logo_ufdgAu sein de l’Union des Forces démocratique de Guinée (UFDG), le divorce semble désormais consommé entre le fondateur et Vice –Président du parti Bah Oury et le Président coopté en 2007 avant d’être investi par le 3ème congrès du parti en août 2009, Cellou Dalein Diallo.

La relation entre les deux hommes n’a certes jamais été des plus idylliques, mais l’image d’unité qu’ils affichaient et affirmaient s’est désormais craquelée.

La rivalité entre les deux hommes qui trouve son origine dans une différence d’appréciation de la stratégie politique à avoir face au pouvoir est entretenue par des militants et surtout attisée par des apparatchiks du parti. Le dernier épisode d’un bras de fer qui remonte à trois ans lorsque le pouvoir d’Alpha Condé a accusé Bah Oury d’avoir ourdi un complot dans une grande passivité voire une relative indifférence du parti, est l’annonce de l’organisation du congrès des sections du parti à Paris.

 

Le Congrès de Paris, nouvel élément dans la pomme de discorde de l’UFDG

 

Le 10 avril 2014, des sites Internet publient une annonce dont voici un extrait « les Sections UFDG de France informent les membres de l'UFDG en France et du reste du monde, de la tenue du congrès des sections de l’UFDG de France le Samedi 12 avril 2014 à Paris.

Comme le stipule les statuts du parti, les délégués des différentes sections sont les membres statutaires du congrès. A cette occasion, ils éliront le Bureau Fédéral et fixeront les grands axes des actions de l'UFDG en France ».

Le communiqué est signé des Sections de Bordeaux, Grenoble, Strasbourg, Île-de-France, Nantes, Rennes, Toulouse, Tours, Amiens, Clermont-Ferrand, Pau, Tours, Nice.

 

En lisant ce communiqué, je me suis posé la question du délai qu’il doit y avoir entre l’annonce d’un congrès et son organisation. Mais avant d’avoir pu jeter un coup d’œil aux statuts et règlement intérieur du parti, un autre communiqué, émanant cette fois de la direction nationale (de Conakry) a été publié par d’autres sites Internet le même jour :

« La Direction Nationale de l’UFDG a été informée d’un communiqué appelant des « militants » ou responsables de l'UFDG à un congrès de renouvellement de la fédération UFDG de France pour le 12 avril 2014.

La Direction Nationale de l’UFDG rappelle qu’en son Article 16 Alinéa 16.3, les Statuts du Parti disposent que les congrès des Fédérations sont convoqués et présidés par le Bureau Exécutif du Parti.

La Direction Nationale de l’UFDG informe les militants et sympathisants résidant en France qu'elle n'est pas associée à cette initiative [1] de soit disant sections de l'UFDG France dont l'existence n'est pas connue de notre Fédération de France et dont la démarche est contraire aux statuts et règlements intérieurs de l'UFDG. C'est sans doute ceux qui se réclament de l'UFDG extraparlementaire qui sont à l'origine de cette démarche illégale. Il est évident que ces personnes qui auraient décidé de se réunir pour mettre en place une fédération n'en ont ni le droit ni la légitimité.

En conséquence, la convocation de ce congrès et illégale, nulle et nulle d’effet.

Elle invite les responsables et militants du Parti à poursuivre l’installation des sections dans le respect des Statuts du Parti pour la convocation dans les prochains mois d’un Congrès fédéral conformément aux dispositions statutaires. »

 

 

Mais au moment de vouloir chercher cet article 16 à 16-3, la situation a évolué avec l’installation de la section désavouée avant sa mise en place, un autre communiqué du 12 avril signé du bureau fédéral de France appelant à la tenue d’un congrès pour installer des sections du parti d’île de France :

« La Fédération UFDG-France informe ses militants et sympathisants qu’elle organise un congrès pour la mise en place de la « Section Île de France Nord-Est ». Le congrès aura lieu le dimanche 20 avril 2014 …

Sont concernés par la section Île de France Nord-Est, l’ensemble des militants et sympathisants résidant dans les départements du : 93, 95 et 77.

Le congrès sera organisé et présidé par le Bureau Fédéral UFDG France.

En effet, la mise en place des sections est une priorité et s’inscrit dans la dynamique du renouvellement de la Fédération UFDG France ».

 

Bref, les instances du Parti désavouent un congrès des sections d’île de France pour organiser elles-mêmes un autre congrès pour l’installation de ces mêmes sections.

 

Quelques jours plus tard les média électroniques annoncent que l’UFDG a suspendu Bah Oury le 15 avril. Il lui est reproché d’avoir installé un bureau fédéral parallèle en France et d’avoir incité d’autres militants à en faire autant. Le site du parti qui confirme l’information le 17 avril indique que « Suite aux délibérations du Conseil Politique élargi au Bureau Exécutif et au Groupe Parlementaire des Libéraux Démocrates, le Conseil Politique de l’UFDG a décidé, le mardi 15 avril 2014, de suspendre Monsieur BAH Oury, Vice-Président chargé de la Communication et des Relations Extérieures ».

