blaise compaore_1Après 27 ans de pouvoir dans son pays, Blaise Compaoré a dû quitter le Burkina Faso jeudi sur la pointe des pieds face à son entêtement à imposer à son peuple sa volonté. M. Compaoré tenait à son idée de modification constitutionnelle  de l’article  37  qui  limite  à  deux  le  nombre de mandats  présidentiels  au référendum, jusqu’à ce vendredi matin. Mais il n’y est pas arrivé.

 

Il est désormais constant que Blaise Compaoré a quitté le pays avec l’aide de l’armée française et pourrait bien se trouver entre le Maroc, la Côte d’ivoire ou encore le Sénégal. Sa destination n’est pas encore connue.

Arrivé au pouvoir en 1987, l’homme est cette année à son 27e année de pouvoir mais n’est toujours pas satisfait. L’occasion de sa chute, Œil d’Afrique revient sur les 10 dates clés qui ont précipité sa chute inattendue ce 30 octobre 2014.

08 décembre 2013 : le début d’un feuilleton qui conduit à la chute du Capitaine

Tout a commencé le 08 décembre 2013. Alors qu’il étaient en France où il a pris part au sommet de l’Élysée sur la paix et la sécurité en Afrique, Blaise Compaoré invité  dans l’émission  Internationales  de RFI,  TV5Monde et  Le  Monde pour répondre entre  autres  aux questions sur le Mali, la Centrafrique, le développement économique de l’Afrique, le partenariat avec la Chine, avait été contraint d’aborder la question de sa succession.

 

C’est alors qu’il dévoila son intention de modifier la constitution par référendum pour briguer un 5e mandat à la tête du pays. Une ambition mal ficelée qui aboutit finalement à sa chute ce jeudi 30 novembre.

 

04 janvier : vague de défection au sein du parti au pouvoir

 

Contestant la tentative de Blaise Compaore de s’éterniser au pouvoir, plusieurs milliers de cadres et militants du parti de Compaoré, le Congrès pour la démocratie et le  progrès  (CDP,  parti  au  pouvoir)  ont  décidé de déposer  leur  démission. Il s’agit de pour eux de la  contester  la manœuvre politicienne de Blaise Compaoré visant la mise en place du controversé Sénat et la modification de l’article 37 de la constitution, limitant le nombre de mandats présidentiels.

Dans une lettre,  datée du 5 janvier  2014 et  adressée  au Secrétaire  exécutif national (SEN) du CDP, Assimi Koanda, 116 démissionnaires du Nord du pays, ont affirmé suivre les pas des 75 premiers militants ayant quitté le parti, la veille.

 

07 janvier : la médiation d’Abidjan n’a rien donné

 

Sentant la situation qui devenait de plus en plus délétère, Alassane Ouattara déléguait Guillaume Kigbafori  Soro et deux ministres du gouvernement ivoirien pour aller témoigner son soutien à Blaise Compaoré et tenter une médiation entre les dissidents et le président burkinabè.  A l’époque, Guillaume Soro avait  invité,  au  nom d’Alassane Ouattara,  tous  les  Burkinabè  à  privilégier  le  dialogue  pour maintenir et consolider la paix et la stabilité au Burkina Faso. Peine perdue. Aucun dialogue n’a abouti.

Après l’échec de la tentative de rapprochement des deux camps faite par des émissaires d’Alassane Ouattara dont Guillaume Soro, les dissidents du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, pouvoir) ont créé leur parti politique. Dénommé le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), ce parti d’opposition présidé par l’ancien président de l’assemblée nationale, Roch Marc Christian Kaboré, avait promis d’écrire une nouvelle page de l’histoire en consolidant son implantation pour une alternance démocratique en 2015.

 

18 janvier : l’opposition allume la flamme de la contestation

 

L’opposition n’a pas faibli depuis le début de l’année face à la  volonté  affichée  et  déclaré  au  début décembre  du  président  burkinabè  Blaise  Compaoré  de  se  maintenir  au  pouvoir  en  procédant  à  une modification constitutionnelle ; modification qui lui permettra de se représenter à l’élection présidentielle de 2015 et de mettre en place un Sénat. Elle organise dans la foulée, une manifestation qui a rassemblé début janvier plus de300.000  personnes  selon  les  organisateurs  pour  rejeter  l’idée  de  la  modification  de  l’article  37  de  la constitution  qui  empêche  Blaise  Compaoré  de  se  représenter.

