alpha_conde_3L’Afrique compte trois Guinées mais la nôtre s’avère vraiment singulière. La Guinée-Conakry est la plus vaste, la plus peuplée et la plus « âgée » tout en étant la moins «sage». A plus de 56 ans, elle n’est toujours pas mature mais pourrie depuis longtemps en commençant, comme chez les poissons, par la tête. Si, avec toutes ses potentialités minières, énergétiques, agropastorales et humaines elle n’arrive pas à assurer le bien-être de ses habitants, c’est tout simplement parce qu’elle est mal gouvernée.

 

Le problème de la Guinée est celui de son administration. Beaucoup n’ont parlé que de l’incompétence de ses dirigeants. C’est, me semble-t-il, une erreur d’appréciation. Au fil du temps, la compétence pourrait s’acquérir si les dirigeants avaient la ferme volonté politique de construire le pays dont ils ont la charge. La Guinée regorge de cadres dans tous les domaines de l’activité humaine mais ils ne sont pas employés de manière rationnelle. L’homme qu’il faut à la place qu’il faut est un slogan qui n’a jamais été aussi creux qu’en Guinée où c’est souvent le crieur qui squatte la place du décideur. Si la maitrise de la danse du «doundoumba» devient le seul critère pour occuper un portefeuille ministériel, il ne faut s’étonner de rien.

 

Ce qui reste à souligner, c’est moins l’incompétence que la malhonnêteté des leaders, toujours corruptibles et souvent très corrompus. Lorsqu’on est pourri on s’entoure de pourris pour préserver ses intérêts égoïstes. La complicité et la duplicité sont devenues plus payantes que l’honnêteté.

 

La situation catastrophique de la Guinée résulte d’une combinaison de la malhonnêteté de ses dirigeants et de la résignation de ses habitants. Est-il toujours vrai qu’on a les dirigeants qu’on mérite? C’est une question difficile. On constate simplement que certains disent que la Guinée n’a pas de chance tandis que d’autres parlent d’une malédiction du pays, ce qui revient au même résultat car une succession de malchances n’est rien d’autre qu’une forme de malédiction.

 

Pourtant, il n’y a pas de fatalité. La Guinée n’est pas condamnée à la misère à perpétuité. Par l’incurie et l’égoïsme de ses dirigeants elle a déjà purgé à tort une peine de plus d’un demi-siècle, ce qui est un peu trop long. Elle pourrait s’en remettre en se débarrassant du carcan du Profiteur Al Ebola Condé. Une manifestation bien organisée dans l’ensemble du pays et une intifada soutenue à Conakry viendraient facilement à bout de la démocrature qui y règne. Car le régime en place en Guinée est réellement une démocrature.

 

En effet, de loin ce régime a l’apparence d’une démocratie mais de près on constate qu’il fonctionne comme une dictature. La Guinée est dotée d’une constitution « prêt-à-porter », une des mieux copiée au monde, mais elle est violée au quotidien par Al Condé. Le pays a connu des élections mais elles ont été truquées et les suivantes le seront si les conditions actuelles sont maintenues. Une Assemblée qui n’est nationale que de nom est en place mais avec des députés au mutisme éloquent. La plupart de ces derniers pensent d’ailleurs, dans leur immense majorité, que la loi est ce que le chef de l’Etat décide. Il y a une certaine liberté d’expression mais le pouvoir contrôle sans partage la Radio Télévision Guinéenne, cette télé-bidon archaïque qui ne relate que les faits et ne diffuse que les pets du Rassemblement du Peuple de Guinée.

 

Notre constitution est bafouée, violée et piétinée depuis des années. Elle doit avoir la peau dure pour résister aussi longtemps ! Dès qu’un coup lui est porté, l’opposition parle d’un recul de la démocratie. Encore une erreur fréquente d’appréciation ! Pour reculer, il faut d’abord exister. La démocratie n’existant pas en Guinée, elle doit y être instaurée.

 

Il n’y a pas de séparation de pouvoirs mais une confiscation du pouvoir au sein duquel les tâches sont réparties par Al Condé. L’Assemblée «nationale» ne sert à rien pour le peuple et n’est utile que pour les députés qui y sont cooptés pour amuser la galerie et percevoir un pécule de survie. Le comble du ridicule a été la convocation de cette Assemblée par décret d’Al Condé. Son président, Claude Kory Kondiano (CKK) à peine plus grand qu’un cauris y a lu un discours digne de l’ère du PDG (Président Dictateur Général) Sékou Touré. Il semble ignorer son rôle. En ouvrant une session parlementaire, était-il obligé d’inviter les diplomates, les religieux, les militaires et autres gendarmes ?

