colombe2Les experts en dynamique des organisations, comme le Professeur John P. Kotter de l’université d’Harvard, sont unanimes: le changement est la  plus constante des dynamiques sociales.

Le changement social c’est la transformation de l’essence de codes normatifs qui  définissent les échelles de valeurs sociale, politique, et économique. Ce changement est donc multiforme et il transparait dans l’expression de toutes les facettes  des activités sociales et marque les civilisations. Toute organisation sociale n’est qu’un système avec des sous-systèmes (politique, économique, administratif, etc.); si elle ne s’adapte pas d’une part aux contraintes interrelationnelles des éléments humains qui la composent et, d’autre part, aux contraintes de son environnement, elle devient dysfonctionnelle.

La crise politico-sociale que la Guinée traverse résulte de la lenteur quant à l’adoption d’un modèle de gouvernement qui réponde au besoin de changement qui s’opère inexorablement en Guinée. Il faut adapter le model de leadership Guinéen aux normes qu’exige la réalité sociopolitique nationale, et régionale dans le complexe contexte de la mondialisation. La dimension ethnique de la crise, bien que réelle, n’en est qu’un des symptômes et non la cause fondamentale.  Pourquoi le thème de changement devient pressant dans le contexte de la Guinée d’aujourd’hui ? Comme dit ci-dessus, le changement est une partie inhérente du développement historique  de toute société.

Par exemple, avant  les indépendances certaines communautés Guinéennes s’intéressaient à la gestion du pouvoir public tant dis que d’autres s’y intéressaient moins. Mais avec l’esprit  des indépendances en 1958, cette donnée à graduellement changé. Ensuite est venue, ce que les historiens politiques appellent « la troisième vague de démocratie » en Afrique, à partir des années 1990. Ce courant  est venu accélérer ce processus de « repositionnement » mental des Guinéens vis-à-vis du pouvoir et de son exercice. Chacun de ces communautés a commencé à affirmer son identité multidimensionnelle et  à vouloir participer à la définition du destin du pays par le biais de la politique.

Bien que le changement soit constant, C’est à partir du début des années 1990 qu’il est devenu soudain et violent avec les ondes de chocs s’irradiant dans le monde entier. Ce fait planétaire majeur a initié une force centrifuge sans précèdent dans l’histoire des cultures et civilisations politico-économiques notamment en Europe et en Afrique. En Europe, les symboles de ce changement ont été, entre autres, la chute du mur de Berlin, le 19 novembre 1989 et la désintégration de l’URSS, en décembre 1991. En Afrique, il s’est manifesté par la fin de l’Apartheid en Afrique du Sud et par l’élection du premier noir à la présidence de ce pays. Il y a aussi eu la tenue de Conférences Nationales au Zaïre au Togo, etc. pour évaluer l’état de choses afin d’amorcer des mesures correctionnelles. Pour des raisons inavouées d’intérêts personnels, le pouvoir et l’opposition ont réussi à éviter la tenue de la  conférence nationale en Guinée. De ces raisons il y avait  la gestion catastrophique du pays par les uns et l’implication des autres dans les manœuvres contre la Guinée depuis l’indépendance. Cette parade a empêché les Guinéens de faire la lumière sur la responsabilité des uns et des autres sur le passé houleux de notre pays. La tenue de la conférence nationale aurait aussi servi de   catharsis collectif pour atténuer les rancœurs conséquentes aux tords politiques commis contre les uns et les autres en Guinée.

Aussi après les élections de 2010, la classe politique Guinéenne ne semble pas envisager encore moins entreprendre un changement intégré et profond de l’organisation sociopolitique de notre pays. Cette limite d’efforts quant à l’adaptation de l’organisation de notre pays aux contraintes en vigueur est une des causes majeures qui y alimentent la crise plurielle. La mainmise sur les leviers de l’économie, et le contrôle des postes de décisions dans l’administration nationale, entre autres, n’en constituent que des symptômes.

En fait, gouverner un pays c’est gérer simultanément les problèmes présents et futurs. La gestion du futur, selon Henry Mintzberg, Professeur à l’Université de Montréal, est une des capacités indispensables que doivent posséder les leaderships pour la gouvernance effective des pays. En ce moment, il est évident que la Guinée est arrivée à un point crucial du développement historique de son système de leadership. Aucune frange de sa société  n’est désormais disposée à jouer le rôle de second rang sur la scène sociopolitique nationale. C’est pourquoi, pour maintenir la paix au sein de notre population composite, il devient nécessaire que les Guinéens conçoivent  et pratiquent la philosophie de l’intégration de tous. La voie qui y mènera passe indéniablement par la démocratisation effective du pouvoir : Respect de la Constitution (qui doit être reformulée) ; tenue d’élections régulières et transparentes ; pratique d’un vrai multipartisme ; libération et responsabilisation de la presse privée; et séparation réelle des pouvoirs (Législatif, judiciaire et exécutif). En fait, comme le disait Abraham Lincoln, « Tous les citoyens doivent participer, directement ou non, aux prises de décisions qui moulent leur destin collectif ». C’est dans l’esprit de l’instauration de gouvernements participatifs que le Président Obama avait demandé au Parlement Ghanéen, le 11 juillet 2009, d’instituer des institutions fortes en place de présidents forts. Récemment en août 2014, lors de sa rencontre d’avec les chefs d’Etats africains, il a enjoint encore ces derniers de promouvoir la démocratie dans leurs pays.

Pour conclure la réflexion sur le changement et sa nécessité en Guinée, les politiques et les intellectuels  Guinéens doivent faire l’effort de comprendre la gravité de la tension qui couve dans le pays. Ils doivent prendre des mesures appropriées pour éviter les turbulences, de plus en plus prévisibles, pendant et après les présidentielles de 2015.

Antoine Akoï Sovogui