ballon_footDeux boules placées dans un bocal ont départagé les équipes de la Guinée et du Mali en Coupe d’Afrique des nations de football. Le tirage au sort, effectué ce 29 janvier à Malabo, a qualifié les Guinéens pour les quarts de finale de la CAN 2015 et renvoyé les Maliens à la maison. Récit d’une journée forte en émotions pour le Sily National et les Aigles.

« J’ai 34 ans et c’est ma dernière CAN. Mais là, j’ai tout simplement envie d’arrêter ma carrière. Je n’ai même plus envie de jouer au football. » Le défenseur Fousseni Diawara fond en larmes. Après treize années de bons et loyaux services, son parcours en équipe nationale du Mali s’achève sur un tirage au sort pour définir le futur adversaire du Ghana, en quart de finale de la Coupe d’Afrique des nations 2015. Deux boules placées dans un bocal ont finalement désigné la Guinée plutôt que le Mali comme deuxième du groupe D, ce 29 janvier 2015 à Malabo. Un tirage effectué dans un hôtel de la capitale équato-guinéenne, en présence des membres du Comité d’organisation de la Confédération africaine de football (CAF) et d’une poignée de journalistes. Un événement rarissime dans l'histoire du football africain.

On en est arrivé à ce cas extrême suite au règlement de la CAN 2015 qui ne prévoyait pas d’autre solution pour départager le Mali et la Guinée, à égalité parfaite à la fin du premier tour, après leur match nul 1-1 disputé la veille à Mongomo. « Tout ça à cause d’un règlement qui va décevoir 16 millions de Maliens, peut-être même plus, lance Diawara lors de l’émission Radio Foot Internationale sur les antennes de RFI. Je pense que le monde du football est triste pour nous, aujourd’hui. […] C’est aberrant, je ne sais pas pourquoi en 2015 on ne trouve pas d’autre solution qu’un tirage au sort ».

Le résultat de ce tirage, la délégation malienne l’a appris quelques minutes auparavant de la bouche d’un journaliste de RFI… Les Maliens attendaient fébrilement de connaître leur avenir dans un hôtel, à quelques mètres du stade de Malabo. C’est dans ce stade que les Aigles auraient disputé leur quart de finale, le 1er février prochain, si le sort les avait désignés. Au lieu de cela, leurs valises s’entassent devant l’entrée de l’établissement . Pour un retour à Bamako.

L’attaquant Abdoulaye Diaby, les yeux dans le vague, assis dans un fauteuil de la salle à manger, secoue la tête sans discontinuer. Il se souviendra longtemps de sa première Coupe d’Afrique des nations. « La CAF a fait ce choix-là et on se demande bien pourquoi, soupire-t-il. Parce que ce n’est pas très sportif d’être éliminé par tirage au sort. Il y a d’autres manières de faire. Des tirs au but à la fin du match, par exemple ». Il ajoute : « C’est la Guinée qui passe, mais au vu du match d’hier, on méritait mieux. […] Après, si on voulait être sûr de se qualifier, il fallait gagner hier soir. On a tout fait pour. Malheureusement, on n’a pas mis le ballon au fond des filets une deuxième fois. » Le capitaine malien, Seydou Keita, qui a raté un penalty face au Sily National, est resté muré dans sa chambre et dans le silence. « C’est le football, c’est comme ça, lâche, dépité, Abdoulaye Diaby. Bonne chance à la Guinée, même s’ils nous ont volés notre place ».

Ibrahima Traoré : « On jouait aux cartes avec les Maliens »

Au Sofitel de Sipopo, à quelques kilomètres de là, les joueurs guinéens sont allongés sur des transats, en bord de piscine, dans un cadre idyllique. Leurs visages rayonnent de satisfaction et de soulagement. Ils évoquent tous la joie que cette nouvelle va apporter dans un pays ravagé par le virus Ebola. Ibrahima Traoré, un des cadres de la sélection guinéenne, raconte le dénouement de cette incroyable journée. « J’étais assis au bar avec (Abdoul) Razzagui, (Kevin) Constant, ma femme, mon père et mon petit frère, explique-t-il. On a entendu une explosion de joie. Les gens ont commencé à crier, à sauter. Comme les Maliens n’étaient pas là, on a compris qu’on était qualifié ».

A quelques mètres de là, le milieu de terrain Kevin Costant se repasse les 19 heures qui séparent la fin du match Guinée-Mali, hier soir, de l’annonce du résultat du tirage, cet après-midi. « Je n’ai presque pas dormi de la nuit. J’ai dû m’endormir vers 4 ou 5 heure du matin. C’était très difficile parce que tu es sous pression, tu es dans l’attente, tu n’es plus maître de ton destin. Tu attends que quelqu’un tire ton nom ». Il ajoute : « Que le Mali soit éliminé de cette manière-là, ça m’attriste un peu, parce que c’est une belle nation et ils ont produit du beau football. ». Ibrahima Traoré poursuit : « Je voudrais rendre un hommage à l’équipe malienne. [...] Ça fait mal au cœur pour eux. Ce matin, à l’aéroport, on jouait aux cartes ensemble. On a pris le même vol qu’eux. On rigolait. On s’est séparé et à ce moment-là, on ne savait pas qui allait rentrer et rester. J’ai beaucoup d’amis maliens. […] J’aimerais leur dire qu’ils méritaient autant que nous d’être là. »

Beaux joueurs, les Maliens saluent également leurs adversaires. « J’aimerais souhaiter bonne chance à l’équipe de Guinée, lance Fousseni Diawara. Ils se sont très bien défendus hier (mercredi soir) et depuis le début de la CAN. Ils n’étaient pourtant pas favoris ». L’attaquant Mustapha Yatabaré souligne: « On ne peut pas critiquer. Si on était passé, on n’aurait pas critiqué le règlement. C’est comme ça et on doit l’accepter ». La veille, après le match, Kevin Constant, qui est son partenaire en club, à Trabzonspor, avait lancé à Yatabaré pour détendre l’atmosphère : « Il faut que tu rentres en Turquie, le coach t’appelle ». Pas sûr que la blague le fasse autant rire, aujourd'hui.

 

RFI