 

En défendant le 8 octobre 2014 le bilan du gouvernement, CKK a outrepassé son rôle et parlé pour le compte du soi-disant Premier Ministre. En soutenant, dans ce qu’il nomme hémicycle (il croit que c’est un synonyme du mot Assemblée !) que «…l’Assemblée Nationale est entièrement autonome et ne doit donc, en rien, être influencée par l’Exécutif… » il a fait preuve d’hypocrisie et de mensonge. Il mériterait un éventuel «soumbara d’or» de la flatterie grossière et servile.

 

En Guinée, le pouvoir législatif n’est pas à l’Assemblée mais au politburo du RPG. Est-ce un hasard si à l’assemblée générale du RPG tenue le 13 septembre 2014, à Hamdallaye, le ministre des Travaux publics, Mohamed Traoré, a affirmé que son département n’est ouvert qu’à ceux qui sont disponibles pour ce parti ?

 

C’est le même individu qui est l’auteur des propos suivants :

 

«Notre ….objectif est la consécration du professeur Alpha Condé pour un second mandat pour les élections de 2015. Et je sais que sur le terrain on a déjà gagné, car le RPG reçoit aujourd’hui les cadres au sein du parti».

 

Les élections n’ont, par conséquent, plus d’intérêt !

 

« Militez au RPG ou partez !»

 

Voilà le pluralisme politique selon Al Condé. Un changement négatif c’est-à-dire contre tout ce qui est démocratique.

 

Al Condé a commencé à vieillir en France, pays de vin et de démocratie mais tout porte à croire qu’il apprécie plus la variété des liqueurs de ce pays que le pluralisme politique qui y est établi. Il est allergique à l’Etat de droit. Opposé publiquement au Général Conté, il se présentait comme le combattant pour la démocratie; parvenu Président de la république, il estime légal tout ce qu’il fait et traite ses opposants d’ennemis du changement. Son épopée a consisté en une «malinkanisation» systématique de la Guinée: administration du territoire, armée, gendarmerie, police, diplomatie, médias, etc.

 

Le propre des dictateurs est de n’appliquer aucune constitution, fût-elle la leur. Ainsi, Al Condé ne respecte et ne respectera pas la constitution guinéenne. Même la «Charte de Kouroukan Fouga», document grossier et fantaisiste élaboré en 1998 à Kankan ne trouverait pas grâce à ses yeux.

 

Al Condé ne se comporte pas en Président de la République mais en chef de tribu, doté d’une milice tribaliste (les « donsos » ou chasseurs traditionnels). Pour lui, la Guinée est le Mandé mais son Mandé n’est pas pluraliste puisqu’il n’y promeut que certains éléments issus du groupe malinké. L’Etat guinéen est pris en otage et son ossature ne reflète nullement l’hétérogénéité ethnique du territoire. Compte tenu de ses méthodes aux relents communisants, Al Condé apparait bien comme le promoteur d’un Mandé Suprême en construction dont il rêve d’occuper à vie la présidence du présidium.

 

Mais ce rêve commence à se briser pour prendre des allures de cauchemar avec la chute de son compatriote Compaoré. Blaise a échappé aux braises du Burkina Faso et ne doit la vie sauve que grâce à ceux qui l’avaient installé au pouvoir en passant sur le corps d’un certain Thomas Sankara. Il est arrivé par le sang et a été exfiltré après un versement de sang. Le peuple burkinabé a gagné et doit rester vigilant pour éviter qu’on ne lui confisque sa victoire. C’est un exemple salutaire pour toute l’Afrique dans sa marche chaotique vers la démocratie. Les dictateurs déguisés en démocrates sont une espèce en voie de disparition mais il reste encore de sinistres individus comme Al Condé. Ce dernier est pire que Compaoré.

