cellou_dalein_diallo_1En Guinée Conakry, la population respire un peu. Il n’y a plus, comme l’an dernier, des affrontements meurtriers entre les forces de l’ordre et l’opposition. Mais tout n’est pas réglé, loin de là. A l’approche de la présidentielle de 2015, le ton risque de monter à nouveau entre le président Alpha Condé et le numéro un de l’opposition, Cellou Dalein Diallo. Celui-ci est de passage à Paris. Le président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

RFI : Avant les législatives de septembre, vous avez dit : « Si il y a fraude, l’UFDG ne siégera pas à la chambre ». Mais aujourd’hui, vous dites : « Il y a fraude mais nous siégeons quand même ». Pourquoi cette volte-face ?

Cellou Dalein Diallo : Dans le combat que nous sommes en train de mener en tant que parti politique, pour l’installation de la démocratie, nous avons estimé qu’il ne fallait pas se priver de ce combat au sein de l’hémicycle, nous pouvons essayer de faire prévaloir nos idées. Dès lors que nous avons réussi à empêcher monsieur Alpha Condé de disposer de la majorité qualifiée, même s’il dispose d’une courte majorité, nous pourrions, je pense, avec des arguments pertinents, réussir à convaincre d’autres députés de faire passer des lois qui vont dans le sens des acquis démocratiques et de la protection des droits humains.

Alors c’est vrai que comme le président Alpha Condé ne dispose pas de la majorité des deux tiers, il ne peut pas modifier la Constitution ou le code électoral, mais le numéro deux de votre parti, le vice-président Bah Oury, et l’ancien Premier ministre Lansana Kouyaté disent que vous avez capitulé face au pouvoir et que vos députés non pas la moindre influence sur quelque sujet que ce soit ?

Ça c’est leur opinion mais je pense qu’avec 54 députés sur 114, l’opposition peut faire prévaloir ses points de vue.

C’est la rupture aujourd’hui avec votre numéro deux Bah Oury, qui est en exil en France ?

Nous souhaitons que monsieur Bah Oury revienne à la raison et qu’il rejoigne les rangs de l’UFDG et que nous puissions continuer le combat. Mais pour l’instant, il a plutôt tendance à s’exclure, en refusant tout contact avec le président et ne prend pas son téléphone. Et toutes les décisions prises par le parti à travers ses instances décisionnelles, il les conteste. Il pense que participer aux élections, c’est la capitulation, siéger à l’Assemblée nationale, c’est la capitulation. Je ne sais pas quelle forme de combat un parti politique peut mener sinon par le débat et par l’organisation des manifestations pacifiques. C’est ce que nous avons fait et ce que nous continuerons de faire si nécessaire.

Si vous avez accepté de siéger à l’Assemblée, c’est pour occuper le terrain avant la présidentielle de 2015 et notamment pour préparer dans l’intervalle, les élections communales. Pourquoi ces élections communales sont si importantes ?

D’abord, il faut rappeler que dès son avènement au pouvoir, monsieur Alpha Condé a dissout pratiquement tous les conseils communaux qui ne lui étaient pas favorables, il a remplacé tous les chefs de quartiers. Et ces conseillers communaux et ces chefs de quartiers ont joué un rôle dans l’organisation de la fraude.

Selon les termes de l’accord majorité-opposition du 3 juillet dernier, ces communales devaient se tenir avant le 31 mars prochain. Où est-ce qu’on en est ?

Malheureusement, il n’y a rien qui est fait pour tenir les élections dans ce délai et aucune explication n’a été donnée. Je pense que monsieur Alpha Condé n’est pas pressé pour organiser ces élections, à cause des déboires qu’il a connus lors des législatives. Vous vous souviendrez qu’au niveau des cinq communes de Conakry, il n’a eu aucun député. Il ne souhaiterait peut-être pas organiser immédiatement ces communales avant de mettre en place un dispositif de fraude, peut-être, plus performant. Sinon je ne vois pas pourquoi aucun effort n’a été fait.

Craignez-vous que le calendrier électoral prenne du retard, y compris la présidentielle de la fin 2015 ?

Je n’exclus rien parce qu’il y a beaucoup de discussions sur cet accord du 3 juillet qui devrait être mis en œuvre à l’heure où nous parlons. Mais il y a aucune action. On s’était engagé à recruter un nouvel opérateur dès après les opérations des législatives. Vous vous souviendrez tout le combat qu’on a mené contre Waymark, qui a été recruté dans des conditions que vous savez…

L’opérateur sud-africain qui a été chargé de refaire le fichier électoral.

Le fichier électoral, finalement, lors du dialogue, nous l’avons accepté sous réserve que, dès après il soit renvoyé et qu’un nouvel opérateur soit recruté par appel de frais international pour s’occuper de la révision qui doit précéder l’élection présidentielle de 2015. A ce jour, rien n’a été fait ! Or, on n’a pas de temps.

La semaine dernière, deux anciens ministres du gouvernement de Lansana Kouyaté ont été condamnés par contumace à cinq ans de prison ferme pour complicité de détournements de fonds publics, c’est une première. Est-ce une bonne chose, punir les anciens ministres éventuellement corrompus ?

S’ils sont coupables, oui, je pense qu’il faut mettre fin à l’impunité, si les preuves sont établies. Mais je crains que monsieur Alpha Condé ne soit en train de régler le compte de ses adversaires politiques parce que les menaces qu’ils profèrent, souvent c’est de dire : « Ils ont mis l’économie à terre, je vais publier les audits, je vais les poursuivre… » Ses adversaire politiques font l’objet de beaucoup d’attaques et je ne souhaite pas que ce soit des règlements de compte.

Et vous qui avez été plusieurs fois ministre et Premier ministre sous le régime de Lansana Kouyaté, est-ce que vous vous sentez visé ?

Visé par Alpha sans doute mais je ne me reproche absolument rien, je fais l’objet de beaucoup d’audits, je n’ai jamais été interpellé, on n’a jamais établi aucune preuve d’un détournement quelconque ou d’une mauvaise gestion du département que j’ai eu à diriger. Et depuis que j’ai quitté le gouvernement en 2006, croyez-moi, il y a eu beaucoup d’audits dans le secteur dont j’ai été le ministre et j’ai la conscience tranquille, je n’ai rien à me reprocher.

RFI