical dont serait victime Grace. A Noël, elle s'envole pour Singapour, officiellement pour une opération de l'appendice. Mais plus d'un mois plus tard, le pays est sans nouvelle et la rumeur court qu'elle est atteinte d'une septicémie. "Les médecins se battent pour sauver sa vie" affirme même le Telescope News, un quotidien local, début février. Les démentis sont immédiats mais un mois plus tard, Robert Mugabe est bien obligé d'admettre que sa femme reste souffrante. "Elle a encore besoin de temps pour se remettre" affirme-t-il le 7 mars dernier sans donner plus de précisions sur les raisons de cet état.

Mais du temps, il n'en dispose pas forcément, et si Grace n'est pas là, quelqu'un doit prendre sa succession. Ce sera donc sa fille Bona. Elle faisait ainsi partie du voyage officiel au Japon que le président zimbabwéen a effectué mi-mars, rôle qui n'est habituellement réservé qu'à ses ministres.

Contrairement à sa mère, la jeune fille de 24 ans a un sacré bagage académique, après avoir étudié la finance à Hong-Kong (sous un nom d'emprunt). L'année dernière, elle se marie avec un pilote de la compagnie Emirates. La cérémonie est évidemment somptueuse et coûte une véritable fortune.


La simple présence de Bona au Japon, attablée aux côtés du Premier ministre Shinzo Abe, a provoqué la colère de l'opposition. "Il n'y a absolument aucune raison pour que Bona Mugabe-Chikore fasse partie de la délégation officielle du gouvernement" s'est plaint Obert Gutu, le porte-parole du MDC qui crie désormais à la "privatisation" du pouvoir.

Pour d'autres, Bona fait simplement ses classes, le temps d'apprendre les arts de la politique zimbabwéenne. Elle pourra ainsi épauler Grace, la prochaine "régente" lorsque celle-ci sera remise de ses ennuis de santé. Pour le moment, Robert Mugabe n'a pas officialisé le statut de sa fille mais l'avènement monarchique de la famille est sans équivoque. Depuis son éviction de la vice-présidence, la vie s'est considérablement détériorée pour l'opposante Joice Mujuru. Sa famille vient de fuir le pays tandis que l'intéressée continue de candidater pour la présidence, malgré les attaques quotidiennes et virulentes du président à son égard. Car si son entourage réfléchit à sa succession, Robert Mugabe reste, toujours, le chef indiscutable du Zimbabwe.


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