Cet enchaînement de communiqués nous amène à nous intéresser aux textes de ce parti pour comprendre les conditions d’installation d’une section à l’étranger et les mécanismes de sanction.

 

Statuts de l’UFDG : deux textes, lequel est en vigueur ?

 

En cherchant les statuts de ce parti, ma première surprise a été de trouver deux textes, lesquels, s’ils disent la même chose sont tout de même légèrement différents, même au niveau de la numérotation des articles. L’un a été mis en ligne en octobre 2009 et l’autre en novembre 2012. Mais dans aucun d’eux la date de son adoption n’est mentionnée dans le texte. A l’inverse du Règlement intérieur qui en son article 52 indique « le Présent Règlement Intérieur est adopté par le congrès du Parti en 2009 ».

 

Le bon sens commande de privilégier la version la plus récente, tel semble être la démarche du parti. Mais au regard de l’article 22 (version 2012), les statuts peuvent être révisés par le conseil national (qui est organisé tous les deux ans), ou par le congrès du parti (qui a lieu tous les cinq ans). Le dernier congrès de l’UFDG a été organisé les 14, 15 et 16 août 2009. Donc avant la publication de la version d’octobre 2009. Par ailleurs en dehors d’un conseil politique organisé le 19 décembre, je n’ai pas réussi à avoir des informations sur un conseil national du parti qui s’est déroulé entre 2009 et novembre 2012, d’où l’intérêt de s’interroger sur la modification apportée aux statuts révisés en 2009. A-t-elle respecté les textes ?

 

A titre d’exemple en cherchant l’article 16-3 dans les statuts mis en ligne en octobre 2009, l’article 16 est unique et ne comprend que deux alinéas et concerne le comité des jeunes :

« Article 16 : Comité national des jeunes

Le Comité national des jeunes est l’organe de direction des jeunes du Parti. Ses membres sont élus par la Conférence nationale des jeunes du Parti qui se réunit une fois tous les deux ans.

Le Comité national des jeunes est chargé de proposer au Parti un programme en matière de jeunesse et d’assurer sa mise en œuvre et son suivi. La composition des membres du Comité national des jeunes est déterminée dans les Règlements intérieurs ».

 

A priori, ce n’est pas à ce texte que fait référence la direction de l’UFDG pour désavouer le congrès du 12 avril 2014.

 

Qu’en est-il des statuts mis en lignes en novembre 2012. Ce texte, contrairement à celui mis en ligne en octobre 2009 a un préambule. Son article 16 est relatif aux instances du parti.

Voici la structure de l’article

Article 16:   Instances du Parti

16.1 :   Du Comité de base

16.2 :   De la Section

16.3 :   De la   Fédération

L’article 16-3-c parle du congrès fédéral et est ainsi rédigé :

c)- Le Congrès fédéral est convoqué par le Bureau Exécutif du Parti tous les quatre ans à l’effet de renouveler ses dirigeants.

Le congrès fédéral réunit les membres sortant du bureau fédéral et les délégués des bureaux des sections, les délégués des bureaux fédéraux des femmes, des jeunes et des sages.

Le congrès fédéral a pour objet de statuer sur la vie et le fonctionnement du parti et de faire des propositions sur le développement économique, social et culturel des collectivités de leur ressort.

Le congrès investit les candidats aux conseils communaux et communautaires, aux conseils de districts et de quartiers et propose les candidats du Parti à la députation.

 

Si c’est ce texte de 2012 qui correspond au visa de la direction fédérale de l’UFDG, le congrès qui y est mentionné semble toutefois différent des communiqués de Paris qui parlent de congrès de section.

Qu’en est-il ?

Avant de répondre, il sied de mentionner l’article 14 (version 2012) qui stipule que « L’UFDG est organisée sur l’ensemble du territoire national et à l’étranger en comités de base, en sections et en fédérations »

et l’article 14-4 sur     Organisation à l'étranger :

« Les Guinéennes et les Guinéens résidant à l'étranger, membres de l'UFDG sont organisés par zone de résidence selon leurs effectifs en Comités de base, en Sections et en Fédérations ».

Selon l’article 16-2-c « le congrès de la section est convoqué tous les trois ans par le bureau fédéral (et non par le bureau exécutif) à l’effet de renouveler les responsables, se prononcer sur les candidatures éventuelles aux conseils de districts ou de quartiers et au conseil communal ou communautaire.

Le congrès de section réunit les membres sortants du bureau de la section, les délégués des bureaux de comité de base, les délégués des bureaux des jeunes, femmes, et sages de la section ».

 

En somme l’organisation du congrès d’une section relève du bureau fédéral dont dépend la section et non du bureau exécutif (la direction nationale du parti, voir art.14-6-1).

 

Les sanctions

Le titre III des statuts (art 10 et suivants, v.2012) porte sur les droits et devoirs des membres du parti. Au titre des devoirs listés à l’article 11 on trouve :

-         le respect des Statuts et du Règlement intérieur

-         l’application des décisions du parti

-         le paiement des cotisations dans les délais impartis

-         le respect de la discipline du parti

  

Les médias électroniques faisant état de la sanction infligée au premier vice-président, se réfèrent à l’article 51 des Statuts.