 

10 mars : échec de la médiation de l’ancien président Jean-Baptiste Ouedraogo

 

Déjà le 10 mars 2014, on notait un impossible dialogue entre le pouvoir et l’opposition et la médiation qui était conduite par l’ancien président du pays avait complètement échouée. En effet, avant même que la question de la modification de la Constitution pour un nouveau mandat du président Blaise Compaoré et la création du Sénat ne soit abordée, l’opposition avait mis en difficulté le pouvoir qui ne savait plus à quel saint se vouer.

La reprise des travaux de la médiation ce jour n’a duré qu’à peine une heure alors qu’elle a été suspendue pendant un mois. Les différents protagonistes n’ont pas trouvé de compromis sur la demande de mandat de l’opposition politique délivré par Blaise Compoaré. Zephirin Diabré, Le chef de file de l’opposition assure que cette exigence n’est que la suite logique de sa rencontre avec le président Blaise Compaoré en novembre 2013.

 

12 avril : La majorité voulait faire le forcing

 

Suite au congrès des dissidents du parti au pouvoir où ils se sont clairement opposés à toute idée de modification de la Constitution, le Front républicain, regroupant le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, au pouvoir) et une quarantaine de partis politiques de la majorité et de l’opposition, s’est dit favorable pour l’organisation d’un référendum lors d’un meeting tenu le 12 avril à Bobo-Dioulasso (Ouest).

 

31 mai : L’opposition donnait la première alerte au Stade du 04 août

 

Foncièrement opposée à toute idée de modification constitutionnelle, l’opposition burkinabè avait donné les signaux de sa détermination à faire échec à l’initiative de Blaise Compaoré et de le faire partir du pouvoir.  Un gigantesque meeting dans le plus grand stade d’Ouagadougou qui a affiché complet. Les participants à ce meeting protestent contre un éventuel référendum sur une modification de la Constitution, qui permettrait au président Compaoré de se maintenir au pouvoir. Les 35.000 places du stade avaient trouvé preneur. Et pour les manifestants, le grand baobab doit tomber ».

 

23 août : Deuxième grande alerte de la mobilisation massive du peuple contre Compaoré

 

Face à l’entêtement de l’ancien général des armées de l’ancienne Haute Volta, l’opposition remettait une nouvelle manifestation en guise de réponse aux déclarations faites par Blaise Compaoré aux Etats-Unis d’Amérique (USA), en marge du sommet USA-Afrique. M. Compaoré avait indiqué que les réalités américaines n’étaient pas les mêmes que celles d’Afrique et que les pays d’Afrique ont besoin de stabilité pour leur développement. Déclaration fait pour justifier son ambition de sauter le verrou constitutionnel pour rempiler un nouveau mandat à la tête du Burkina Faso qu’il dirige maintenant depuis plus de 27 ans.

 

28 octobre 2014 : Dernier avertissement à Blaise Compaoré

 

Pour dénoncer le projet de révision constitutionnelle controversée introduit à l’Assemblée nationale pour permettre le maintien au pouvoir de Compaoré, des centaines de milliers de Burkinabés sont descendus dans la rue dans les grandes villes du pays. L’opposition avait dénombré plus du million de manifestants. On note ainsi des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre. La Statut de Blaise Compaoré, qui avait fermé auparavant les écoles et les stations d’essence, sera saccagée à Bobo Dioulasso.

 

30 au 31 octobre 2014 : Le passage en force n’a pas eu lieu et le général chute

 

Alors que des voix se lèvent de partout pour appeler le président burkinabè à respecter la volonté de son peuple en se pliant à la Constitution, Blaise Compaoré, comptant sur la force brute de l’armée fonce droit dans le mur.

Dès la matinée de ce jeudi, la capitale Ouagadougou sombre dans la violence. L’Assemblée nationale est incendiée et la télévision publique prise d’assaut par les manifestants. Même l’annonce par le gouvernement de l’annulation du vote de la révision constitutionnelle n’a pas calmé les ardeurs des manifestants qui ont décidé de marcher sur la Présidence. Les médias ont annoncé le départ de Blaise Compaoré et des militaires se joignent à la révolution du 30 octobre. A Bobo Dioulasso, deuxième ville du pays, la mairie et le siège du parti présidentiel sont incendiés.

Le 31 octobre à 13h GMT, l’armée a fini par dire ce que la population demandait depuis des jours et des jours. Le président Blaise Compaoré n’est plus le première des Burkinabè et a signé sa démission.

Didier Assogba
et Roger Musandji
Oeildafrique.Com