 

En effet, Blaise Compaoré tripatouillait la Constitution du Burkina ; Al Condé piétine purement et simplement celle de la Guinée. BC était le Président (certes quasi autocrate) de tous les Burkinabés ; AC est le président coopté par des intérêts étrangers ne gouvernant que pour certains Guinéens. BC avait autour de lui des cadres généralement compétents ; AC s’est entouré de voleurs pour mieux pratiquer son sport favori, le vol. BC a permis l’assainissement d’Ouagadougou; AC n’a rien fait pour rendre Conakry moins insalubre. Au Burkina Faso, avant et sous BC, les Peulhs sont toujours des citoyens à part entière; en Guinée, sous AC, les Peulhs sont redevenus comme sous Sékou Touré des citoyens entièrement à part. Pour BC il y a les Peulhs du Burkina Faso avec des droits et des devoirs comme tous leurs compatriotes; pour AC, il y a des Peulhs en Guinée mais ne devant pas jouir de la plénitude de leurs droits et contraints de s’écraser politiquement, administrativement et économiquement. Au Burkina Faso, l’ethnocentrisme est un délit réprimé; en Guinée c’est une opinion encouragée s’il concerne les Peulhs. Au Burkina Faso on respecte la diversité ; en Guinée on cultive l’adversité.

 

Comme certains politiciens, BC mentait de temps en temps, puisait probablement un peu dans les caisses de l’Etat mais équipait quand même son pays de naissance. Il n’aurait jamais admis un recensement bidon indiquant, par exemple, que la ville de Kaya (où on devrait circonscrire AC !) est plus peuplée que Bobo Dioulasso. Comme tout politicard, AC ment tout le temps, pille (grâce à son système de guichet unique) toutes les recettes de l’Etat et les fonds provenant de l’aide au développement sans équiper son pays d’adoption provisoire. En plus, il affiche grossièrement des chiffres aussi faux que fous. Ainsi, d’après le recensement général qu’il a initié, le nombre de personnes de moins de 18 ans et d’étrangers vivant à Kankan ( 1 208 834) est plus élevé que celui des Guinéens de 18 ans et plus résidant à Conakry (1 152 665). Peut-être qu’AC a mandaté le virus Ebola pour contrôler l’identité des résidents de la capitale. A son visage, ce dur à cuire a tout l’air de couver en permanence une fièvre!

 

Mais les 2 C (Compaoré et Condé) ont en commun la myopie politique: BC n’a pas vu que les Burkinabés en avaient assez de lui et avait sous-estimé leur détermination ; il a été contraint de partir. AC ne voit pas que les Guinéens en ont plus qu’assez de lui et ignore que leur réveil peut être brutal; il n’est pas sûr qu’il puisse fuir. Dans un cas il s’est agi de chute et d’expulsion, dans l’autre, il s’agira de chute et d’arrestation.

 

Quoi qu’il en soit, un dictateur en moins est toujours un grand bien en plus. Compaoré est parti alors que son nom a toujours été cité dans les conflits qui ont déstabilisé la sous-région. Ne pourrait-il pas, de l’extérieur, déstabiliser son propre pays afin d’y revenir en prétendu sauveur? Le risque existe car des hommes comme le général Honoré Traoré ne sont pas que des proches de Compaoré ; ils sont encore dans la poche de l’ancien Président.

 

La détermination des Burkinabés est à saluer et il y a même de quoi en être jaloux, au sens positif du terme. Ils en ont, comme on le dit, ces Burkinabés ! Ah, s’ils pouvaient expédier à Conakry une cargaison de « couilles » pour rapatrier leur compatriote AC que certains qualifient de mossi, ce qui constitue une injure aux valeureux Mossis ! AC est plutôt moisi. On réceptionnerait cet envoi sans dédouanement. En attendant pourquoi bouder le plaisir de savoir que le chien de Conakry a perdu son maitre d’Ouagadougou ?

 

Les Burkinabés se sont libérés eux-mêmes. Ceux de la capitale étaient tellement nombreux dans la rue qu’on se demande si un certain Moussa Dadis Camara n’était pas parmi les manifestants. Pourtant Compaoré semblait être solide comme un roc. Les Guinéens peuvent aussi se libérer par eux-mêmes car Al Condé a des pieds d’argile et est plus friable qu’on ne le croit.                                                                                                                                      

 

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                   Les frustrations qui s’accumulent dans le pays traduisent le bilan désastreux d’Al Condé: échec économique total, chômage persistant, climat politique malsain, violence permanente, insécurité généralisée, ethnocentrisme affiché, équipement sanitaire minable, etc.

