compaoreDes manifestants ont envahi et incendié le Parlement à Ouagadoudou pour protester contre le chef de l'État, qui veut modifier la Constitution pour prolonger ses 27 ans au pouvoir. Face à la protestation, le projet a été annulé.

Ils ont pris d'assaut la télévision nationale, envahi le Parlement avant d'y mettre le feu : les opposants au président burkinabé, Blaise Compaoré, sont passés à l'action. Ils protestent contre le projet de loi de révision constitutionnelle actuellement en débat au Parlement. Celle-ci pourrait permettre à Blaise Compaoré de se représenter à l'élection présidentielle en 2015. Or cela fait 27 ans que ce dernier est à la tête du Burkina-Faso... Suite à ces attaques et par crainte que les débordements n'enflamment tout le pays, le gouvernement a déclaré l'annulation de ce projet et a appelé la population au calme.

Seulement, après avois saccagé le Parlement, des centaines de manifestants sont à présent regroupés devant le palais présidentiel, où ils font face à la garde présidentielle. La situation a également dégénéré au domicile de François Compaoré, le frère du président et personnalité influente du régime. Alors que les manifestants tentaient de prendre d'assaut les lieux, les forces de l'ordre ont tiré à balles réelles sur la foule. L'intéressé a finalement a été arrêté à l'aéroport de Oaugadougou, affirme RFI. Les échauffourées ne se limitent pas à la seule capitale. À Bobo Dioulasso, la deuxième ville du pays, la mairie et le siège du parti présidentiel ont été incendiés.

L'un des chefs de file de l'opposition, Zéphirin Diabré, a toutefois appelé au respect de la démocratie, excluant une prise de pouvoir par la force. La France , dont des membres des forces spéciales sont stationnés sur le sol du Burkina, appelle au calme et demande «à toutes les parties de faire preuve de retenue». Les ressortissants français ont été regroupés dans l'ambassade française à Ouagadoufou.

Cela fait 27 ans que Blaise Compaoré est au pouvoir

Arrivé au pouvoir en 1987 lors d'un coup d'État qui avait coûté la vie à son prédécesseur Thomas Sankara, il a ensuite été élu pour deux septennats (1992-2005) et deux quinquennats (2005-2015), la dernière fois en novembre 2010 avec le score soviétique de 80,15% des suffrages exprimés.

Malgré ces nombreuses années d'exercice, Blaise Compaoré n'est pas lassé d'exercer la fonction suprême et prépare déjà le terrain de l'élection de 2015. Théoriquement, il n'a pas le droit de se représenter, la Constitution limitant le nombre de mandats présidentiels. Mais le président ne l'entend pas de cette oreille. Les proches du chef de l'Etat avancent que celui-ci voudrait «achever la modernisation du pays».

Le 21 octobre, le Conseil des ministres avait donc annoncé la tenue prochaine d'un référendum pour modifier la Constitution. L'objectif: retoucher l'article 37 limitant à deux le nombre de mandats présidentiels. Une vielle ficelle: l'article 37 a déjà été modifié en 1997 puis en 2000, pour permettre à Compaoré de se maintenir au pouvoir. Après le ralliement le weekend dernier de la troisième force politique au parti présidentiel, l'exécutif pourrait disposer du nombre de parlementaires nécessaire - les trois quarts de l'hémicycle, soit 96 sièges sur 127 - pour entériner directement la loi, sans passer par un référendum.

L'opposition craint que ce nouveau changement, qui ne devrait pas être rétroactif, conduise le chef de l'Etat à accomplir non pas un mais trois mandats supplémentaires, lui garantissant 15 années de plus au pouvoir. Un cauchemar pour une partie de la population: 60% des 17 millions de Burkinabé ont moins de 25 ans et n'ont jamais connu d'autre dirigeant que Blaise Compaoré. Le Burkina fait partie des 10 pays les moins développés du monde, avec un Indice de Développement Humain (IDH) de 0,343 (à titre de comparaison, la France a un IDH de 0,884). Dans ce pays très jeune et très pauvre, la moindre étincelle peut mettre le feu aux poudres, ce qui avait conduit le gouvernement à fermer les écoles et les universités il y a une semaine, alors que la gronde commençait à monter.

«Le 30 octobre, c'est le printemps noir au Burkina Faso»

Mardi, une monumentale manifestation s'était déroulée dans les rues de Ouagadoudou, rassemblant plus d'un million de personnes selon les organisateurs, aux cris de «Blaise va t'en» ou du moins poli «Blaise dégage».

«Le 30 octobre, c'est le printemps noir au Burkina Faso, à l'image du printemps arabe», avait déclaré mercredi Emile Pargui Paré, candidat aux présidentielles de 2005 et de 2010, et cadre du Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP), jeune mais influent parti d'opposition. Avec d'autres membres de l'opposition, il a appelé les manifestants à marcher sur le Parlement jeudi.

«Notre lutte est entrée en phase finale. Maintenant, ça passe ou ça casse, la patrie ou la mort», avait lancé Zéphirin Diabré, autre chef de file de l'opposition.

L'Union européenne avait appelé mercredi soir à l'abandon du projet de révision: «Tout ce qui risque d'affecter ou de remettre en cause la stabilité, le développement équitable et les progrès vers la démocratie doit être rejeté d'un commun accord afin de consolider l'unité nationale», a affirmé le service d'action extérieure de l'UE.

Sur le continent africain, au moins quatre chefs d'Etat, embarrassés par leurs propres Constitutions, préparent ou envisagent des révisions similaires pour se maintenir au pouvoir: au Congo Brazzaville, au Burundi, en République démocratique du Congo et au Bénin. Le «pays des hommes intègres» (traduction de «Burkina Faso») ouvrira-t-il le chemin?

 

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