Le hic est que dans la version 2012, il n’y a pas d’article 51. Ni dans la version de 2009.

Par contre l’article 51 du Règlement intérieur porte bien sur les sanctions : « art. 51:   Sanctions : selon la gravité de la faute, les sanctions ci-après sont prévues:

   sanction du premier degré: l'avertissement;

   sanction du deuxième degré: le blâme après avertissement ou une faute grave;

   sanction de troisième degré: la suspension suite à deux blâmes dans la même année ; (celle-ci ne peut pas excéder trois mois)

   sanction du quatrième degré: l'exclusion de toutes responsabilités ;

   sanction du cinquième degré : radiation des rangs du parti.

 

Tout accusé dispose du droit de se défendre contradictoirement et de faire recours aux organismes supérieurs ou aux instances du parti.

 

Le recours est suspensif des sanctions jusqu’à leurs confirmation en raison de la présomption d’innocence.

 

Sauf décision contraire du Conseil national, tout militant qui encourt la sanction du troisième degré perd ses droits d’être électeur et éligible.

 

Selon cette disposition, la suspension qui entraîne la perte du droit d’être électeur et éligible dans le parti est une sanction de 3ème degré qui intervient après deux blâmes la même année. Bah Oury a-t-il déjà reçu deux blâmes en 2014 ? Sachant que le blâme intervient après avertissement ou faute grave.

 

Quel est l’organe qui prononce la sanction ?

 

Suivant l’article 48 du RI alinéa 2 « La sanction est prononcée soit par l’organisme dont il est membre et validée par l’organisme immédiatement supérieur soit décidée directement par la hiérarchie ».

En l’espèce, Bah Oury, membre du bureau exécutif a été sanctionné par Conseil Politique élargi au Bureau Exécutif et au Groupe Parlementaire des Libéraux Démocrates.

Même si le groupe parlementaire des libéraux démocrates sont les membres du parti à l’Assemblée nationale, cette instance n’est pas consacrée par les Statuts, ni par le Règlement intérieur. Par ailleurs, certains membres de ce groupe ne sont pas membres de l’UFDG, même s’ils se sont alliés à ce parti avant les législatives. Cette instance peut-elle logiquement participer à une sanction disciplinaire du parti ?

 

Il est vrai que la démarche de Bah Oury qui se définit comme membre de l’opposition extra-parlementaire, heurte de front les membres de cette instance dont Cellou Dalein Diallo et le second vice-président qui ont été élus députés et ont décidé de siéger à l’Assemblée nationale.

Si toutes ces instances ont prononcé la sanction, quelle institution pourra se prononcer si le 1er vice-président décide de faire appel ? Ce dernier a-t-il bénéficié de son droit de se défendre (être entendu contradictoirement) devant cette agora disciplinaire ?

 

L’objet de la sanction

 

L’article 50 RI se rapporte aux fautes disciplinaires et indique que celles–ci peuvent s’entendre de « tout comportement contraire aux principes définis dans les Statuts et dans le Règlement Intérieur de l'UFDG »

Et  entre autres (liste non limitative)

-         tout acte délibéré ou comportement de nature à porter atteinte à la moralité du Parti;

-         tout refus non motivé d'exécuter une mission ou une décision du Parti;

-         toute violation du programme du Parti, de ses Statuts ou de son Règlement Intérieur;

-         tout refus de s'amender après observations.

 

 

 

La rivalité Cellou Dalein Diallo et Bah Oury qui couvait déjà avant, pendant et après l’élection présidentielle s’est toujours manifestée à travers les structures notamment les sections et fédérations. En France, et dans certains pays, après la coexistence « froide » entre les sections du parti et les comités de soutien de Cellou Dalein Diallo, ce sont des sections bis ou des sections dont la légitimité est contestée par les partisans de l’un ou l’autre qui s’invectivent. En France les conditions de succession du responsable fédéral rentré en Guinée où il est devenu député ont été contestées et ce contentieux n’a toujours pas été définitivement réglé.

 

Peut-on sincèrement s’attendre à un futur rapprochement entre ces deux hommes que leur vision de la politique oppose ? Les médiations et autres tentatives de conciliation menées par des Sages n’ont jusque-là pas abouti. Ont-ils la réelle volonté de se réconcilier ?

Quelle conséquence pour ce parti, à quelques mois des élections municipales et un an de la présidentielle ?

Mais au-delà de la rivalité entre ces deux hauts responsables et d’autres au sein du parti, la question qui se pose est de savoir quel est le projet de ce parti pour la Guinée ?

 

Au regard des statuts, parmi ses objectifs figurent l’instauration de l’Etat de droit et de la démocratie. Or une des caractéristiques de l’Etat de droit est la soumission aux textes, au droit pour éviter l’arbitraire.

Vu les dédales des statuts de ce parti, on est en droit de se poser des questions sur sa conception de l’Etat de droit.

 

Hassatou Baldé

http://jafricacogen.blogspot.fr/2014/04/fissuration-du-premier-parti-de.html