alpha_conde_8Ces jours -ci, on ne parle que de cela. Cela ? … Oui ! De l'épidémie d'Ebola. On en avait parlé naguère en Afrique Centrale. Puis on en avait plus entendu parler. Quoi qu'il en soit c'est une réalité, aujourd'hui, en Guinée. Et les Guinéens, sans entrer dans de longues discussions stériles, doivent être reconnaissants à tous les Gouvernements, Organisations internationales (OMS), ONG (Médecins sans Frontières), au Corps médical guinéen et d'autres qui leur viennent en aide pour éradiquer le fléau.

Mais encore une fois, je me demande, pourquoi la Guinée? Des pays d'Afrique de l'Ouest, (Libéria, Guinée, Sierra Leone), cités à propos d'Ebola, pourquoi est-ce la Guinée qui semble la plus touchée ?

 

L'interrogation n'est pas si naïve qu'on pourrait le croire, tant notre pays semble en permanence être sous l'emprise du Mal depuis son indépendance en 1958. Jamais dictature sauvage n'avait autant fait du mal à son pays en Afrique que celle que Sékou Touré avait installée, conduisant de nombreux Guinéens, d'une part à la mort (que symbolise le sinistre Camp Boiro) et, d'autre part à l'exil aux quatre coins du monde. Cet exil continue encore aujourd'hui, le contexte politique, économique et social ne semblant pas de nature à retenir sur place de nombreux jeunes Guinéens. Les exilés guinéens en Belgique par exemple sont considérés comme parmi les plus nombreux des communautés étrangères. Le gouvernement belge souhaite en expulser vers leur pays et il semble que c'est le Gouvernement guinéens qui s'oppose à ces expulsions. Drôle de pays où l'on refuse le retour de ses nationaux!

Autre pacte de la Guinée avec le Mal, c'est en 1970 qu'on a entendu parler d'une terrible épidémie de choléra qui a été considérée alors comme la voie de pénétration de cette terrible maladie en Afrique de l'Ouest. Bien qu'elle ait fait de nombreuses victimes, le Gouvernement guinéen de l'époque avait opposé un démenti formel à l'existence d'une telle épidémie, pour ne reconnaître qu'une simple « diarrhée mystérieuse », A cette époque, l'information des peuples n'étant pas aussi développée qu'aujourd'hui, Sékou Touré déclarait à l'ouverture, le 20 septembre 1972, de la 22e session du Comité Régional pour l'Afrique de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS): « … D'ailleurs les véritables fléaux qui déciment les peuples ne sont aucunement les maladies, mais plutôt l'impérialisme ». Les régions guinéennes non touchées par cette épidémie du début des années 1970, n'ont, ainsi, pas su qu'une telle épidémie avait touché leur pays.

 

Troisième pacte avec le Mal, mais indépendant de la volonté des hommes, le tremblement de terre de décembre 1983 qui n'a touché que la seule Guinée en Afrique de l'Ouest. 22-24 décembre 1983, un violent tremblement de terre se manifeste à plusieurs reprises dans le nord-ouest du pays. Des villes comme Gaoual, Koumbia sont particulièrement endommagées. Des dégâts sont enregistrés à Mamou, Kindia et Labé. L'Institut Physique du globe de Strasbourg en France avait aussitôt confirmé les informations de Radio-Conakry qui venait d'annoncer la catastrophe. Les premières secousses auraient été enregistrées vers 4 heures du matin GMT. Elles auraient atteint la magnitude de 6,3 sur l'échelle de Richter, ce qui est très élevé. Des centaines de victimes humaines ont été dénombrées. Des marabouts de Guinée se sont emparés aussitôt de cet événement qui pouvait, il est vrai, paraître tout à fait surprenant. « Aucun séisme important n'avait été enregistré jusque - là dans cette partie de l'Afrique   de l'Ouest, si ce n'est dans les lointaines îles volcaniques du Cap Vert. Puisqu'il est exceptionnel, ce séisme, disent les marabouts, doit avoir un sens. Ce sens caché, l'ont-ils révélé à la population? Quoi qu'il en soit la plupart des Guinéens pressentent un grand malheur...

Pour l'homme de la tradition, la mort frappe rarement sans donner quelques signes de son approche. Mais c'est surtout après qu'elle a frappé qu'on interprète le signe dont elle s'est fait précéder. C'est dire qu'avec ou sans les marabouts, la plupart des Guinéens relieront aussitôt la mort du dictateur quatre mois plus tard au terrible tremblement de terre de décembre 1983 ».( Ibrahima Baba Kaké).

 

La rencontre de la Guinée avec le mal ne s'est pas arrêtée en 1984. Tout le monde a en tête les massacres monstrueux de 1985, 2006-2007, 2009 et depuis cette dernière année les exécutions par des forces publiques de jeunes manifestants politiques. Il semblerait que les effets maléfiques de toutes ces calamités qui accompagnent l'évolution du pays ne s'apaiseront que lorsque les dirigeants guinéens adopteront une éthique de droiture vis-à-vis du peuple guinéen. Ce pays vit dans le faire-semblant et le mensonge.

 

Pourquoi être revenu sur tous ces faits passés au regard de la situation actuelle? C'est pour dire qu'en dehors des fébrilités sanglantes des pouvoirs passés guinéens pour sauvegarder leurs assises indéfiniment en place et des fébrilités du Chef de l'Etat d'aujourd'hui, Alpha Condé à vouloir assister à toutes les occasions de réunions qui s'offrent lui, n'importe où dans le monde, il a cruellement manqué quelque chose à la gouvernance de la Guinée. Ce quelque chose, c'est la conscience et la prise au sérieux de ce que le peuple guinéen attend toujours de ses dirigeants. On ne l'a jamais assez dit peut-être dans un pays du niveau d'évolution de la Guinée, la satisfaction des besoins essentiels de la population devait être le vecteur principal de l'action gouvernementale: une alimentation correcte, la santé et le développement de l'hygiène et des soins primaires, l'accès à l'eau potable, à l'électricité, l'éducation etc. Au lieu d'un tel vecteur les préoccupations d'Alpha Condé semble être ailleurs. Se promener un peu partout pour montrer que c'est lui " Le Président de la République, Chef de l'Etat guinéen ». Quelle que soit la situation catastrophique en Guinée, il n'a jamais dérogé à se rendre à des rencontres, même les plus folkloriques, à l'étranger au détriment de sa présence en Guinée. Il a, en somme, montré depuis l'année 2011, que ce sont les aspects ludiques, folkloriques du pouvoir qui l'animent. Depuis son élection, ses deux déplacements notables à l'intérieur du pays l'ont été pour les fêtes de l'anniversaire de l'indépendance. Et quelle indépendance? Il est inutile ici de revenir sur le foudroyant recul de la Guinée depuis la dite indépendance. Mais ceux qui profitent de la situation de misère que connaissent des millions de Guinéens applaudiront toujours les mascarades organisées par le gouvernement.

 

Ce sont peut-être toutes les impostures et les mensonges organisés et entretenus dans ce pays de croyants qui conduisent périodiquement aux étranges rendez-vous de la Guinée avec le Mal. Et c'est la raison pour laquelle j'ai rappelé ci-dessus quelques-uns de ces rendez-vous.

 

Ansoumane Doré, Dijon, France.