 

Pourtant Al Condé persiste et surtout saigne abondamment la Guinée. Au rythme où la Guinée se laisse conduire par Al Ebola Condé, les revenus qu’il perçoit au titre de la lutte contre l’épidémie vont bientôt dépasser les recettes tirées de certaines exportations du pays. En bon spécialiste de la manipulation des chiffres, beaucoup de morts en Guinée vont être comptabilisés dans la rubrique «victimes d’Ebola», dans le seul but de gagner de l’argent.

 

Malheureusement, en face de la peste Al Condé il n’y a qu’une opposition perçue comme le choléra par la majorité des Guinéens. Plus le changement d’AC se poursuit, plus la Guinée recule. Si Al Condé avance, c’est parce qu’il ne rencontre aucun obstacle: l’opposition officielle guinéenne n’est pas une véritable opposition. En tant qu’accompagnatrice d’Al Condé, elle est devenue une source intarissable de nuisances contre les Guinéens.

 

Ce n’est pas en récitant des prières qu’on fera partir Al Condé mais en lui lançant des pierres. Il boite, certes, mais ce n’est pas le chapelet d’un marabout qui fera trébucher ce maléfique aventurier qui avait réussi l’exploit d’escalader un mur et de fuir en se déguisant en imam !

 

Le slogan TSA (Tout Sauf Alpha) fait rigoler car il ne signifie rien d’autre que «Toujours Servir Alpha» ! AC est déjà en campagne mais immobilise ses adversaires officiels par l’épouvantail Ebola en leur interdisant tout meeting politique. Il dispose d’un outil qui porte le nom ambigu de CRAC 2015 (Collectif pour la Réélection d’Alpha Condé). Donc après un mandat volé, un autre plus stupéfiant est programmé. Lorsqu’on voit le visage euphorique du président de ce collectif, Malick Sankhon, on est en droit de se demander s’il ne prend pas du crack !

 

Toujours est-il que dans les conditions actuelles aucune élection ne sera transparente en Guinée. Tout est faussé par un fichier électoral élaboré pour le maintien au pouvoir d’Al Condé. Donc pour chasser ce dernier il faut la rue, rien que la rue. C’est possible mais encore faut-il une forte dose de détermination et un minimum d’organisation, ce dont n’a pas fait preuve l’opposition. Tout dialogue avec le pouvoir actuel est stérile car AC ne respecte que la violence.

 

AC n’a pas peur des urnes puisqu’il en est le fabricant. Ce qui l’inquiète, c’est la rue et non ces propos à peine caricaturaux qu’on pourrait prêter à son « opposant de rêve ».

 

"Je prends à témoin l'opinion nationale et internationale, terrestre et extraterrestre, interne et externe, d'en bas et d'en haut, de gauche et de droite, du jour et de la nuit, de la savane et de la forêt, des montagnes et des plaines, de l’opposition parlementaire et extraparlementaire et j'informe Son Excellence le Professeur Alpha Condé, Président démocratiquement élu de la République de Guinée et du RPG, Ministre de la Défense qu’en ma qualité de très honorable député, plusieurs fois ministre, ancien Premier Ministre, aujourd’hui Président en exercice prolongé de mon parti politique et reconnu comme opposant conciliant, ne ferai absolument rien pour empêcher un Président démocratiquement élu de se faire démocratiquement réélire !

 

J’avertis le vaillant peuple de Guinée et les militants (motards ou pas) de mon parti, proches ou éloignés de leur fief mais toujours prêts à être sacrifiés que le Président Alpha Condé, Professeur diplômé de la Sorbonne et vainqueur incontestable de « Monseigneur » Ebola, va encore me gifler publiquement après m’avoir déjà qualifié de gentil garçon et que, pour préserver l’unité nationale, la paix et la concorde de notre chère patrie, moi le gentil garçon lui tendrai, comme d’habitude et pour ne pas le contrarier, l’autre joue dont les plaies peinent à cicatriser. Je m’engage à accompagner dignement à leur dernière demeure ceux qui seront massacrés brutalement même à leur domicile…»

 

Je vous salue tout en étant triste car ce n’est pas en miaulant qu’un chaton peut empêcher l’âne de passer, même avec une patte cassée.

 

Ibrahima Kylé Diallo